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Violences urbaines de juin 2023 : « Moins de 8 % des condamnés font référence à la mort de Nahel pour justifier leur comportement »

Auditionnés par le Sénat, les auteurs d’un rapport de l’administration sur les violences urbaines de juin dernier, évoquent l’absence de motivation idéologique ou politique de la part des émeutiers. Ils alertent sur une violence « sans limite, sans barrière ».
Romain David

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Quatre mois après les violentes émeutes qui ont embrasé de nombreuses communes et agglomérations en France, le gouvernement dévoile son plan d’action. Un encadrement militaire à l’attention des jeunes délinquants, une responsabilité financière pour les parents des mineurs responsables de dégradations, des peines de travaux d’intérêt général… La Première ministre Élisabeth Borne a voulu faire montre de fermeté ce jeudi 26 octobre en détaillant les mesures que le gouvernement entend prendre pour enrayer les phénomènes de violences urbaines. Ces dispositions doivent également s’accompagner du déblocage d’une enveloppe de 100 millions d’euros pour la reconstruction des bâtiments touchés.

De son côté, le Sénat a lancé une mission d‘information sur ces émeutes. Celle-ci entend analyser les actions menées pour rétablir l’ordre au cours de la période du 27 juin au 7 juillet 2023, étudier la réponse pénale apportée et suivre la réparation des dommages causés. Ce mercredi 25 octobre étaient auditionnés par la commission des lois les trois inspecteurs chargés de piloter le rapport commandé par le gouvernement à l’administration sur ces évènements. L’occasion d’esquisser le profil et les motivations des émeutiers.

58 297 infractions concernant 516 communes

Dans la mesure où il n’existe pas d’infraction de « violences urbaines » dans le code pénal, les inspecteurs ont travaillé sur un panel de 500 infractions différentes, regroupées en dix grandes catégories. Au 31 juillet, la justice avait identifié quelques 4 000 auteurs de l’une de ces 50 infractions, parmi lesquels un peu moins d’un tiers sont des mineurs.

L’administration, de son côté, s’est principalement intéressée pour son enquête, suivant la lettre de mission du ministre de l’Intérieur et du garde des Sceaux, aux jeunes de plus de 18 ans. Ce qui a amené les enquêteurs à éplucher 3 956 dossiers de majeurs définitivement condamnés au 31 juillet, par 32 tribunaux hexagonaux pour un total de 58 297 infractions, réparties sur 66 départements, concernant 516 communes. « Il s’agit d’une photographie à l’instant T », précise Joëlle Munier, inspectrice générale de la justice. « Le travail des forces de sécurité intérieure et des tribunaux judiciaires s’est bien évidemment poursuivi au-delà de nos travaux. Des interpellations ont encore eu lieu ces derniers jours ».

L’émeutier type, « un homme de nationalité française, d’une moyenne d’âge de 23 ans »

Les informations ainsi glanées, qui reposent en partie sur les déclarations faites par les justiciables aux forces de l’ordre ou devant les tribunaux, ont permis de dresser un « profil type » de l’émeutier ayant participé aux échauffourées de juin dernier. « Ce profil, sans pouvoir être extrêmement détaillé, nous est apparu néanmoins sur le plan socio-démographique, comme relativement homogène », souligne Joëlle Munier. « À savoir un homme de nationalité française, d’une moyenne d’âge de 23 ans, célibataire, sans enfant, hébergé par ses parents, ayant au mieux le baccalauréat, et plutôt en activité ».

75 % des auteurs de violences sont nés en France, 57 % sont sans antécédent judiciaire et ils ne sont que 39 % à se déclarer chômeurs ou sans activité. « Dans ceux qui ont déjà été condamnés, au vu de leur jeune âge, les condamnations remontent à un an ou 18 mois. 10 % des condamnations ont été prononcées en état de récidive légale. »

« Un rapport très décomplexé des auteurs des faits par rapport à l’expression de la violence »

Lorsqu’il est questions des motivations, celles-ci n’apparaissent que « très minoritairement liées à l’évènement déclencheur de cet épisode », relève Pascal Lalle, inspecteur général de l’administration. « Moins de 8 % des condamnés font référence à la mort du jeune Nahel pour justifier leur comportement ». La mort le 27 juin de cet adolescent de 17 ans à Nanterre, tué à bout portant par balle par un policier dans le cadre d’un contrôle routier, a été le point de départ des premières émeutes, le soir même.

« La quasi-totalité des condamnés n’exprime aucune revendication idéologique ou d’ordre politique susceptible de motiver une forme de colère et l’expression de la violence », poursuit Pascal Lalle. « On constate toutefois que ces actions dénotent d’un rapport très décomplexé des auteurs des faits par rapport à l’expression de la violence. Elle apparaît sans limite, sans barrière, y compris lorsqu’il s’agit d’agressions physiques à l’encontre des personnes dépositaires de l’ordre public. »

Les phénomènes de pillage ont élégamment attiré l’attention des inspecteurs. « C’est quelque chose d’un peu nouveau dans l’histoire des émeutes urbaines en France », pointe encore Pascal Lalle. « On est très clairement sur de l’opportunisme Il faut souligner que les casseurs ne font pas forcément partie des personnes interpellées. D’après les magistrats que nous avons interrogés, les casseurs étaient plutôt bien organisés, mais on a des gens qui suivaient ou qui ont été rameutés sur telle ou telle grande surface en se disant ‘on peut se servir’. Certains ont revendiqué un besoin d’adrénaline, et d’autres se disaient même poussés par une ambiance festive… ».

« Les motivations relevées faisaient partie de la stratégie de défense [des auteurs devant la justice, ndlr]. Ce qui est avancé doit être repris avec beaucoup de précautions […] Les motivations nous ont paru assez atténuées ou aseptisées par rapport à ce qu’elles pouvaient réellement être », nuance toutefois Patrick Steinmetz, inspecteur général de la justice.

L’inquiétude des élus

La majorité des personnes condamnées ont rejoint les lieux d’affrontement ou de pillage grâce à des boucles sur les réseaux sociaux ou les messageries privés ou, plus simplement, après avoir vu passer des posts mettant en avant un événement dans tel ou tel quartier. Le sénateur LR du Tarn-et-Garonne François Bonhomme évoque ainsi une « alliance des réseaux sociaux et des mortiers d’artifice ».

« Ce qui m’inquiète, c’est ce rapport décomplexé à la violence », a réagi François-Noël Buffet, le président de la commission des lois en fin d’audition. Un point sur lequel le législateur « va devoir travailler », estime l’élu. On l’avait intégré, on le sait depuis longtemps, mais cela veut dire qu’aujourd’hui tout est permis et le degré de gravité n’est même plus apprécié. Le mal est extrêmement profond et la réponse, sans doute, ne sera pas aussi simple qu’on veut bien le dire. Cela prendra du temps. »

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