Ne l’appelez plus « conclave ». Mais « délégation paritaire permanente », ou DPP, pour les intimes. C’est le nom officiel de la série de réunions, voulue par le premier ministre François Bayrou, qui va mettre les partenaires sociaux autour de la même table, pour tenter de trouver des pistes d’amélioration à la réforme polémique des retraites de 2023, qui a porté l’âge de départ de 62 à 64 ans.
« Un exercice inédit à plusieurs titres », explique devant les sénateurs Jean-Jacques Marette, sorti de sa retraite d’ancien directeur général de l’Agirc-Arrco par le premier ministre pour piloter cette mission, qui risque d’être un exercice d’équilibriste. Et ne l’appeler par « président ». « Je récuse le nom de président, je suis animateur. Ça ne me renvoie pas au Club Med, mais… » sourit-il. Ce « GO de la délégation permanente », rebondit la rapporteure de la commission des affaires sociales du Sénat, Elisabeth Doineau, devra conduire les travaux, dont la fin est attendue pour « juin ».
« On n’a pas écarté la difficulté, car on commence demain par l’âge »
Concrètement, les réunions se passeront « tous les jeudis », avec « cinq thèmes évoqués, qui donneront lieu à chaque fois à deux réunions », avec l’idée de « laisser les partenaires sociaux discuter pour voir s’ils peuvent rapprocher leurs points de vue », explique Jean-Jacques Marette.
Pour le premier thème, « on n’a pas écarté la difficulté, car on commence demain par l’âge. Ce n’est pas le sujet le moins polémique », ironise Jean-Jacques Marette. Les partenaires sociaux parleront « de 64 ans ou pas 64 ans » certes, mais « on parlera des (différents) âges » aussi, soit « l’âge d’ouverture de droits, l’âge d’annulation de la décote », etc. Seront aussi abordés « l’emploi des seniors et les carrières longues ». Donc de gros sujets. Second thème : « L’usure professionnelle », à articuler avec les carrières longues. Troisième sujet : « Les mécanismes de solidarité, avec l’égalité femme/homme, les majorations familiales et les droits conjugaux ».
Quatrième thème : « Le financement, où on parlera des cotisations sur les différentes catégories, les entreprises, les actifs ou les retraités », ainsi que les « sources alternatives de financement », sans oublier « l’impact d’engagement provisionné », ce qui « veut dire capitalisation, en d’autres termes », traduit Jean-Jacques Marette. Une formulation choisie pour éviter « les grandes guerres de religion » sur le sujet. Il glisse au passage que changer entièrement le régime par répartition par un régime par capitalisation, « si d’aucuns avaient cette idée », nécessiterait « une provision d’environ 12.000 milliards d’euros, soit à peu près 3 années de PIB… Je ne suis pas sûr que ce soit totalement réaliste ».
« Fondamentalement, ça se pilote dans le temps, régulièrement, un régime de retraite, ça ne se reforme pas »
Cinquième thème, « le pilotage ». L’ancien directeur général du régime de retraite complémentaire prend exemple sur son ancien organisme, qui a des règles de pilotage, où « tous les 4 ans, on regarde si on a toujours 6 mois de réserves ». « Est-ce qu’on regarde l’évolution de l’espérance de vie, l’horizon économique ? » évoque-t-il. Et enfin, sixième thème, qui pourrait être plus largement « le financement de la protection sociale ».
Le responsable du conclave insiste sur l’importance du pilotage. « Une réforme définitive des retraites, ça n’a pas de sens, en tant que telle, c’est un oxymore. Fondamentalement, ça se pilote dans le temps, régulièrement, un régime de retraite, ça ne se reforme pas », lance Jean-Jacques Marette, « pas pessimiste » sur le sujet du pilotage, « les partenaires sociaux peuvent se mettre d’accord ». Et de poser la question : « Est-ce qu’il faut tous les 5 ans, regarder à 15 ans glissant ? »
« La répartition suppose l’équilibre »
« A la sortie », il ne faudra pas s’attendre à un accord interprofessionnel comme sur l’assurance chômage, mais « on parle d’un relevé d’échanges actant les accords généraux ou partiels ». « On saura fin mai, début juin, s’il y a, sur les différents sujets, un rapprochement entre tous les partenaires sociaux ou certains partenaires sociaux, pour remettre au gouvernement et au Parlement les conséquences à en tirer, dans le domaine réglementaire ou législatif », précise-t-il.
Jean-Jacques Marette explique concevoir son travail « comme une mission d’animation et d’assistance », pour « construire la boîte à outils dont les partenaires sociaux ont besoin ». Il est « au service des partenaires sociaux pour les aider ». Il « animera les débats », et rédigera les éventuelles conclusions, mais « c’est la plume des partenaires sociaux ». « Moi, je n’ai pas de position sur le sujet », souligne-t-il. L’animateur donne cependant sa « seule conviction, c’est que la répartition est au cœur du pacte qui unit les générations. Mais la répartition suppose l’équilibre. C’est une prise de position que j’affirme clairement. On ne peut pas gérer un régime par répartition sans perspective d’équilibre ». Dans une lettre de mission adressée aux syndicats et au patronat, François Bayrou a appelé à rétablir l’équilibre du régime d’ici 2030. En conséquence, FO a claqué la porte des discussions, avant même qu’elles n’aient réellement commencé.