Le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, est convoqué ce lundi devant la Cour de justice de la République (CJR) à 14 heures, et pour dix jours, au palais de justice de Paris. C’est une première pour un garde des Sceaux en exercice.
Il est accusé de conflits d’intérêts dans le cadre de ses fonctions. L’ancien ténor du barreau se dit « innocent » et répète n’avoir fait que suivre « les recommandations » de son ministère en lançant des enquêtes administratives contre quatre magistrats avec qui il avait eu des différends quand il était avocat.
Qu’est-ce que la CJR ?
Souvent décriée, la Cour de justice de la République est la seule institution habilitée à juger les membres du gouvernement pour des délits ou crimes commis dans l’exercice de leur fonction. Toutes les autres infractions qui n’ont aucun lien avec les décisions politiques sont du ressort des juridictions classiques, de droit commun. La CJR a été créée en 1993, à la suite de l’affaire du sang contaminé.
Qui la compose ?
La CJR est composée de 15 juges, dont 12 sont des parlementaires (6 députés et 6 sénateurs). On compte autant de membres suppléants. Après les sénatoriales du 24 septembre dernier, le Sénat a renouvelé les sénateurs membres de la CJR. Il s’agit maintenant de Catherine Di Folco (LR), Gilbert Favreau (LR), Évelyne Perrot (UC), Jean-Luc Fichet (PS), Thani Mohamed Soilihi (RDPI, Renaissance) et Jean-Pierre Grand (Les Indépendants). Mais signe que cette juridiction d’exception est perçue comme de plus en plus anachronique, plus d’une soixantaine de sénateurs avait refusé de prendre part au scrutin, ou ont exprimé un bulletin blanc ou nul, lors du vote, le 17 octobre. Dans son premier projet de réforme de la Constitution, qui a abouti à un échec, Emmanuel Macron avait souhaité supprimer la CJR, une idée consensuelle.
Qui peut saisir la CJR ?
La Cour de justice de la République peut être saisie par tout un chacun qui s’estime lésé par un crime ou un délit imputé à un membre du gouvernement dans l’exercice de ses fonctions. Pour le seul dossier de la crise sanitaire du covid-19, 14.500 plaintes sont ainsi arrivées à la CJR. À l’époque de la Haute cour de justice, avant 1993, seul le Parlement pouvait engager des poursuites contre un membre du gouvernement.
Quelle est la procédure ?
Le filtre est organisé par la commission des requêtes. Sept magistrats issus de la Cour de cassation, du Conseil d’Etat et de la Cour des comptes décident d’engager ou non des poursuites vis-à-vis du ministre en question. La commission peut décider de classer la procédure ou de transmettre la plainte au procureur général près la Cour de cassation, afin de saisir la Cour de justice de la République.
Deuxième étape, si la plainte est déclarée recevable, elle est traitée par la commission d’instruction. Trois magistrats de la Cour de cassation, procède aux auditions des plaignants et des personnes incriminées. Vient ensuite la procédure de jugement. Les trois magistrats et les douze parlementaires se prononcent à la majorité absolue et à bulletin secret sur la culpabilité du prévenu, et si la culpabilité est prononcée, sur la peine infligée. L’arrêt peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation, en cas de rejet de ses décisions, et la Cour doit être recomposée avant de rejuger l’affaire.
Depuis sa création, la CJR a prononcé un jugement à l’encontre de huit ministres et deux secrétaires d’État. Un certain nombre de relaxes a été prononcé, mais on compte aussi quelques condamnations.