La semaine dernière, les sénateurs socialistes demandaient une commission d’enquête sur les violences sexuelles et sexistes dans le milieu du cinéma, le spectacle vivant et les médias, après l’audition par le Sénat de Judith Godrèche le 29 février dernier. Son sort a été scellé par la conférence des présidents du mercredi 20 mars. Cette instance, qui réunit le Président du Sénat, ses vice-présidents, les présidents de groupes, de commissions, les rapporteurs de la commission des finances et des affaires sociales ainsi qu’un membre du gouvernement s’il le souhaite, se réunit une fois par mois environ, et elle décide de l’ordre du jour du Sénat. C’était elle qui devait décider si, oui ou non, la création d’une telle commission d’enquête serait soumise au vote du Sénat, seule condition pour qu’elle puisse exister.
Commissions d’enquête : « Il y a une inflation dans les demandes cette année »
Ce mercredi, la conférence s’y est opposée, au motif que de trop nombreuses commissions d’enquête avaient déjà vu le jour cette année. « Plusieurs autres commissions d’enquête ont été refusées lors de cette conférence », explique Laurent Lafon, président de la commission de la culture, qui aurait été en charge de la commission d’enquête, à publicsenat.fr, « les commissions d’enquête sont des structures assez lourdes et il y a une inflation dans les demandes cette année. Pour la commission de la culture, c’est la troisième demande que l’on me fait depuis le mois de janvier ».
Cette décision, même si les socialistes la comprennent, leur laisse un goût amer. « Le Président Larcher a rappelé qu’il y avait une surcharge de travail sur les commissions d’enquêtes », raconte Patrick Kanner, président du groupe socialiste, qui était présent à la conférence des présidents, « mais il y a une question de priorisation qui aurait pu être posée, c’est une déception ».
« J’aurais préféré une commission d’enquête, mais il faut que le Sénat s’en saisisse, d’une manière ou d’une autre »
Laurent Lafon l’assure, le refus de constituer cette commission d’enquête ne vient que de raisons de forme. Sur le fond, le président de la commission de la culture est prêt à continuer le travail. « J’ai proposé à la délégation qu’avec la commission de la culture nous puissions poursuivre le travail d’audition », rassure-t-il. Dominique Vérien, présidente de la délégation aux droits des femmes confirme : « Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de commission d’enquête qu’il faut qu’on laisse tomber l’opération. Nous allons faire des auditions pour poursuivre le travail et voir ensuite la forme que nous pourrons lui donner ». La délégation entendra donc le 15 mai prochain le collectif 50/50, qui milite pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans le milieu du cinéma. « C’est un sujet très important, j’aurais préféré une commission d’enquête, mais il faut que le Sénat s’en saisisse, d’une manière ou d’une autre », se résigne Patrick Kanner.
Une mission interministérielle lancée pour recueillir des témoignages
Les paroles très fortes de Judith Godrèche n’ont pas fait réagir que le Sénat. Devant l’Assemblée nationale, le 14 mars dernier, elle a réitéré sa demande de création d’une commission d’enquête parlementaire sur le sujet des violences sexuelles dans le cinéma.
Le 2 mars dernier, c’est la ministre déléguée en charge de l’Egalité entre les femmes et les hommes Aurore Bergé qui a annoncé la mise en place d’une mission interministérielle pour recueillir des témoignages et agir pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles. Le 21 mars dernier, elle présentait cette initiative devant les membres de la délégation aux droits des femmes. « Ces récits mettent en lumière des situations de domination où les risques d’abus de pouvoir persistent : dans la culture, dans le sport, dans la santé, dans l’enseignement supérieur. Des situations qui soulèvent incidemment la question d’une forme de complicité silencieuse de l’entourage, ou de responsabilité parentale », expliqua-t-elle. Une adresse mail a été créée pour recevoir les témoignages de femmes et d’hommes victimes, témoignages-efh@pm.gouv.fr. « Nous avons besoin de ces témoignages pour mieux calibrer la manière avec laquelle nous pouvons développer systématiquement des contre-pouvoirs, des garde-fous, des régulations, dans des domaines où ils font cruellement défaut. Il faut que ces prises de parole soient suivies d’effets », a-t-elle affirmé aux sénateurs.