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Violences dans le foot : les sénateurs partagés sur les réponses à apporter pour endiguer le phénomène

Alors qu’un supporter du FC Nantes est décédé ce samedi 2 décembre en marge de la rencontre de ligue 1 opposant le club à l’OGC Nice, les solutions divergent quant à la réponse à apporter à des violences de plus en plus fréquentes.
Henri Clavier

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« À situation radicale, mesures radicales », lance la ministre des sports, Amélie Oudéa-Castéra, ce lundi 4 décembre sur France Inter. Interrogée sur la réponse à apporter, la ministre juge qu’il pourrait être judicieux de « s’arrêter sur les déplacements de supporters » en cas de match à risque. Si la ministre prône la prudence concernant les circonstances de la mort du supporter nantais de 31 ans, Amélie Oudéa-Castéra souhaite tout de même déployer une « réponse globale ».

Selon les informations communiquées par le procureur de la République de Nantes, « plusieurs véhicules VTC transportant des supporters niçois ont été pris à partie par des supporters du FC Nantes alors qu’ils circulaient avenue de la gare de Saint-Joseph, afin de se rendre au stade de la Beaujoire. » L’un des chauffeurs VTC a alors poignardé le supporter du FC Nantes dans des circonstances qui demeurent incertaines. Ce dernier est décédé malgré une intervention rapide des secours. Après avoir d’abord pris la fuite, le chauffeur de VTC s’est rendu à la police dans la nuit de samedi à dimanche.

« Une commission d’enquête, une mission d’information, un projet de loi peu importe, mais il faut une proposition »

« En concertation avec la ministre, nous souhaitons faire une proposition législative pour apporter une réponse au phénomène de la violence dans le foot », affirme le sénateur centriste des Vosges, Jean Hingray. En septembre dernier, le sénateur centriste avait proposé de lancer une commission d’enquête sur les « dysfonctionnements » pouvant exister dans les relations entre clubs de foot et supporters. « Une commission d’enquête, une mission d’information, un projet de loi peu importe, mais il faut une proposition », martèle Jean Hingray. « Nous ferons rapidement des propositions avec Pierre-Antoine Lévi (sénateur centriste du Tarn-et-Garonne), la ministre a l’air de vouloir bouger, on peut l’accompagner », déclare Jean Hingray sans donner plus de détails sur ces propositions, hormis la volonté de renforcer les sanctions pénales applicables.

Pour Michel Savin, sénateur LR de l’Isère et chef de file de son groupe sur les questions en rapport avec le sport, doute de la pertinence d’une commission d’enquête, bien qu’il reconnaisse la nécessité « d’être plus dissuasif » et « accentuer les peines ».

Interdire les déplacements, vraiment ?

Si les affrontements entre supporters de clubs rivaux sont un phénomène ancien, aucune mesure n’a réellement réussi à endiguer le phénomène. « Il ne faut pas pénaliser tout le monde, en fermant des tribunes, cela peut avoir un effet négatif. Mais il faut prononcer des peines très fortes, il ne faut pas banaliser ces agressions », explique Michel Savin. Actuellement, les principaux outils sont les interdictions individuelles de stade (administratives ou judiciaires) et les interdictions ou encadrement de déplacement pris par arrêté ministériel ou préfectoral.

Alors faut-il interdire les déplacements à risque comme le préconise Amélie Oudéa-Castéra ? En réalité, le nombre d’arrêtés encadrant ou interdisant les déplacements connaît une croissance ininterrompue depuis plusieurs années. La Division nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH) recensait, pour la saison 2021-2022, 184 arrêtés encadrant ou interdisant les déplacements contre 107 pour la saison 2017-2018. En l’occurrence, le déplacement des supporters niçois avait fait l’objet d’un arrêté d’encadrement prévoyant un rassemblement en périphérie nantaise avant d’être acheminés vers le stade sous escorte policière. « C’est toute la difficulté de ce genre de situation, ce ne sont pas des cars qui ont été ciblés mais des véhicules privés », abonde Michel Savin.

« Si on joue sans supporters, il n’y aura plus de violence »

Pour le sénateur écologiste Thomas Dossus, il faut se méfier des solutions de facilité et du tout répressif. « Si on joue sans supporters, il n’y aura plus de violence », ironise l’élu du Rhône. « Il ne faut pas se leurrer en pensant que la sanction est la seule solution, on peut augmenter autant qu’on veut les peines ça ne changera rien, il faut trouver des espaces de concertation », continue le sénateur écologiste. En 2016, la loi Larrivé a créé l’Instance nationale du supportérisme (INS) pour renforcer le dialogue avec les supporters. Depuis la fin des restrictions liées au covid-19, l’INS peine à incarner réellement un espace de dialogue entre les supporters, les clubs et les autorités. « On voit bien qu’il y a un problème, l’INS ne s’est même pas réunie depuis ce qu’il s’est passé à Marseille [où le bus des joueurs lyonnais avait été caillassé blessant plusieurs membres du staff] », s’étonne Thomas Dossus. « Il faut considérer les groupes de supporters comme un corps intermédiaire et créer des cadres de rencontre, notamment au niveau local entre les collectivités, la préfecture, les clubs et les supporters », continue le sénateur du Rhône.

Une évolution du phénomène ?

Même si les solutions retenues divergent, le constat d’une évolution des violences liées au foot est partagé. « Il y a quelques années, les violences se concentraient dans les stades, aujourd’hui, les choses se déroulent sur la voie publique », pointe Michel Savin. Depuis le début de la saison 2023-2024, on assiste à une recrudescence du nombre d’actes violents pouvant cibler des joueurs ou des supporters, comme le 26 novembre où le bus des supporters du Stade brestois avait été visé par des jets de pierre faisant deux blessés.

« On observe une évolution, on va s’inspirer de ce qui se fait à l’extérieur, en Angleterre ou en Italie où les violences ont été quasiment éradiquées », déclare Jean Hingray. Dans les années 1980, l’Angleterre avait pris un tournant en multipliant les interdictions de stade. Malgré cela, les violences restent présentes dans le football anglais, notamment dans les divisions de seconde zone. « Il y a également une augmentation inquiétante des violences au niveau amateur », alerte Michel Savin.

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