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Violences dans le sport : « J’attends de tous les acteurs qu’ils condamnent ces agissements », appelle Amélie Oudéa-Castéra

Ce lundi 11 mars 2024, un colloque était organisé au Sénat à l’initiative du groupe socialiste, réunissant anciens ministres des sports, clubs, associations de supporters, fédérations, ligues ainsi que différents acteurs de la société civile. Objectif ? Echanger sur l’avenir du supportérisme au regard des graves incidents ayant émaillé le monde du sport (et particulièrement du football) ces derniers mois, à l’approche des Jeux olympiques et paralympiques. A cette occasion, en préambule, la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra a rappelé son engagement pour cette problématique tout en rappelant son souhait de « faire émerger un modèle français », qui consiste à « faire vivre le supportérisme ».
Alexis Graillot

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« La France a connu une recrudescence des actes violents dans les stades et à leurs abords », rappelait en introduction la sénatrice socialiste de la Haute-Garonne, Emilienne Poumirol, qui s’inquiète d’une « tendance structurelle qui s’aggrave ». « Apporter collectivement une réponse ferme et efficace pour que le stade devienne festif dans un environnement sécurisé » : tout un programme, qui a fait l’objet d’un colloque organisé au Sénat, ayant pour thème « Quel supportérisme pour demain ? »

« Rassembler les acteurs d’une cause commune »

Le premier objectif du colloque tient au renforcement du dialogue entre l’ensemble des parties prenantes, que ce soient les clubs, les ligues, les fédérations, les autorités publiques ou les associations de supporters. Un objectif clairement affiché par Emilienne Poumirol : « Nous sommes convaincus que les supporters sont des partenaires », en raison de leur « rôle essentiel dans l’animation des stades ». Avis partagé par la ministre des Sports qui se fixe comme boussole de « rassembler les acteurs autour d’une cause commune », afin de faire vivre le sport « de manière pacifique et joyeuse ».

A ce titre, la ministre salue « un dialogue franc et permanent avec les instances de supporters », notamment au regard des événements dramatiques des derniers mois, à l’image du caillassage du car lyonnais aux abords du stade Vélodrome ainsi que la mort d’un supporter niçois en marge du match Nantes-Nice : « J’ai voulu remettre tous les acteurs autour de la table et qu’il y ait un sursaut collectif », assure Amélie Oudéa-Castéra, tout en pointant certaines carences de l’Etat, notamment sur les aspects organisationnels : « L’Etat doit faire plus en préparant les matchs de manière plus collégiale et anticipée » estime-t-elle.

« Nous devons faire perdurer la culture du dialogue », plaide pour sa part Ronan Evain, directeur exécutif de Football Supporters Europe (FSE), qui souligne que « même si la période est houleuse, nous n’avons jamais cessé de se parler ». Un dialogue que la mise en place des « référents supporters » par loi Larrivé du 10 mai 2016, a contribué à structurer et renforcer. Ces personnes, nommées par les clubs professionnels, sont chargées de « la mise en œuvre d’un dialogue entre d’une part, l’ensemble des supporters individuels et des associations de supporters et, d’autre part le club et les pouvoirs publics locaux ». Un élément « essentiel » pour Xavier Pierrot, directeur général d’OL Groupe pour qui il n’existe « ni dialogue, ni confiance sans eux. « La valorisation doit aussi être dans le statut », estime le dirigeant. « Ils passent des heures au téléphone ou en déplacement et sans eux les incidents seraient beaucoup plus nombreux », alerte-t-il. Une mise en valeur par l’Olympique Lyonnais, que salue Thierry Braillard, ancien secrétaire d’Etat, qui souhaite « dupliquer l’initiative », jugeant que la politique du club rhodanien est « ce qui se fait de mieux en France ». La ministre des Sports s’est d’ailleurs prononcée en faveur de leur « généralisation », au même titre que celle des « policiers référents », leur corollaire au niveau des forces de l’ordre. Pour autant, Pierre Barthélémy, avocat d’associations de supporters, ces référents restent la plupart du temps « mal payés » et « sous-valorisés ».

« Nous avons privilégié les méthodes du dialogue et du collaboratif, les meilleurs ingrédients pour contribuer à faire bouger les choses », détaille pour sa part Hélène Schrub, directrice générale du FC Metz, qui estime cependant que « le chemin sera long ». A ce titre, l’Instance Nationale du supportérisme (INS), a été unanimement saluée par les intervenants, qui y voient « un lieu unique de rencontre », des mots d’Arnaud Rouger, directeur général de la Ligue de Football professionnel (LFP). Hélène Schrub propose à ce titre de « dupliquer l’instance dans les territoires dans le cadre de la lutte contre l’homophobie ». Même son de cloche pour Amélie Oudéa-Castéra qui souhaite même « élargir sa gouvernance ».

« Lutter contre les violences et les discriminations »

Ce rassemblement des acteurs ne peut néanmoins pas se faire sans une lutte contre les violences et les discriminations, qu’elles soient d’ordre sexiste, homophobe ou raciste. Constituant « le cœur du combat » de la ministre des Sports, les nombreux incidents graves de ces derniers mois, au sein et en dehors des stades, n’ont pas contribué à assainir l’image du football. « J’en appelle à un football sans violence », prône la ministre, pour qui « les clubs doivent aller au bout de leur responsabilité ». « J’attends que tous les acteurs condamnent ces agissements » tance-t-elle, s’adressant notamment aux associations de supporters, les enjoignant notamment à « éliminer les propos homophobes ».

Pour le sénateur socialiste de la Creuse, Jean-Jacques Lozach, cette violence est « structurelle » au sein du monde sportif, même si elle concerne « seulement une partie infime de supporters ». Néanmoins, il appelle à « ne pas rester passif face à ce phénomène de société », qui passe par la mise en place de « moyens supplémentaires », notamment dans l’éducation. Même constat pour Marie-George Buffet qui juge que « le sport est un miroir déformant et grossissant de notre société ». L’ancienne ministre des Sports, et récente rapporteure du Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport, appelle le mouvement sportif à une « forte exemplarité » et à « mettre fin aux phénomènes de tolérance lorsque les violences viennent de l’équipe que l’on supporte ». D’autant plus que ces violences s’étendent également au sport amateur, le commissaire Thibault Delaunay, constatant un phénomène de « contagion aux autres catégories du football mais également à d’autres disciplines » comme le rugby, même si celui qui est également chef de la DNLH (Division nationale de lutte contre l’hooliganisme), reconnaît que le football constitue « 99% » de son activité.

Cette extension potentielle de la violence au monde du rugby soulève à ce titre des « inquiétudes » pour Amélie Oudéa-Castéra, partagées par François Rauch, président de la Commission des Affaires Publiques de la Fédération Française de rugby (FFR). S’il salue que « la coupe du monde s’est formidablement bien déroulée » en raison de « l’esprit » qui règne au sein du monde du rugby, il note toutefois que « quelque chose s’est passé avec la remise en question violente de l’arbitrage du quart de finale France-Afrique du Sud ». L’arbitre néo-zélandais du match, Ben O’Keeffe, avait été en effet contraint de fermer l’accès public à son compte Twitter à la suite des multiples menaces de mort dont il avait fait l’objet. Pour répondre à cette « nouveauté », la fédération a annoncé la mise en place d’un système de notation par les arbitres du comportement des joueurs, du staff et du public, avec la mise en place de plans de sensibilisation, et en cas de note très médiocre, de sanctions.

« Le sport doit faire l’objet d’éducation avec un grand débat public sur ses enjeux », plaide Marie-George Buffet, qui souhaite que les recommandations du Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport, « fassent l’objet d’études d’impact », et ce, afin de « déboucher sur une loi-cadre » avec l’ensemble du mouvement sportif. « Être supporter c’est aussi un moment de partage et de mixité sociale », estime-t-elle.

A ce titre, la mixité sociale se trouve au carrefour des enjeux d’inclusivité dans le sport et notamment la place des femmes. A ce titre, François Rauch plaide pour « revoir les équilibres parmi les licenciés » de la FFR, qui ne comptent « que 12% de femmes », même s’il salue « chaque semaine, de nouveaux records pour les matchs féminins ». En particulier, il déplore que les licenciées n’aient « ni douches, ni toilettes, ni vestiaires ». Un « problème » alors que la fédération s’est fixée comme objectif de doubler son nombre de licenciées d’ici quatre ans. Pour pallier cette difficulté, le dirigeant appelle à « investir les quartiers prioritaires de la ville (QPV) », « un outil d’émancipation pour les femmes.

« Faire émerger le modèle français qui nous tient à cœur »

Ces problématiques amènent l’ensemble des acteurs à réfléchir sur « une nouvelle approche du supportérisme ». « Nous sommes passés des mesures répressives aux mesures préventives avant de rééquilibrer depuis 2015 », analyse le sénateur Jean-Jacques Lozach, citant notamment la loi Larrivé, précédemment citée, ainsi que le rapport Houlié-Buffet, rédigé en 2020, qui a notamment appelé à encadrer l’usage de la pyrotechnie plutôt que la prohiber purement et simplement.

Un rééquilibrage, qui s’est notamment illustré par la volonté de l’ensemble des acteurs, de « mettre fin aux sanctions collectives ». « Si les sanctions sont collectives, l’individu concerné ne se rendra pas compte que ses agissements sont illégaux », avance Xavier Pierrot, qui plaide pour « une justice plus stricte contre les agissements violents et racistes de certains supporters », rappelant que « les clubs ont la main ferme » en la matière. Une opinion partagée par Pierre Barthélémy, qui juge les sanctions individuelles comme étant « la clé », d’autant plus que « la majeure partie des incidents se déroulent hors stade ». « Les matches à huis clos sont un échec et cristallisent les tensions », déplore-t-il. Pour autant, l’avocat appelle les groupes de supporters en contrepartie à « clarifier leurs positions sur les violences » : « Aucune violence n’est légitime, même au sein de son club », ajoute-t-il.

Néanmoins, la réalité s’avère largement différente puisqu’une grande partie des sanctions restent encore et toujours destinées à l’ensemble des supporters : « L’année dernière, la France avait, en sept journées de championnat, prononcé autant de sanctions collectives que l’équivalent du reste de l’Europe », se désole Ronan Evain, qui juge que « l’empilement des mesures d’interdiction de stade et des sanctions collectives, constituent une véritable exception française », des mesures « contre-productives et inacceptables dans une société démocratique ».

Dès lors, le logiciel de l’appareil de l’Etat doit changer, même si aujourd’hui, le constat est celui du tâtonnement : « Il y a eu des initiatives et des rapports importants, mais sans d’architecture globale ni de ligne directrice claire entre tolérance zéro et prévention », avance Nicolas Hourcade, sociologue. Ce déséquilibre fragilise la volonté des acteurs de « passer d’un climat de défiance à un climat de confiance », même si l’ancien secrétaire d’Etat, Thierry Braillard, reconnaît qu’Amélie Oudéa-Castéra « a donné une impulsion », que ce soit sur la billetterie dématérialisée, l’expérimentation des engins pyrotechniques, la mise en place des référents supporters ou encore la création de tribunes debout. Cependant, certains sujets restent en suspens à l’image des questions de sécurité, un « tabou » selon Ronan Evain, en atteste le fiasco de la finale de Ligue des Champions entre le Real Madrid et Liverpool : « Nous devons réfléchir à la posture d’accueil des forces de l’ordre pour désescalader les tensions », estime Pierre Barthélémy, lorsque Thierry Braillard réclame pour sa part que « les préfectures arrêtent leurs arrêtés ». « Nous devons valoriser les personnels de sécurité pour faire des stades, des endroits sûrs et accueillants », demande Ronan Evain, estimant que « la sécurité est le parent pauvre » du mouvement sportif.

Sécurité pendant mais aussi en amont des matches, par l’attribution de « moyens pour la police et la justice », en se posant la question des déplacements des supporters. A ce titre, Pierre Barthélémy propose de développer le ferroviaire « qui simplifie la sécurité et l’accidentologie et favorise un meilleur coût environnemental ».

Enfin, Jean-Jacques Lozach rappelle le rôle essentiel du supporter « dans l’affirmation d’une communauté sportive », et notamment la place des éducateurs et des parents, maillons essentiels « pour dédramatiser les enjeux du sport ». Le sport reste en effet un jeu, un loisir, un plaisir et un moment de partage pour les adultes comme pour les enfants. Ne faisons pas porter le poids de la responsabilité à nos enfants des rêves que nous n’avons pas réussi à accomplir.

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