C’est un rapport qui ne va pas vraiment ravir les partisans de l’interdiction de la chasse. L’année dernière, suite à plusieurs accidents mortels, la limitation de cette activité, au moins les week-ends et les vacances scolaires, s’était invitée dans la campagne présidentielle.
Fin 2021, une pétition intitulée « Morts, violences et abus liés à la chasse : plus jamais ça ! », déposée par le collectif « un jour un chasseur » explosait le compteur de signatures sur la plateforme dédiée du Sénat : 122 000. Plus qu’il n’en fallait pour, conformément au règlement de la Haute assemblée, pousser les sénateurs à réagir.
Ce sera fait par la mise en place d’une mission de contrôle. Après 48 auditions et cinq déplacements, elle vient de remettre son rapport et 30 propositions « pour plus de sécurité à la chasse ». A noter que c’est la première fois, qu’une mission parlementaire a pour origine une e-pétition déposée sur le site du Sénat. Un baptême du feu sur un sujet plus que clivant a donné lieu à quelques remous comme les élus le déplorent en avant-propos du rapport. « La mission regrette cependant que cette transparence ait donné l’occasion à certains, pro ou anti-chasse, d’exercer des pressions sur les personnes entendues, provoquant un climat parfois pesant et bloquant les échanges ».
Pas de surreprésentation des accidents les week-ends et les mercredis, selon la mission
La demande du collectif à l’origine de la pétition était, certes, « un renforcement des règles de sécurité, un contrôle des armes de chasse et des comportements à risque, un renforcement des sanctions pénales et la reconnaissance des victimes de la chasse par l’État, mais surtout « l’interdiction de la chasse les mercredis et dimanches ». Une demande que les candidats à la présidentielle, Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon avaient, à l’époque, soutenue.
Mais une réglementation drastique de cette activité de la part de la Chambre des territoires, réputée pro-chasse, semblait peu probable, même si la présidente (LR) de la commission des affaires économiques, Sophie Primas, avait assuré que toutes les pistes « étaient sur la table ».
Statistiques à l’appui, les sénateurs balayent toute évolution en ce sens au niveau national. « On ne retrouve pas cette surreprésentation dans les accidents ayant pour victimes des non-chasseurs qui se répartissent sur toute la semaine sans pic marqué le mercredi ou le week-end », souligne le rapport. Raison pour laquelle, les élus renvoient cette possibilité à des « accords locaux ».
Ce point avait constitué un échange houleux lors de l’audition des associations anti-chasse. « On a un souci en France, c’est celui du lobby cynégétique jusqu’au sommet de l’Etat, et particulièrement au Sénat », avait tancé Yves Verilhac, directeur général de la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO), obligeant Patrick Chaize, rapporteur LR de la mission, à se justifier. « Quand j’ai accepté de prendre ce rôle, je savais qu’au bout du compte je n’aurais que des ennemis. Je suis persuadé que les chasseurs penseront la même chose que vous après notre rapport. » présageait-il.
» Lire notre article. Mission d’information sur la chasse : audition tendue au Sénat avec des associations anti-chasse
Pas d’alcool à la chasse
9 mois plus tard, les préconisations du Sénat ne vont pas à proprement parler susciter une levée de boucliers de la part des chasseurs. La mission propose modestement d’aligner la chasse sur les sports se pratiquant avec une arme, soit la présentation d’un certificat médical annuel. Ils souhaitent également interdire l’alcool et les stupéfiants à la chasse en alignant le taux d’alcoolémie et les sanctions sur les règles en vigueur en matière de code de la route.
En ce qui concerne la formation des chasseurs, les sénateurs demandent d’intégrer au permis de chasse, « une épreuve vérifiant l’habileté au tir ». En cas d’homicide par tir direct, la mission veut aller plus loin que le retrait à titre conservatoire du permis de chasser. Il pourrait « être systématique et une interdiction de le repasser pendant dix ans instituée ».
Création d’un délit d’entrave à la chasse
Ils rejettent en revanche l’idée d’instaurer des distances de sécurité autour des habitations ou des routes. « Elles conduiraient, compte tenu de la portée des armes, à interdire la chasse dans une grande partie de la France et poseraient des problèmes de régulation en créant des zones refuge », arguent les élus. Mais dans l'optique de plus de sécurité pour les non chasseurs, les élus souhaitent développer l’expérimentation de la déclaration préalable et systématique des battues notamment via des applications mobiles.
Ainsi, les sénateurs veulent créer « les outils du dialogue entre chasseurs et non-chasseurs notamment via « une plateforme de recueil des incidents et conflits d’usage. Néanmoins, l’une de leurs propositions risque de braquer certains. La mission demande la création d’un délit d’entrave à la chasse. Actuellement, s’opposer à un acte de chasse, est considéré comme une contravention. Une disposition visant à transformer cette contravention en délit, puni d’un an d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, avait été votée au Sénat en avril 2019. Mais cet amendement au projet de loi relatif à la création de l’Office français de la biodiversité n’avait pas résisté à la navette parlementaire. En septembre de cette même année, une proposition de loi sur le délit d’entrave déposée par Jean-Noël Cardoux, président LR du groupe d’études chasse et pêche, avait, là encore, été adoptée par les sénateurs.
Enfin, rappelons que Willy Schraen, le président de la Fédération nationale des chasseurs a, lui aussi, utilisé le canal des e-pétitions pour faire entendre sa voix. Sa pétition réclamant « la fin de la réduction fiscale pour les dons aux associations qui utilisent des moyens illégaux contre des activités légales », a allègrement dépassé les 100 000 signatures conduisant à la mise en place d’une « mission flash » par le Sénat.