Le sujet est en réflexion depuis des mois. Le premier ministre, François Bayrou, a décidé de scinder en deux textes différents la question de la fin de vie. Il n’y aura donc plus un seul texte, mais une loi consacrée aux soins palliatifs et une autre dédiée à l’aide à mourir. L’avenir du texte était en suspens, depuis que le projet de loi sur la fin de vie, dont l’examen était en cours à l’Assemblée, a été stoppé net par la dissolution.
En choisissant deux textes, François Bayrou, qui n’est lui-même pas partisan de l’aide active à mourir, répond ainsi aux adversaires de la réforme, alors qu’Emmanuel Macron est prêt à avancer sur le sujet.
« Il n’est pas du tout question d’abandonner la fin de vie », selon la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas
La présidente Renaissance de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, n’a pas caché mardi être « opposée » à la « scission » du projet de loi. Sur France 5, elle a dit « craindre » que cette décision ne mette fin à la discussion. « S’agissant de l’aide active à mourir, je considère qu’il faut absolument légiférer, quitte à ce que le Parlement rejette » le principe, a précisé la présidente de l’Assemblée, se disant « convaincue » qu’il existait « une majorité pour ». Le député Olivier Falorni (apparenté MoDem), qui a dirigé les travaux sur le projet de loi lors de son passage à l’Assemblée, a aussi exprimé son désaccord.
« Séparer le texte, c’est céder aux représentants religieux et aux opposants à l’euthanasie, séparer pour finalement ne rien faire ? », s’est par ailleurs interrogée sur le réseau X l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD).
Face aux inquiétudes, la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, a voulu « rassurer les associations. Ce sujet sera à l’agenda le plus vite possible. Il n’est pas du tout question de l’abandonner », assure-t-elle. Sophie Primas défend le choix du premier ministre, « qui est de pouvoir donner la liberté aux parlementaires de pouvoir répondre à chacune des deux questions qui nous sont posées », soulignant que le volet sur la fin de vie « est de nature différente. C’est plus un sujet d’éthique et qui à trait à l’aide active à mourir ». « Quand vous devez répondre en même temps à l’accès de chacun aux soins palliatifs et à l’aide active à mourir, en réalité vous n’avez pas de liberté sur aucun des deux choix, car l’un engage l’autre », soutient Sophie Primas.
Soins palliatifs : « Il y aura un grand consensus pour cette loi, au Sénat et en général », selon Philippe Mouiller
Au Sénat, le choix du gouvernement est vu d’un bon œil par la majorité sénatoriale. « C’est une bonne décision, car on a deux philosophies différentes. L’une sur l’accompagnement vers la fin de vie, avec les soins palliatifs, l’autre c’est comment on met en place les moyens pour abroger la vie », réagit le sénateur LR Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Scinder le texte en deux était justement une demande du Sénat, en tout cas « au niveau du groupe LR », explique le sénateur.
« Comme nous pensons qu’on n’a pas été suffisamment loin sur le déploiement de la loi Claeys Leonetti, et que le texte sur les soins palliatifs devrait permettre une accélération du déploiement de cette loi, je pense qu’il y aura un grand consensus pour être favorable à cette loi, au Sénat et en général. Alors que sur la fin de vie, les choses seront plus mitigées », ajoute Philippe Mouiller, qui est personnellement opposé à l’aide active à mourir. « Je n’ai pas caché le fait que j’étais défavorable sur la partie fin de vie », explique le sénateur des Deux-Sèvres.
« Annonce consternante et rétrograde », dénonce la socialiste Marie-Pierre de la Gontrie
A gauche, la socialiste Marie-Pierre de la Gontrie s’inquiète au contraire de la décision du gouvernement. « Cette annonce est consternante et rétrograde. Le sujet de la fin de vie est un tout qui doit prendre en compte pour certains les soins palliatifs et éventuellement, pour d’autres, l’aide à mourir », met en garde la sénatrice PS de Paris. « Donc scinder en deux n’est en réalité que la volonté de satisfaire les opposants à toute évolution vers une aide active. C’est le signe d’une surdité totale à l’attente des Français massivement favorables à une évolution législative et d’un renoncement à l’engagement jamais satisfait du président de la République », ajoute Marie-Pierre de la Gontrie. Alors que Michel Barnier avait prévu la reprise du texte fin janvier, on ne connaît pas pour l’heure le calendrier d’examen des deux textes sur les soins palliatifs et la fin de vie.