Pour protéger les jeunes mineurs de l’exposition à la pornographie, il est désormais indispensable de lier l’éducation aux médias et éducation à la sexualité. C’est le message qu’ont fait passer, mercredi, les associations de protection de l’enfance à la mission d’information du Sénat sur les dérives de l’industrie pornographique.
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Au même moment, le cabinet secrétaire d’Etat chargé de l’Enfance annonçait avoir saisi la justice pour des faits signalés sur la plateforme de réseau social Omegle. Une saisine du parquet sur la base de l’article 40 du code de procédure pénale « car ces vidéos peuvent tomber sous le coup de l’article 227-24 du code pénal », nous précise l’entourage d’Adrien Taquet. En effet, la loi interdit la diffusion de contenus pornographiques, s’ils sont « susceptibles d’être vus ou perçus par un mineur ».
Des contenus pornographiques, le site Kool mag, un magazine en ligne pour les pères de famille, en a détecté de nombreux en surfant sur Omegle. Ce réseau social américain n’est certes pas nouveau, il date de 2009, mais a connu une montée en puissance du nombre de ses utilisateurs depuis le confinement, notamment des mineurs. Son principe est simple : discuter avec des inconnus via une web cam.
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« Si Adrien Taquet se mettait à saisir la justice pour tous les sites où il y a des exhibitionnistes, il passerait sa vie à ça »
L’enquête « montre comment de jeunes adolescents se retrouvent exposés à des profils d’exhibitionnistes en fréquentant des sites de chat vidéo. Depuis notre enquête, le site a été signalé sur la plateforme « Pharos » (portail de signalement des contenus illicites) », précise le site Kool Mag.
« Ce réseau social est dans notre viseur depuis quelques années mais jusqu’à présent il ne faisait pas beaucoup parler de lui. Il ne faut pas évacuer l’effet buzz du magazine Kool Mag. Si Adrien Taquet se mettait à saisir la justice pour tous les sites où il y a des exhibitionnistes, il passerait sa vie à ça », rappelle Thomas Rohmer, fondateur de l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (Open).
Plateforme d’hameçonnage
« On doit avoir trois appels par an concernant cette plateforme. On est un peu surpris du déchaînement médiatique, c’est un site qui comme d’autres met en contact des inconnus. En ce moment nous avons de nombreuses plaintes concernant des contacts de pédophiles via le site coco.fr », confirme Samuel Comblez, directeur des opérations de l’association e-enfance qui gère le numéro national 3018 dédié aux usages numériques des jeunes.
« La particularité des sites de messageries instantanées comme Omegle, c’est qu’ils servent pour l’hameçonnage. Comme les victimes peuvent rompre le contact à tout moment, elles sont invitées à aller sur des plateformes plus traditionnelles comme Facebook ou TikTok. Les prédateurs vont pouvoir y nouer une relation de confiance et récolter les données personnelles de leurs victimes », ajoute Samuel Comblez
L’exposition des mineurs aux contenus pornographiques, pédopornographiques, et aux prédateurs sexuels via les réseaux sociaux n’est effectivement pas l’apanage d’une plateforme en particulier.
Devant la mission d’information du Sénat, mercredi, Olivier Gérard, coordonnateur du pôle « Médias-usages numériques » de l’Union nationale des associations familiales (Unaf), a rappelé que « 30 % des 15-17 ans déclarent consulter des contenus pornographiques sur les réseaux sociaux ». « On constate qu’aujourd’hui que la plupart des réseaux sociaux ne mettent pas en place de dispositif de contrôle d’âge ».
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« Twitter ne respecte pas la loi, il devrait donc être bloqué en France »
« Le problème se situe à plusieurs niveaux. Il y a déjà un problème éthique des influenceurs qui incitent leurs jeunes fans à aller à discuter sur des réseaux comme Omegle. Quand on sait qui s’y trouve, ça équivaut à donner rendez-vous dans un sexshop. L’autre enjeu, c’est celui de la régulation. Le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) n’est pas appliqué », insiste Thomas Rohmer.
Rappelons que le RGPD interdit aux mineurs de moins de 13 ans de s’inscrire sur un réseau social. Entre 13 et 15 ans, l’autorité parentale est requise.
« Le RGPD est un échec en termes de protection de l’enfance. Est-ce normal que sur Twitter en quelques clics, on tombe sur des vidéos de pornographie, de pédopornographie, de zoophilie ? Twitter ne respecte pas la loi, il devrait donc être bloqué en France », alerte le fondateur d’Open.
Sous l’impulsion du Sénat, la loi du 30 juillet 2020 complète l’article 227-24 du Code Pénal et interdit aux sites de se contenter d’un simple « disclamer » (un clic : oui, j’ai plus de 18 ans ndlr).
Contacté par publicsenat.fr, le cabinet d’Adrien Taquet indique que des solutions techniques sont en train d’être mises en place en partenariat avec des acteurs privés et associatifs afin de contrôler l’âge des utilisateurs tout en respectant leurs données personnelles et leur anonymat.