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Porno, harcèlement, arnaques… le Sénat entame l’examen du projet de loi sur le numérique

Le Sénat débute ce mardi l’examen du projet de loi de « sécurisation de l’espace numérique. » Le texte prévoit notamment un contrôle de l’accès aux sites pornographiques pour les mineurs, des dispositifs anti-harcèlement et anti-arnaques, une régulation du cloud ou encore la définition des jeux à objets numériques monétisables (JONUM), notamment adossés aux NFT.
Louis Mollier-Sabet

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En pleine polémique sur le rôle des réseaux sociaux dans les émeutes de ces derniers jours, le Sénat entame ce mardi l’examen du projet de loi de « sécurisation de l’espace numérique. » Texte au départ technique, qui devait transposer les directives européennes Digital Service Act (règlement sur les services numériques – DSA) et Digital Market Act (règlement sur les marchés numériques – DMA), le projet de loi abordera finalement de nombreux points assez divers. Tour d’horizon des sujets qui seront discutés au Sénat ces 4, 5 et 6 juin.

  • Pornographie : renforcement des pouvoirs de l’Arcom pour faire appliquer la loi

Alors que d’après l’Arcom, 2,3 millions de mineurs visitent chaque mois un site pornographique, le projet de loi prévoit justement un renforcement du pouvoir de l’Arcom, qui devra élaborer – après avis de la CNIL – « un référentiel général déterminant les exigences techniques auxquelles doivent répondre les systèmes de vérification de l’âge », des plateformes des contenus pornographiques. L’Arcom pourra également, sans passer par un juge, bloquer et déréférencer les sites qui ne vérifieront pas l’âge des utilisateurs. Le gendarme de l’audiovisuel et du numérique pourra aussi prononcer des amendes à l’encontre des sites récalcitrants, allant jusqu’à 1 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé, 2 % en cas de réitération des manquements.

C’était l’une des recommandations de la mission d’information du Sénat sur les dérives de l’industrie pornographique et du rapport des sénatrices Annick Billon (UC), Alexandra Borchio Fontimp (LR), Laurence Cohen (PCF) et Laurence Rossignol (PS), notamment face à l’argumentation des plateformes, qui se réfugiaient derrière des difficultés techniques pour justifier un contrôle défaillant de l’âge de leurs utilisateurs. En commission, un amendement de la sénatrice socialiste, Laurence Rossignol a d’ailleurs fixé à 6 mois le délai qu’aurait l’Arcom pour établir ce référentiel.

  • « Filtre anti-arnaque » renforcé

Face aux multiples tentatives d’escroqueries par mail ou SMS, le projet de loi met en place un « filtre anti-arnaques » gratuit adressant un message d’avertissement à toute personne qui s’apprête à se diriger vers un site identifié comme malveillant.

Le co-rapporteur LR du projet de loi, Patrick Chaize, a déposé plusieurs amendements sur le sujet en commission, visant à rendre le dispositif plus opérationnel, notamment en précisant que le message d’information sur l’écran lorsqu’un utilisateur se rend sur un site suspecté d’être malveillant devra être « clair, lisible et compréhensible », et qu’il devra être standardisé. Les sites identifiés comme frauduleux seront mis en demeure et auront sept jours pour transmettre leurs observations à l’autorité administrative compétente. Si ces observations sont insuffisantes ou inexistantes, le site sera bloqué.

  • Cyberharcèlement : une peine de bannissement des réseaux

Le texte prévoit aussi une peine complémentaire de « bannissement » de 6 mois des réseaux sociaux (un an en cas de récidive) dans le cas d’une condamnation pour haine en ligne, cyberharcèlement ou autres infractions graves. Un amendement du co-rapporteur centriste, Loïc Hervé prévoit d’étendre ce bannissement à tous les comptes de la personne incriminée et pas uniquement celui du réseau social où s’est pratiqué le harcèlement.

L’examen en commission a aussi permis d’élargir le champ des infractions concernées, en incluant notamment les « menaces et actes d’intimidation commis contre les personnes exerçant une fonction publique. » Le bannissement pourra également concerner les « plateformes de stockage de vidéos. »

  • Cloud : améliorer la régulation

Le projet de loi entend aussi réguler les pratiques concurrentielles des fournisseurs de cloud. L’encadrement des fournisseurs de « service d’informatique en nuage », qui permettent à des entreprises de stoker leurs données, a été renforcé par plusieurs amendements de Patrick Chaize en commission afin de limiter « les phénomènes de verrouillage ou de dépendance sur le marché ».

Les offres d’essais gratuits sont ainsi limitées à un an. Afin d’éviter la surfacturation liée à un changement de fournisseur, les frais de transferts se feront sous le contrôle de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep).

  • Définir les « jeux à objets numériques monétisables » adossés à des NFT

Selon l’autorité nationale des jeux, entre 1200 et 2500 « jeux à objets numériques monétisables », où les gains en jeux peuvent ensuite être transformés en argent, souvent sous la forme de NFT, sont en développement dans le monde, dont une quinzaine en France. À l’origine, le projet de loi habilitait le gouvernement à définir par ordonnance les jeux à objets numériques monétisables (JONUM) « de manière à prévenir les risques d’atteinte à l’ordre public, protéger la santé et les mineurs ».

Cette habilitation à légiférer par ordonnance a été supprimée en commission par le Sénat. Un amendement de Patrick Chaize prévoit une expérimentation de trois ans durant laquelle les JONUM seront autorisés. Ils sont définis de la manière suivante : des « jeux proposés par l’intermédiaire d’un service de communication au public en ligne qui permettent l’obtention, reposant sur un mécanisme faisant appel au hasard, par les joueurs ayant consenti un sacrifice financier, d’objets numériques monétisables, à l’exclusion de l’obtention de tout gain monétaire, sous réserve que ces objets ne puissent pas être cédés, directement ou indirectement par l’intermédiaire de toute personne physique ou morale, à titre onéreux à toute entreprise de jeux ».

Le rapporteur observe les gains de NFT (Non Fungible Token) permis par ces jeux, se retrouvent monétisés voire valorisés sur des marchés secondaires. A l’issue de cette expérimentation de trois ans, un décret, soumis à l’avis de l’Autorité nationale des jeux, fixera une liste de JONUM autorisés.

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