« Sur le handicap, le regard de la société a progressé plus vite que celui des institutions » se réjouit Eglantine Eméyé

Mannequin, animatrice de télévision et comédienne. Elle a médiatisé le combat de son second fils Samy, atteint d’autisme sévère, pour alerter sur le manque de prise en charge des enfants handicapés, mais aussi la solitude des mères et des parents. Malgré la disparition de son fils en 2023, elle a décidé de poursuivre le combat. Cette semaine, Rebecca Fitoussi reçoit Eglantine Eméyé dans « Un monde, un regard » sur Public Sénat.
Agathe Alabouvette

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Après tant de vie, il y a eu le silence. Il s’est écoulé deux ans depuis la disparition, à 17 ans, de son fils Samy, atteint d’autisme sévère. Malgré la douleur, Eglantine Eméyé est toujours là, debout. Ses engagements associatifs aussi. Elle n’a pas lâché la présidence de l’association qu’elle a co-fondée, « Un pas pour la vie ». Une association qui vient en aide aux enfants souffrant d’autisme sévère et à leurs proches. Si elle a choisi de continuer à s’engager, c’est parce que « le besoin est tellement énorme », explique-t-elle. « Je ne me voyais pas lâcher l’affaire et abandonner tout le monde. J’ai tissé des liens très forts avec les parents et les enfants de l’association. La mort de Samy a laissé un vide immense. J’avais peut-être aussi besoin d’être en hyperactivité pour compenser. »

Eglantine Eméyé continue de militer, d’utiliser sa parole et sa notoriété en faveur des personnes autistes. « Ce n’est pas un rôle toujours facile » confie-t-elle. « On me reproche de prendre la parole alors que je ne suis plus concernée, comme on a questionné ma légitimité quand j’ai commencé à parler de Samy. »

 

« Quand on a un enfant handicapé, on vous demande d’être sa mère et son éducatrice »

L’arrivée de ce fils polyhandicapé dans sa vie est « un tsunami », se souvient Eglantine Eméyé. La jeune mère se confronte d’abord  à l’errance médicale, alors qu’il n’est encore qu’un bébé. Avant que le diagnostic ne tombe. Autisme sévère. Elle vit la culpabilisation de certains médecins. « J’étais soi-disant une maman angoissée. Quand le diagnostic est tombé, on m’a accusée de mal m’en occuper ». Sa vie bascule.

« Quand on a un enfant handicapé, on vous demande d’être sa mère et son éducatrice », explique Eglantine Eméyé. Pour apprendre à calmer les crises violentes de Samy, elle ira au Canada et aux Pays-Bas. « En France, on a pris du retard car on a été pendant longtemps un pays pétri de psychanalyse. On pensait que l’autisme était lié à la mère », regrette-t-elle.

Son quotidien avec un enfant autiste lui fait prendre conscience des freins que rencontrent les personnes en situation de handicap et leurs proches dans la vie de tous les jours. « Combien de fois j’ai manqué des trains car je me suis retrouvée bloquée dans l’ascenseur d’une gare qui ne fonctionne pas ». « Au départ, quand je me promenais dans la rue avec Samy, il y avait beaucoup de regards d’incompréhension. Aujourd’hui, quand on se promène avec un enfant handicapé, le regard n’est plus le même. La société a plus vite progressé que les institutions », observe-t-elle.

 

«  J’ai arrêté d’essayer de prendre contact avec la ministre »

Sur le plan politique, le chemin est encore long. Eglantine Eméyé regrette les manquements à la loi sur le handicap.  « Ce texte donne à toutes les personnes handicapées le droit à l’éducation, au travail, en fait des citoyens à part entière. Aujourd’hui, j’entends que les parents ont le choix de l’éducation de leurs enfants. Mais j’ai encore eu un rendez-vous avec la maison départementale des personnes handicapée qui refusait à des parents la prise en charge qu’ils leur demandaient. La réponse de l’organisme a été : les parents choisissent ce qu’ils veulent, mais rien ne nous oblige à le leur financer. »

Sur la question de l’éducation, « je suis pour une école inclusive », déclare Eglantine Eméyé. « Mais pour les enfants les plus sévèrement touchés, l’école est trop difficile. Un enfant autiste sera perturbé toute la journée par le bruit, l’environnement. Ce serait contre-productif. Mais pour ces enfants-là, on ne créé pas de place », estime-t-elle.

Au niveau institutionnel, elle regrette enfin la valse des secrétaires d’Etat chargés du handicap. Quatre se sont succédés à ce poste depuis 2022. « Je connaissais très bien Sophie Cluzel. J’ai arrêté d’essayer de prendre contact avec les ministres. Avoir accès à eux, établir une relation de confiance, c’est long. Pour que ça change au bout de deux mois, ce n’est pas la peine », conclut-elle.

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