L’image du visage ensanglanté de Fabio Grosso, entraîneur de l’Olympique Lyonnais (OL), a marqué la soirée du dimanche 29 octobre. Alors qu’il se dirigeait vers le stade Vélodrome pour affronter l’Olympique de Marseille, le car des joueurs de l’OL a été la cible de projectiles. L’entraîneur de l’OL et son adjoint ont été touchés par des éclats des vitres brisées par les jets de bouteilles, conduisant au report de la rencontre de cette 10ème journée de Ligue 1. Par ailleurs, le club lyonnais a déploré dans un communiqué publié lundi des « inacceptables comportements racistes d’individus dans le parcage » des supporters de Lyon, le club examine les images de vidéosurveillance pour identifier les auteurs de ces actes.
Lundi matin, sur le plateau de BFM TV, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a indiqué que cinq policiers avaient été blessés lors de ces incidents et que neuf personnes avaient été interpellées, dont « des gens qui se disent supporters marseillais ». Le procureur de Marseille Nicolas Bessone a annoncé l’ouverture de deux enquêtes, l’une pour « violences avec arme en réunion » pour les jets sur le car de l’OL, l’autre concernant des tirs de projectiles sur quatre cars de supporters lyonnais. L’Olympique Lyonnais a annoncé qu’il allait déposer plainte, ce que le club marseillais devrait également faire selon une source au sein du club citée par l’AFP.
Qui est responsable ?
Le lendemain, Arnaud Rouger, directeur général de la Ligue de football professionnel (LFP), insistait auprès de RMC Sport sur le fait que les incidents avaient eu lieu « à 500 mètres du stade ». « Cela ne relève pas de notre responsabilité », a-t-il indiqué, tout en réclamant des « sanctions fortes ». Pourtant, de son côté, Gérald Darmanin est formel, « C’est au club de gérer ses supporters », il n’y a « pas eu de défaillances » de ses services dans la sécurisation du match.
Dans les faits, c’est bien l’État qui est responsable de la sécurisation de la voie publique, et donc des abords du stade, 500 policiers étaient d’ailleurs déployés lors de la rencontre de dimanche. Pour le sénateur écologiste du Rhône Thomas Dossus, la responsabilité du ministère de l’Intérieur est donc clairement établie : « Il y a eu une défaillance dans le transport des joueurs. À partir du moment où on sait qu’un déplacement va donner lieu à des tensions, il faut mettre en place davantage de moyens pour sécuriser les trajets et anticiper les débordements. »
À ce titre, le choix de la préfecture des Bouches-du-Rhône d’autoriser la venue de 600 supporters lyonnais, après plusieurs années d’interdiction de déplacement, est critiqué. Mais pour la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castera, interrogée sur le plateau de BFM TV ce 30 octobre, ces autorisations sont le fruit d’un « travail approfondi de préparation de la rencontre par la préfète » et font partie de « la normalisation en cours » dans les relations entre les supporters des deux clubs. « On organise ces rencontres pour qu’à un moment les supporters puissent se rendre dans les stades », a-t-elle ajouté.
« Tolérance zéro » sur les interdictions de stade
Ces faits de violence dans les stades ne sont pas nouveaux. Le 8 octobre, un match entre Montpellier et Clermont avait déjà été interrompu après le jet d’un pétard sur la pelouse. La saison 2021-2022 de la Ligue 1 avait également été émaillée de nombreux incidents, à l’image du jet de bouteille d’eau sur l’attaquant Dimitri Payet, déjà lors d’une rencontre entre l’OL et l’OM. Mais pour le sénateur LR Michel Savin, spécialiste des questions sportives, les violences sont montées d’un cran hier : « Ce qu’il s’est passé hier est bien plus grave que le projectile jeté sur Dimitri Payet, car ces incidents se sont déroulés sur la voie publique. Hier c’étaient des bouteilles, mais demain cela peut être encore pire ! »
Pour l’élu de l’Isère, il ne suffit pas de renforcer la sécurité aux abords des stades pour mettre fin aux violences. « Il faut envoyer un message fort de fin de la complaisance, avec des sanctions exemplaires à l’encontre des auteurs de violences physiques et d’actes discriminatoires comme ceux qu’on a pu voir hier. Ces personnes ne doivent plus pouvoir entrer dans les stades », insiste Michel Savin. Pour le sénateur, c’est une politique de la « tolérance zéro » qui doit s’appliquer au sujet des interdictions de stade, qu’il juge encore trop laxiste. Selon un rapport d’information de l’Assemblée nationale publié en 2020, entre 300 et 350 personnes sont interdites de stade en France chaque année. À titre de comparaison, elles seraient 1 600 en Angleterre et 1 300 en Allemagne, d’après des chiffres cités par Franceinfo.
Depuis 1993, la loi prévoit une « peine complémentaire d‘interdiction de stade », qui peut être prononcée pour une durée de 5 ans maximum, en complément d’une condamnation pour une infraction commise dans le cadre d’une rencontre sportive, dans les stades mais aussi aux abords et dans les lieux de retransmission publique des matchs. Depuis 2006, cette mesure peut également être préventive, les préfets ayant le pouvoir de prononcer des interdictions administratives de stade, de trois ans maximum, à l’encontre d’individus dont le comportement passé fait craindre des troubles à l’ordre public. Depuis 2016, enfin, les organisateurs des matchs ont la possibilité de constituer un fichier pour recenser les supporters violents afin de leur refuser la vente de billets.
Une Instance nationale du supportérisme « sous-investie »
La loi de 2016 « renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme » a également entraîné la création d’une Instance nationale du supportérime (INS), placée sous l’autorité du ministère des Sports. Pour Thomas Dossus, rien ne sert de miser sur le tout-répressif, les différents acteurs du football doivent aussi davantage s’appuyer sur cette instance, qu’il juge « sous-investie ». « Il faut donner plus de corps à l’INS, son rôle devrait être de créer du dialogue entre les clubs et les associations de supporters », estime l’élu écologiste.
Pour le sénateur socialiste Jean-Jacques Lozach, les incidents du 29 octobre sont ainsi l’opportunité de revoir la collaboration entre clubs et associations de supporters, pour davantage associer ces dernières à l’organisation des événements. « Il faut lancer, dans le cadre de l’INS, une réflexion sur ce sujet pour que tous les clubs prennent sérieusement en compte les organisations de supporters, avec la présence d’un référent supporter au sein des conseils d’administration de tous les clubs », suggère l’élu. Une proposition que la ministre des Sports a également mis sur la table. Sur BFM TV, ce lundi, elle a invité la LFP à se pencher sur le sujet : « Les clubs ont un rôle majeur dans le dialogue avec les associations de supporters, pour qu’un changement de culture en profondeur se passe enfin. »