France Rape Trial

Procès de Mazan : une mission sur la soumission chimique stoppée à cause de la dissolution

Le procès retentissant des viols de Mazan fait prendre conscience de l’ampleur du phénomène de la soumission chimique. Une mission gouvernementale sur ce sujet avait été lancée en avril avec à sa tête la députée Modem, Sandrine Josso, elle-même victime de ce procédé. Les travaux ont été stoppés avec la dissolution. La parlementaire s’apprête à envoyer un courrier au chef de l’Etat pour qu’elle reprenne au plus vite.
Simon Barbarit

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« Notre lettre adressée au Président est prête à partir. Nous attendons la nomination du prochain Premier ministre pour l’envoyer », confie la députée Modem, Sandrine Josso. Avec lasénatrice RDSE, Véronique Guillotin, elle était à la tête d’une mission gouvernementale sur la soumission chimique. Depuis avril, auditions et déplacements avaient été réalisés, mais la dissolution est passée par là. Sandrine Josso a perdu son siège avant d’être réélue. Le gouvernement toujours cantonné aux affaires courantes avait interrompu les travaux. C’est la raison pour laquelle les deux élues ont pris la plume afin de faire savoir au prochain exécutif que cette mission était prioritaire.

« La nomination d’un administrateur avait déjà tardé, tant et si bien qu’on avait dû se débrouiller nous-mêmes pour mener les travaux. Nous sommes dans l’attente d’un nouveau gouvernement pour reprendre », rappelle Véronique Guillotin. La mission était placée sous l’autorité du Premier ministre et de la ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, Aurore Bergé.

La mission avait pu effectuer plusieurs tables rondes et deux déplacements. Elle avait notamment entendu des victimes, des médecins, mais aussi Leïla Chouachi, pharmacienne, membre du centre d’addictovigilance de Paris et rapporteure d’une enquête annuelle sur la soumission chimique auprès de l’ANSM (l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé). Les élues n’avaient toutefois pas eu le temps d’aborder le volet justice.

« Il faut sensibiliser tous les professionnels »

Et justement un procès sans précédent se tient ces jours-ci à Avignon et casse les idées reçues sur ce procédé utilisé par les agresseurs sexuels. A Mazan, dans le Vaucluse, Gisèle P a été droguée par son mari puis violée par des dizaines d’inconnus pendant 10 ans. Une cinquantaine d’hommes ont été mis en examen. « Il faut sensibiliser tous les professionnels médicaux et l’ensemble de la chaîne pénale sur le sujet. Et expliquer aussi à la population que ce n’est pas un mode opératoire circonscrit à une substance qu’on met dans un verre en boîte de nuit. Près d’une fois sur deux, ça se passe dans la sphère amicale et familiale », explique Sandrine Josso. La députée a elle-même été victime d’une soumission chimique. L’année dernière, elle avait accusé le sénateur de sa circonscription de Loire Atlantique, Joël Guerriau, dont elle était proche, de l’avoir droguée en vue de l’abuser sexuellement. Ce dernier a été mis en examen en novembre 2023 pour « administration de substance afin de commettre un viol ou une agression sexuelle » et pour « détention et usage de substances classées comme stupéfiants ». Le sénateur a nié les faits et reste présumé innocent. La députée attend désormais la date du procès.

« Dans la majorité des cas la prise du produit a eu lieu dans un contexte privé »

Il existe des données encore trop méconnues pour appréhender le phénomène de la soumission chimique. Elles ont été récoltées par Leïla Chouachi dans le cadre de son enquête annuelle pour l’ANSM. En 2021, 727 signalements suspects avaient été recensés dont 86,4 % suite à un dépôt de plainte. L’enquête avait dénombré 82 victimes avec une prédominance féminine (69,5 %/57 cas), âgées de 1 an à 64 ans. « Cela concerne tous les milieux, hommes ou femmes, quelle que soit l’orientation sexuelle. On a tendance à penser que ce sont des personnes qui ont laissé leur verre sans surveillance, mais dans la majorité des cas la prise du produit a eu lieu dans un contexte privé et les auteurs étaient connus des victimes », avait expliqué la pharmacienne à publicsenat.fr

 

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