En République démocratique du Congo, pour la radio communautaire Nsemo, émettre continuellement est un combat quotidien. Entre énergie solaire et moteurs à huile de palme, dans cette province pauvre congolaise, la radio vit au rythme de l’électricité qui lui parvient. À Idiofa comme dans la majeure partie du pays, la liberté d’expression est une affaire d’électricité mais aussi et surtout d’argent. Quand les taxes pleuvent, les radios s’éteignent. Et ce n’est pas le seul problème auquel font face les radios locales.
La radio : un média sous influence
En Afrique, l’histoire de la radio est parcourue par des traumatismes et un en particulier : celui de la radio des Milles Collines. Cette radio rwandaise a contribué largement au génocide des Tutsis par les Hutus lors du génocide de 1994. Ce spectre ineffaçable continue d’irriguer les mémoires des journalistes des radios. Cela n’empêche pourtant pas certaines radios « de diffuser des appels à la haine » indique Sonia Rolley, journaliste à RFI. Cela pose la question de la formation de certains journalistes. Un enseignement est nécessaire pour apprendre à identifier les informations et leurs sources, comprendre la portée des propos tenus sur les ondes, et garantir ainsi une information indépendante.
L’influence des radios est en effet dépendante du pouvoir politique. Signe à la fois de son importance et de sa fragilité face à l’État, Christophe Rigaud, journaliste indépendant et fort de son expérience en République démocratique du Congo, témoigne : « à chaque fois que la démocratie se tend, on coupe la radio ». Journalistes étrangers expulsés, parfois mis en prison, toutes les mesures sont bonnes pour empêcher la diffusion de l’information.
La démocratie sous perfusion de la radio
Pendant les élections en République Démocratique du Congo, fin 2018, plusieurs radios et l’accès à internet ont été coupés. De fait, les radios locales, moins dépendantes du pouvoir national constituent une source d’expression alternative. Achat de radio par des partis ou des personnalités politiques, et différentes pressions par les taxes nuisent à la diversité des médias. Cependant, la situation s’améliore et Francis Laloupo, journaliste à Africa Radio le rappelle : « il y a 30-35 ans, il y avait une parole unique, c’était les années de plomb ! ». Aujourd’hui, la complémentarité des radios locales et internationales permet de laisser s’exprimer des voix dissonantes des discours officiels. La Radio Française Internationale, tout comme la BBC, fait partie des radios les plus écoutées en Afrique centrale.
Des débats sont organisés, des dialogues se mettent en place… Francis Laloupo estime ainsi que certaines radios communautaires ont un rôle de « radios résistantes ». Une révolution qui se heurte encore et toujours aux obstacles matériels et politiques.