Illustration facade et entree d une Mairie.

Cumul des mandats, retour du conseiller territorial, nationalisation du périphérique : les sénateurs divisés sur le rapport Woerth

Remis ce jeudi 30 mai au président de la République, le rapport rédigé par l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy, aujourd’hui député Renaissance de l’Oise, contient plusieurs dispositions phares : la réintroduction du cumul des mandats, le retour du conseiller territorial, ou encore la nationalisation du périphérique parisien. Des mesures qui divisent les sénateurs sur le bon vieux modèle du clivage gauche-droite.
Alexis Graillot

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Attendu de longue date, le rapport du député Renaissance, Éric Woerth, sur la décentralisation, commandé à l’automne par l’Elysée et remis au Président de la République, formule 51 propositions. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que certaines dispositions pourraient faire grand bruit, à l’image de la suppression du Grand Paris, ou le retour du cumul des mandats.

Une dernière disposition qui sonne comme un grand retour en arrière pour l’exécutif, après la loi sur la moralisation de la vie publique, votée en 2017, au tout début du premier mandat de l’actuel président de la République. Si à droite, les mesures sont plutôt dans leur majeure partie saluées, la gauche est quant à elle beaucoup plus circonspecte.

Cumul des mandats : « Une très mauvaise idée » pour la gauche, la droite « favorable »

« Je pense très clairement que c’est une très mauvaise idée parce que les sénateurs sont déjà en lien avec le territoire », dénonce Daniel Salmon, au micro de Public Sénat. Pour le sénateur écologiste d’Ille-et-Vilaine, « on ne peut pas avoir des élus qui vont truster l’ensemble des postes ». « Je suis conseiller municipal et j’ai encore un lien avec ma commune », peste-t-il.

Son de cloche totalement différent à droite, pour ce qui constitue un véritable serpent de mer depuis plusieurs années. Le Sénat avait d’ailleurs adopté une proposition de loi en ce sens, en 2021. « Nous sommes favorables au retour du cumul des mandats parce que l’on considère que le besoin d’être ancré sur le territoire, permet de mieux juger les conséquences des lois que l’on peut voter au niveau national », estime pour sa part, le sénateur LR de la Somme, Laurent Somon. Son collègue, Jean-Raymond Hugonet, sénateur (app. LR) de l’Essonne abonde, torpillant au passage l’exécutif : « C’est un très bon signe », se réjouit-il d’emblée. Pour l’ancien maire de Limours, « ce pouvoir tellement décalé du territoire commence à comprendre les effets délétères de cette réforme », qu’il qualifie d’ « hérésie ». « Si c’est la réalité, c’est une excellente nouvelle », poursuit-il.

« Emmanuel Macron est obsédé par son hostilité à Paris »

Autre point d’achoppement entre sénateurs de gauche et de droite : la nationalisation du périphérique parisien, aujourd’hui sous la responsabilité de la ville de Paris. « Emmanuel Macron est obsédé pour son hostilité à Paris », tance Rémi Féraud (PS), sénateur de Paris. Pour l’ancien maire du 10e arrondissement de la capitale, « rien que le fait de créer une voie de covoiturage c’est déjà trop pour lui [le président de la République]. « Il n’arrive déjà pas à s’occuper ce dont il a la charge, alors qu’il en soit là aujourd’hui… », maugrée-t-il.

A contrario, la mesure semble réjouir la droite : « Nous sommes méprisés », dénonce Jean-Raymond Hugonet, qui torpille « le suicide actuel de la capitale sous couvert de nouveauté ». « Je suis un banlieusard et nous sommes méprisés », déplore le sénateur, qui estime que « la population de la deuxième couronne n’en peut plus ».

Conseiller de Paris, Rémi Féraud est également revenu sur deux autres mesures touchant la capitale, à savoir la suppression de la métropole du Grand Paris, ainsi que la mise en place d’élections directes. Sur la première mesure, le sénateur de la capitale pointe un « constat d’échec magistral » pour Emmanuel Macron. « En 2017, il annonçait une dynamique, depuis il n’a rien fait », déplore-t-il. Les critiques se font également acerbes sur la deuxième mesure : « Cela ne s’est jamais passé depuis des décennies », observe-t-il, dénonçant au passage « un très grand risque pour les Parisiens de voir la proximité remis en cause ». « En plus, je pense que cette proposition est inconstitutionnelle », assure-t-il. « Ce rapport, c’est la Foir’Fouille, qui montre une absence totale de prise en compte de ce qu’est la décentralisation », ironise-t-il.

Un certain consensus sur le retour du conseiller territorial

Néanmoins, certains points du rapport s’avèrent plus consensuels, à l’image du retour du conseiller territorial, voté sous Nicolas Sarkozy, mais abrogé en 2013 par la majorité socialiste. Ce conseiller devait remplacer les conseillers généraux et régionaux, afin de développer un interlocuteur unique, susceptible de faire le lien entre l’échelon départemental et l’échelon régional. « Ces nouveaux élus, moins nombreux mais avec une légitimité et une visibilité renforcées, siégeront au sein de l’organe délibérant de chacune de ces deux collectivités. Ils seront ainsi porteurs d’une vision à la fois départementale et régionale du développement des territoires », soulignait le Conseil des ministres du 21 octobre 2009.

« Nous avons besoin d’éclaircissements », tempère Daniel Salmon, qui juge cependant que l’ « on peut pousser la réflexion dès lors qu’on a une bonne représentation des territoires ». Sans surprise, la droite, qui avait porté la réforme, se veut plus enthousiaste. « Il est logique que les politiques régionales puissent être discutées au niveau départemental, pour voir comment sont appliqués et applicables les textes et les compétences en fonction des territoires », remarque pour sa part Laurent Somon (LR). « Quand on parle du millefeuille, on parle de réduire le nombre d’élus », déduit-il. Une « excellente nouvelle », se félicite Jean-Raymond Hugonet (app. LR), qui déplore le fait qu’il y ait « trop de strates », et des « grandes régions qui ne ressemblent à rien ».

Autre point de satisfaction des sénateurs, le relèvement des indemnités des élus, pour les communes de moins de 20 000 habitants. Une demande de longue date de la majorité sénatoriale, qui satisfait également à gauche. « Clairement, un certain nombre d’élus dans les petites communes sont sous-indemnisés », pointe Daniel Salmon, qui explique que « de nombreuses heures sont prises sur un temps qui n’est pas consacré au travail ». « Au sein du groupe écologiste, nous avons proposé une dotation spécifique pour les indemnités », rappelle-t-il.

Reste à savoir les suites qui seront donnés à ce rapport, et les pistes qui seront retenues par le gouvernement, pour cette énième potentielle réforme territoriale.

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