Suite à trois recours déposés contre le choc des savoirs, dont un par la sénatrice écologiste Monique de Marco, le rapporteur public du Conseil d’Etat demande d’annuler la mise en place des groupes de niveau au collège, soit le cœur de la réforme portée par Gabriel Attal. S’il faut encore attendre la décision du Conseil d’Etat, son avis pourrait être suivi.
Twitter est mort, vive le X !
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Le logo historique de Twitter a été remplacé par « X », en écho aux deux autres sociétés du milliardaire américain, SpaceX et X.AI. Cette transformation s’inscrit dans une stratégie plus globale puisque l’application devrait évoluer vers un modèle similaire à celui de « WeChat » et centraliser plusieurs types de services – audio, vidéo, messagerie, mais aussi des services de banques et de paiements. La directrice générale avait d’ailleurs déclaré : « Il n’y a absolument aucune limite à cette transformation. X sera la plate-forme qui peut vous apporter, eh bien… tout. ». Entretien avec Olivier Lascar, rédacteur en chef du pôle digital de « Sciences et Avenir » et auteur du livre « Enquête sur Elon Musk, l’homme qui défie la science » (Éditions Leduc, Alisio, 2022).
Selon vous, quelle est la stratégie d’Elon Musk à court et long terme ? Qu’espère-t-il gagner ? D’ailleurs, est-ce là une véritable stratégie ou s’agit-il de la lubie d’un milliardaire excentrique ?
L’image qu’Elon Musk renvoie – celle d’un « poulet sans tête qui court à droite à gauche » sans savoir où il va -, est un leurre. C’est un jeu auquel il joue souvent. La ligne directrice est assez claire dans sa tête : pour les réseaux sociaux, il fait finalement ce qu’il a toujours dit qu’il ferait. Il avait déclaré qu’il voulait créer les conditions qui permettront le développement de cette application totale. Ce n’est donc pas une surprise qu’il renomme Twitter en X puisqu’il assume depuis le début qu’il veut développer ce produit. Ce qui, en revanche, est surprenant, c’est que lorsqu’on rachète aussi cher une entreprise, il ne s’agit pas seulement d’acheter sa mécanique, mais aussi sa façade et les usages qui y sont associés. Dans le cas de Twitter, c’est assez hasardeux puisqu’il fait une croix sur une application qui a imprimé notre société médiatique, où tout un jargon a émergé (on parle de tweet sur les plateaux télé, par exemple.
En technologie, on ne décrète pas les usages, on constate leur surgissement. Il y a l’exemple des metaverses de Zuckerberg : pendant des années, celui-ci va travailler tout un discours en parlant de créer les conditions d’une révolution technologique, il va jusqu’à renommer Facebook en Meta, mais ça ne prend pas. De l’autre côté, on a l’exemple de ChatGPT qui surgit du jour au lendemain et le grand public s’en empare très rapidement sans même avoir été pressé à le faire. Donc dans le cas qui nous occupe, le choix d’Elon Musk est assez surprenant car bien que Twitter n’était pas encore rentable et très critiqué, il n’en demeure pas moins que l’application avait trouvé son chemin. D’un point de vue marketing, faire une croix sur son identité de marque est très hasardeux : ce n’est pas une décision surprenante, mais cela montre une forme de précipitation – c’est très muskien !
En fin de compte, l’objectif de long terme d’Elon Musk n’est-il pas d’effacer la marque Twitter afin d’ajouter Twitter X à la liste des entreprises qu’il possède et prétend avoir inventé ?
En effet, c’est un peu l’idée de brouiller les cartes. Elon Musk a toujours joué à ça dans son histoire industrielle. Dans mon livre, c’est ce que j’appelle la « technique du coucou » : faire son nid dans celui des autres. Tesla, ce n’est pas lui qui l’a inventé, faire des engins spatiaux réutilisables, il ne l’a pas vraiment inventé non plus : d’une certaine façon, c’était le principe de la navette américaine. Il se donne l’image d’un inventeur alors qu’il ne l’est pas. Donc avec Twitter qui devient X, il y a peut-être un peu de ça. En se débarrassant d’un historique, il fait table rase…
Il n’en demeure pas moins que le rachat de Twitter s’inscrit bien dans sa stratégie globale. Depuis vingt ans, l’obsession de Musk est le voyage spatial, envoyer les humains sur Mars. Pour y parvenir, il s’est doté d’une vache à lait (Tesla), et avec Twitter, il se donne un levier d’influence totale. Ce faisant, il développe une technique classique, qui est celle des capitaines d’industrie : s’emparer de la presse et des médias pour peser sur l’opinion publique ainsi que sur les décideurs publics et économiques. L’idée est d’avoir l’oreille des politiques parce que le problème de Musk aujourd’hui est d’une part d’ordre technique – tout ne fonctionne pas – et d’autre part d’ordre légal. Par exemple, en voulant faire rouler une voiture sans personne à bord, il se heurte en effet au cadre légal et au législateur américain. Par conséquent, disposer d’un outil comme Twitter, de réseautage, d’influence médiatique est cohérent dans le cadre des activités industrielles de Musk.
Twitter Blue, la certification payante, n’est-ce pas là une manière de légitimer de nouveaux leaders d’opinion en effaçant la légitimité qu’avaient certaines personnalités et institutions – en les noyant en quelque sorte dans la masse ?
Disons que cela met encore plus sur la table la question de la définition des réseaux sociaux. Les réseaux sociaux de tout temps n’ont jamais voulu apparaître comme des médias et préféraient se définir comme de simples relais. Or, en favorisant certains contenus et leaders d’opinion au détriment d’autres, ils font un choix éditorial. Ce sont donc des médias. Avec Musk, cette stratégie est clarifiée. Il a plutôt éclairci cela, ce qui est plutôt positif de ce point de vue là.
C’est une personnalité imprévisible, qui prend des décisions contradictoires ?
Il y a une forme de duplicité chez lui. Souvent, il prétend quelque chose et fait le contraire. Par exemple, il a été l’un des premiers à alerter des risques de l’intelligence artificielle et à expliquer que celle-ci allait nous mettre devant des enjeux existentiels alors qu’en parallèle, il a toujours fait usage de l’IA avec ses sociétés, et il a participé activement à la création d’OpenAI. En mars 2023, il a réclamé avec plusieurs personnalités un moratoire sur l’IA pour demander une pause dans les recherches sur les intelligences artificielles génératives, invoquant des « risques majeurs pour l’humanité ». Deux ou trois jours plus tard, on apprend que Musk a lancé sa startup consacrée à cette thématique pour concurrencer OpenAI et son ChatGPT.
Avec une application qui concentre autant de services et donc de données, le milliardaire américain risque par ailleurs de se heurter à la question du monopole, au moment où les GAFAM sont déjà dans le collimateur du législateur américain – à moins que Musk, devenu lobbyiste, ait le bras assez long pour que les décideurs acceptent de lui faire confiance.
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