53 % des parents ont déjà partagé des images ou des vidéos de leurs enfants sur les réseaux sociaux. Ces chiffes sont ceux d’une étude de l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (OPEN). D’après l’observatoire, 91 % de ces enfants ont moins de 5 ans lorsqu’ils apparaissent en ligne.
Le Sénat examine jeudi 10 mai une proposition pour protéger davantage le droit à l’image des mineurs, alors que la publication des images d’enfants sur les réseaux sociaux est légion. Elle a été déposée à l’Assemblée nationale par des députés de la majorité présidentielle, Aurore Bergé, Eric Pouillat et Bruno Studer.
Dans le détail, cette proposition de loi veut introduire la protection de la vie privée de l’enfant parmi les obligations des parents au titre de l’autorité parentale. Deux autres articles vont contraindre les deux parents de l’enfant à prendre leurs responsabilités s’ils publient des images du mineur sur internet.
Focus sur la responsabilité des deux parents
À l’initiative de la rapporteure Valérie Boyer, la commission des lois au Sénat, qui se dit « consciente des nouveaux enjeux que le numérique fait naître en matière de droit à l’image des enfants », a adopté en première lecture le 2 mai dernier un amendement sur la notion de vie privée de l’enfant. Il « viendrait consacrer de manière expresse l’obligation des parents de veiller au respect de la vie privée de leur enfant, y compris son droit à l’image », indique l’amendement.
Valérie Boyer, également membre de la délégation sénatoriale aux droits des femmes, a aussi fait des recommandations. Elle propose notamment de renforcer le droit à l’image des enfants en obtenant l’accord préalable des deux parents avant la publication d’images d’un mineur. La sénatrice souhaite la création d’une page dans le carnet de santé de l’enfant qui comprendrait des informations sur l’exposition des écrans « quels qu’ils soient ». Cette recommandation prend ses racines dans un amendement présenté par la sénatrice LR des Alpes-Maritimes Alexandra Borchio Fontimp.
Une seconde recommandation de la sénatrice porte sur l’élaboration d’un véritable programme de santé publique permettant à chaque âge, de la crèche, à la maternelle et jusqu’à la fin du lycée, d’établir des critères précis sur les acquis que les enfants doivent connaître comme les « dangers » auxquels ils sont exposés : alimentation, drogues, exposition aux écrans, harcèlement.
Le Sénat renforce les pouvoirs de la Cnil
Un amendement de Valérie Boyer adopté en commission doit aussi élargir les compétences de la Cnil, la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Aujourd’hui, le gendarme français du numérique veille surtout à la protection des données personnelles des internautes par les Gafa et peut dresser des amendes en cas d’infractions.
L’institution pourrait désormais « saisir les juridictions compétentes pour demander le blocage d’un site internet en cas d’atteinte aux droits des mineurs ». La Cnil est aussi autorisée à « agir en référé à l’encontre des éditeurs de site dès lors que les droits de mineurs sont concernés, sans condition de gravité ou d’immédiateté de l’atteinte ».
Les limites des compétences de la Cnil pour le respect de la vie privée avaient déjà été évoquées par son secrétaire général Louis Dutheillet de Lamothe. Auditionné par la commission d’enquête sur TikTok mercredi 3 mai, il a indiqué que « nous nous arrêtons au traitement des données ». Louis Dutheillet de Lamothe avait alors souligné que « les plus jeunes présentent des vulnérabilités particulières et sont moins vigilants sur la protection de leurs données et connaissent moins bien leurs droits ».
L’enfant, « un sujet de droit à part entière »
Un volet sur la sensibilisation des parents face au numérique et ses dangers est également prévu dans la proposition de loi. Une autre proposition de loi relative à la prévention de l’exposition excessive des enfants aux écrans ou encore celle qui instaure une majorité numérique et veut lutter contre la haine en ligne avait déjà été examinée au mois de mars.
Autant de propositions de lois qui entendent améliorer la protection des droits de l’enfant en France. En novembre dernier, le sénateur de la majorité présidentielle Xavier Iacovelli avait même proposé la création d’une délégation parlementaire entièrement consacrée à cette question. Une façon de « considérer l’enfant autrement que comme une personne qu’on doit forcément protéger, mais comme un sujet de droit à part entière », expliquait-il alors.
Une demande similaire avait été faite par le groupe communiste au Sénat. Mais cette proposition était loin de faire l’unanimité. La droite, qui avait fustigé un gadget parlementaire, a massivement rejeté cette proposition en décembre dernier à l’issue d’un vote marqué par des débats houleux au sein de l’hémicycle du Sénat.