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Projet de loi sur la fin de vie : le Sénat attend le gouvernement au tournant

Promis par Emmanuel Macron pour la fin de l’été, le texte sur la fin de vie devrait être présenté en décembre en conseil des ministres. Alors qu’un avant-projet de loi est actuellement sur le bureau du chef de l’Etat, les sénateurs promettent une « bataille » dans l’hémicycle au moment de son examen, qui pourrait intervenir au printemps 2024
Steve Jourdin

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L’interminable attente 

Les sénateurs attendent toujours. « Nous devions avoir les détails du projet de loi avant la fin de l’été. Finalement, cela a été repoussé et le texte pourrait arriver au Parlement au début de l’année 2024. Le sujet n’est pas si simple que cela, et le gouvernement a peut-être peur de ne pas maîtriser les débats en séance », estime Corinne Imbert, sénatrice LR de la Charente-Maritime et à l’origine d’un rapport remis au mois de juin sur la question. Bernard Jomier, lui, n’est pas « certain que le chef de l’état ait envie de changer la législation. ». Pour le vice-président socialiste de la commission des affaires sociales, « Emmanuel Macron a une position conservatrice sur le sujet. Il considère que la loi actuelle convient, et qu’il suffit d’améliorer la prise en charge des soins palliatifs. C’est une erreur ! »

La raison de ce retard est plus prosaïque, selon Xavier Iacovelli, sénateur Renaissance des Hauts-de-Seine. « Nous avons un agenda législatif déjà bien chargé. Il faut un temps gouvernemental pour pouvoir déposer le texte, les derniers arbitrages sont en train d’être effectués. C’est un engagement du président, et le projet de loi va voir le jour ». A quoi ressemblera-t-il ? La ministre déléguée aux professions de santé a remis à Emmanuel Macron un avant-projet, selon le journal Le Monde.

 

Vers un droit au suicide assisté ?

« La légalisation du suicide assisté répond à une demande très forte des Français, sans porter atteinte à un autre principe qui est, que ce n’est pas aux soignants d’administrer la mort », remarque Bernard Jomier. On ne va pas résoudre tous les problèmes avec une telle réforme, mais au nom du principe d’autonomie, qui est un principe fondamental de notre droit bioéthique, les Français doivent pouvoir, s’ils le souhaitent, être assistés pour mettre fin à leurs jours dans la dignité ».

Dans son avis rendu en septembre 2022, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) ouvre la voie à une « aide active à mourir » pour les personnes majeures atteintes de maladies graves et incurables. L’exécutif semble également vouloir limiter le périmètre de l’aide aux patients atteints de pathologies particulièrement graves et incurables. Mais une telle réforme suscite des crispations au Sénat. « Notre rapport remis au mois de juin pointe des difficultés de mise en œuvre, note Corinne Imbert. En Belgique par exemple, qui est souvent montré en exemple, les contrôles du respect des procédures sont faits a posteriori. Donc si toutes les conditions au suicide assisté ne sont pas réunies, on s’en aperçoit seulement après et il est déjà trop tard, le patient est mort. ». Le rapport sénatorial expose aussi les difficultés de mise en œuvre des modalités d’un droit au suicide assisté, et considère qu’il n’apporte une solution qu’aux cas « limites ».

« Nous attendons d’avoir un vrai débat au Sénat, et que l’on tire enfin les conclusions de la loi Claeys Leonetti », confie Philippe Mouiller, président LR de la commission des affaires sociales. « Nous devons aborder le grand sujet des soins palliatifs en France, c’est une priorité pour nous ». En septembre 2021, le gouvernement a présenté le cinquième plan pour les soins palliatifs couvrant la période 2021-2024. « Que s’est-il passé depuis deux ans ? Pas grand-chose. Le plan annoncé par l’exécutif n’était clairement pas à la hauteur de l’enjeu », soupire Corinne Imbert, qui demande de mettre le paquet sur l’accompagnement des personnes en fin de vie.

Une « exception d’euthanasie » ?

Certaines questions sont vertigineuses. Comment faire avec les patients qui se trouvent dans l’incapacité physique de se donner eux-mêmes la mort, alors même qu’ils sont atteints d’une maladie incurable et que leur pronostic vital est engagé ? Cela revient à mettre au cœur du débat le sujet de l’euthanasie, et l’introduction dans le texte d’une « exception » à l’interdit de donner la mort à autrui. « On parle là de l’exception de l’exception, selon Bernard Jomier. L’aide active à mourir va concerner quelques milliers de personnes, entre 5 000 et 10 000 par an. L’exception d’euthanasie ne concernerait qu’une poignée de cas, il ne faut pas focaliser le débat là-dessus » précise celui qui était rapporteur de la dernière loi bioéthique. Corinne Imbert est quant à elle fermement opposée à l’exception d’euthanasie. « On met les bornes où ? Quel patient doit être concerné, quel profil ? Cela ouvre une porte qu’on ne pourra pas refermer ensuite. On ne sait pas où l’on va ».

Pourquoi ne pas laisser les Français trancher directement ? Au début du mois, Emmanuel Macron a évoqué la possibilité d’engager un référendum sur cette réforme de société. « Il ne faut pas avoir peur d’un tel scrutin, abonde Xavier Iacovelli. Il faut demander l’avis des Français, d’autant plus en période d’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale ». Quitte à polariser encore un peu plus la société ? « On peut se demander qui se déplacera pour aller voter. Je ne crains pas le résultat d’un tel référendum. Mais le sujet mérite un débat serein et apaisé au Parlement. Or, j’ai l’impression que depuis le départ cette réforme est biaisée » juge Corinne Imbert.

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