Faire baisser la température avant l’embrasement. Brigitte Bourguignon, la nouvelle ministre de la Santé, a annoncé mardi après-midi une première série de mesures pour permettre aux soignants de traverser un été qui s’annonce particulièrement tendu sur le front des urgences hospitalières. « L’été sera difficile », a admis la ministre, alors que 120 services d’urgence en sous-effectif ont déjà réduit la voilure sur leurs capacités d’accueil des patients, ou s’apprêtent à le faire, selon un pointage réalisé par l’association Samu-Urgences de France. S’exprimant depuis le Congrès Urgences 2022, qui réunit les professionnels du secteur jusqu’à vendredi à Paris, Brigitte Bourguignon a évoqué le déploiement de quatre dispositifs :
- Un doublement de la rémunération des heures supplémentaires du personnel non médical et du temps de travail additionnel des médecins,
- La possibilité pour les élèves infirmiers achevant leur formation d’ici le début de l’été de commencer à exercer sans attendre la remise de leur diplôme à la rentrée,
- La mise en place de « facilités de cumul avec les pensions » pour les soignants retraités volontaires pour reprendre une activité durant la période estivale,
- Enfin, le gouvernement a demandé aux agences régionales de santé (ARS) de « remobiliser les dispositifs territoriaux de gestion de crise » pour renforcer la coordination entre les différents acteurs locaux de santé (hôpitaux, cliniques, etc.).
Les recommandations d’une mission flash attendues avant le 1er juillet
« Ce sont des mesures qui vont dans le bon sens et qui s’inscrivent dans les préconisations du Sénat en la matière », réagit auprès de Public Sénat la sénatrice LR Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales et rapporteure de la commission d’enquête sur « la situation de l’hôpital et le système de santé en France ». Ces annonces interviennent alors qu’Emmanuel Macron a chargé la semaine dernière son référent santé, le médecin-urgentiste François Braun, de piloter une mission-flash sur les « soins non programmés », et de formuler une série de recommandations avant le 1er juillet.
Une mission accueillie avec un certain scepticisme dans les couloirs du Palais du Luxembourg, où les rapports sur la situation de l’hôpital s’empilent. Les sénateurs se sont donc empressés d’auditionner François Braun (mardi 7 juin), réclamant des précisions sur sa méthodologie et les attentes de l’exécutif. « Je suis assez étonnée qu’il y ait une énième mission-flash. Cette mission-flash est parfaitement inutile ! », a notamment taclé la communiste Laurence Cohen. « Le traitement est dans sa grande globalité connu, puisque toutes les solutions ont été mises sur la table », a lui-même reconnu François Braun devant les sénateurs. Avant de filer la métaphore médicale : « L’objectif est de maintenant rédiger l’ordonnance et de s’assurer que les médicaments sont bien donnés ». C’est-à-dire : sélectionner parmi les préconisations déjà formulées par les élus et les professionnels celles qui semblent les plus pertinentes au vu de la situation actuelle, et fixer les modalités de leur bon déploiement afin de surmonter l’été sans encombre.
Un dossier épineux en plein contexte électoral
Néanmoins, les annonces faites dès ce mercredi par Brigitte Bourguignon laissent entendre que le gouvernement ne veut plus attendre pour déminer un dossier potentiellement explosif, à quelques jours seulement du premier tour des élections législatives. « Derrière le délai d’un mois annoncé pour cette mission, il y avait certainement une volonté d’enjamber les législatives avant de devoir trancher. Désormais, on a l’impression d’avoir un président de la République nouvellement élu, qui découvre l’urgence d’une situation bien connue depuis longtemps. », observe Catherine Deroche. « Lors de son audition, François Braun a laissé entendre qu’il ferait remonter au fil de ses travaux toute une série de mesures pratico-pratiques auprès de l’exécutif. Elles seront vraisemblablement distillées au compte-goutte ». Et de relever : « On verra bien quels types de mesures tomberont après les législatives ».
Le sous-entendu est clair : ce sont des dispositifs plus contraignants pour les personnels soignants – et potentiellement impopulaires - qui pourraient être annoncés après le scrutin des 12 et 19 juin. Pour Catherine Deroche, le gouvernement pourra difficilement contourner la question du travail de nuit et les week-ends, de l’organisation de la permanence des soins entre la médecine de ville et la médecine hospitalière, mais aussi la problématique des régions soumises à des pics démographiques importants durant l’été. « Il faut une organisation qui prenne en considération la situation de chaque département, avec des territoires touristiques qui voient défiler pendant plusieurs mois une importante influence », pointe-t-elle. Bref, « il faut trouver le moyen de passer cette période de tous les dangers. »