Un texte déposé au Sénat pour définir l’absence de consentement comme l’élément constitutif du viol
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Le 25 novembre a lieu la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Tous les ans, pendant la semaine qui précède, c’est l’occasion de parler dans le débat public de sujets qui en sont souvent absents le reste du temps, comme le viol et les violences sexuelles. C’est cette semaine que la sénatrice écologiste des Français de l’étranger Mélanie Vogel a choisi pour déposer une proposition de loi visant à reconnaître l’absence de consentement comme élément constitutif de l’agression sexuelle et du viol.
« Seulement 0,6% des viols sont condamnés »
« Seulement 0,6% des viols sont condamnés, on ne peut pas m’expliquer que ça va », argumente l’autrice du texte, « dire dans la société « quand ce n’est pas oui c’est non » et qu’il n’y a pas de zone floue, cela participe à créer les modifications de l’imaginaire collectif autour de la sexualité ».
Dans le droit français, le viol est défini à l’article 222-23 du Code pénal comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise ». L’agression sexuelle, elle, est définie comme « toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ». Nulle mention directe du consentement, donc.
Un texte pour spécifier explicitement l’absence de consentement dans la définition pénale du viol
Mélanie Vogel souhaite donc que le consentement soit explicitement mentionné dans la définition du viol. « Dans la définition actuelle, il y a des situations où l’absence de consentement peut être établie mais où on n’a pas la capacité de démonter activement la présence d’un des quatre facteurs, pénalement parlant ce n’est donc pas un viol. Cette proposition de loi permet d’étendre le champ des preuves admissibles » explique-t-elle. Dans son texte, elle plaide pour que le viol soit identifié « dès lors qu’un acte de pénétration sexuelle ou un acte bucco-génital serait commis sur la personne de l’auteur ou sur la personne d’autrui sans le consentement d’autrui ». Elle précise ensuite que « le consentement ne peut être donné en cas de violence, contrainte, menace, surprise, mais également qu’il peut être retiré à tout moment ».
Mais comment définir juridiquement le consentement, ou en l’espèce son absence ? Mélanie Vogel s’étonne : « Il n’y a que pour les questions liées aux violences sexistes et sexuelles qu’on trouve que c’est compliqué de prouver le consentement ou non. Quand on rentre dans votre domicile par effraction, on ne trouve pas que c’est compliqué de prouver que vous ne vouliez pas. »
« Le fait de fonder la définition du viol sur la notion de consentement modifie la façon dont on mène les interrogatoires »
Pour l’écologiste, le droit français est en retard. « Les gens pensent que le Code pénal définit déjà le viol comme l’absence de consentement », justifie-t-elle. Elle espère que ce changement permettra d’augmenter le nombre de condamnations pour viol : « Le fait de fonder la définition du viol sur la notion de consentement modifie la façon dont on mène les interrogatoires. Aujourd’hui, on cherche la présence de violence, de contrainte, … Là, on va chercher s’il y avait consentement ou non ».
Au-delà de l’avancée en matière juridique, la sénatrice est convaincue que cette modification aura des répercussions plus larges sur la société dans son ensemble : « Quand le législateur se met à discuter du fait qu’un rapport sexuel non consenti est interdit, cela a un effet dans la discussion publique qui lui est consacrée. Dans les pays où cette modification a été apportée, ce qui a compté, c’est le débat dans la société. Finalement le fait de modifier les valeurs culturelles, c’est au moins autant important que ce qui résulte du changement du Code. Cette réforme fait partie d’une réforme globale qu’on doit avoir, c’est un maillon d’une grande chaîne ».
« La France bloque une avancée importante au niveau européen »
Le texte de Mélanie Vogel est déposé dans un contexte plus large. La Commission européenne a proposé, le 8 mars 2022, une directive pour lutter contre les violences faites aux femmes. Parmi ces articles, un en particulier fait débat au sein des Etats membres : celui qui propose une définition commune du viol, qui fait directement mention de l’absence de consentement. Elle permettrait de faire converger toutes les lois des pays européens sur le sujet. Si le Parlement et la Commission s’accordent sur cette définition, quelques Etats bloquent et souhaitent retirer cette mention du texte. On compte dans leurs rangs la France, aux côtés de la Pologne et de la Hongrie.
Ce refus suscite l’incompréhension, tant au sein de la gauche et des écologistes, que chez la députée européenne du groupe de centre-droit PPE Nathalie Colin-Oesterlé. Des parlementaires de gauche et écologistes, dont fait partie Mélanie Vogel, ont d’ailleurs écrit une lettre à Emmanuel Macron et Elisabeth Borne le 13 novembre dernier pour leur demander de revoir la position de la France, à laquelle ils n’ont pas reçu de réponse. « La France bloque une avancée importante au niveau européen, alors qu’elle s’est engagée à la mettre en œuvre en signant la Convention d’Istanbul [convention internationale signée par plusieurs pays européens dont la France, relative à la lutte contre les violences faites aux femmes et qui propose une définition du viol basée sur l’absence de consentement, nldr] », se désole Mélanie Vogel, « la proposition de loi que je porte ne ferait que respecter nos engagements internationaux, elle met en lumière les positions que le gouvernement français défend en notre nom au niveau européen, alors que la population ne pense pas ça ».
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