Suite à trois recours déposés contre le choc des savoirs, dont un par la sénatrice écologiste Monique de Marco, le rapporteur public du Conseil d’Etat demande d’annuler la mise en place des groupes de niveau au collège, soit le cœur de la réforme portée par Gabriel Attal. S’il faut encore attendre la décision du Conseil d’Etat, son avis pourrait être suivi.
Trafic de tabac, fouilles, drones : le Sénat adopte la réforme des douanes
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On approche de la fin d’un chemin législatif qui a commencé le 22 septembre 2022. Le Conseil constitutionnel avait alors appelé l’exécutif à revoir l’article 60 du code des douanes, codifié en 1948, qui autorise les agents des douanes à fouiller les moyens de transport, les marchandises, et les personnes lorsqu’elles passent la frontière. « En ne précisant pas suffisamment le cadre applicable à la conduite de ces opérations [de fouille], tenant compte par exemple des lieux où elles sont réalisées ou de l’existence de raisons plausibles de soupçonner la commission d’une infraction, le législateur n’a pas assuré une conciliation équilibrée entre, d’une part, la recherche des auteurs d’infractions et, d’autre part, la liberté d’aller et de venir et le droit au respect de la vie privée », a jugé le conseil dans sa décision de septembre dernier. Les Sages avaient alors laissé un an au gouvernement pour proposer une réforme de ce « droit de visite », en précisant que l’inconstitutionnalité de cette disposition ne s’appliquerait qu’au 1er septembre 2023.
« Donner à la douane des moyens de faire face à des nouvelles menaces »
Le gouvernement, ainsi que le législateur, se sont ainsi saisis de la question pour « moderniser » le code des douanes et « l’adapter aux nouvelles menaces. » Albéric de Montgolfier (LR) et Claude Nougein (LR) ont ainsi commis un rapport en octobre dernier pour proposer une réorganisation des services douaniers et renforcer la lutte contre le trafic de drogue. Le projet de loi présenté par le gouvernement s’est d’abord concentré sur la refonte technique du droit de visite des agents de douane, pour le remettre en conformité avec la jurisprudence.
Ainsi, le texte précise que les douaniers pourront fouiller les marchandises et les personnes uniquement en zone frontière, dans le « rayon des douanes » (40 km à l’intérieur du territoire à partir de la frontière) ainsi que dans les ports, aéroports, gares ferroviaires et routières internationales. En dehors de ces cas, un agent de la douane devra motiver une fouille auprès du procureur de la République par des raisons plausibles de soupçonner une infraction douanière. Les fouilles au corps seront interdites, et les personnes ne pourront être immobilisées plus de temps que nécessaire.
« C’est le Conseil constitutionnel qui nous a obligé à réformer le code des douanes. Cela a été vu comme un véritable électrochoc, nous nous en serions bien passés. Mais ça a aussi été l’occasion d’aller plus loin, on ne s’est pas contentés d’une mise en conformité du droit de visite et cela nous a permis d’avoir un débat », s’est par ailleurs félicité le rapporteur LR du projet de loi, Albéric de Montgolfier. « C’est un débat important, le premier projet de loi dédié à la douane depuis près de 65 ans. Elle le mérite parce qu’il faut réécrire l’article 60 pour que les douaniers puissent continuer à utiliser leur droit de visite à partir du 1er septembre, mais aussi parce que nous devons donner à la douane des moyens de faire face à des nouvelles menaces », a abondé le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal.
Des drones pour lutter contre le trafic de tabac aux frontières
L’autre grand axe du projet de loi est ainsi de donner les moyens aux agents douaniers de « faire face aux nouvelles menaces » causées par les nouvelles technologies notamment. En termes de cybercriminalité, par exemple, le projet de loi prévoit de donner la compétence aux douanes d’interdire la vente de produits illicites en ligne. À ce titre, lors de l’examen au Sénat, la chambre haute a voté l’encadrement de la nouvelle prérogative permettant de geler les données numériques dans le cadre d’une visite au domicile, en prévoyant que le téléchargement devra être opéré dans un délai de 30 jours et que seules les données en lien avec l’infraction pourront être saisies.
Le projet de loi prévoyait également l’alourdissement des peines encourues pour trafic de tabac – d’un an à trois ans de prison, et de cinq à dix ans en cas de bande organisée – et le Sénat a aussi permis l’usage de drones pour lutter contre les trafics de tabac aux frontières. De même, à titre expérimental, les données fournies par les lecteurs de plaque d’immatriculation (LAPI) pourront être conservées plus longtemps, jusqu’à quatre mois. La chambre haute a aussi voté la création d’une catégorie « d’agents de douane judiciaire », chargés d’appuyer les officiers de douanes sur le volet juridique de leur travail. Sylvie Vermeillet, sénatrice centriste, s’est félicitée de cette avancée permettant de « renforcer les moyens du service d’enquête judiciaire des finances. »
Dispositifs « sécuritaires » : « Votre usage de textes techniques et complexes vous a permis d’éviter la mobilisation de l’opinion »
La gauche sénatoriale a tout de même émis des réserves, voire de franches critiques, sur ce projet de loi. Thierry Cozic, orateur du groupe socialiste lors des explications de vote, qui a pourtant voté un texte « relativement équilibré », a prévenu que ce vote « n’était pas un blanc-seing » : « Nous ne sommes pas dupes. Comme vous n’avez pas de majorité, vous proposez des textes techniques, assortis de moyens financiers nouveaux afin de neutraliser les critiques politiques et placer vos oppositions dans une présomption d’irresponsabilité si elles ne votent pas. Sur la LOPMI [loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur, ndlr], vous avez mis 15 milliards d’euros, mais en introduisant des dispositifs encore plus sécuritaires. Votre usage de textes techniques et complexes vous a permis d’éviter la mobilisation de l’opinion. »
Le sénateur socialiste a aussi ajouté que son groupe attendrait le budget 2024 qui sera présenté à l’automne prochain pour voir si le gouvernement « joint les actes aux paroles », en donnant aux agents de douanes « des moyens concrets pour s’acquitter de leurs missions. » La gauche s’est aussi unanimement opposée à la création d’une « réserve opérationnelle » douanière, prévue par ce projet de loi, qui devrait comporter environ 300 réservistes à terme. « Nous sommes très opposés à cette politique de ressources humaines au rabais », a fustigé le sénateur écologiste Guy Benarroche, dont le groupe s’est abstenu lors du vote. « Si les douanes ont besoin de ces compétences spécifiques, pourquoi ne pourrait-elle pas recruter ces réservistes ? Cela créerait un précédent, et une potentielle dérive, que nous ne souhaitons pas », a-t-il ajoute.
Il a été rejoint par Pascal Savoldelli, sénateur communiste, seul groupe du Sénat ayant voté contre un projet de loi « animé d’une vision déshumanisée de la société, d’un capitalisme fraudeur et sans frontières », a-t-il jugé. « Vous allez recruter des retraités des douanes en situation de dépendance économique parce que les rémunérations – et donc les retraites – y sont faibles. Nous avons appris que dans les douanes vous pouvez encadrer 10 agents, et être encore en catégorie C », a détaillé le sénateur du Val-de-Marne, en confiant ses craintes que la création de cette réserve ne serve finalement qu’à compenser une stagnation des effectifs. « Aucun engagement n’a été pris en termes d’effectifs. Ne sont annoncés que des redéploiements, sans aucun recrutement net, c’est un rendez-vous manqué. » En tout état de cause, les sénateurs en ont pris un autre avec le gouvernement lors des débats du prochain projet de loi de finances à l’automne prochain.
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