Ce n’est pas la première fois que Stéphane Bern est reçu au Sénat. Et ce n’est pas pour lui déplaire. « J’ai toujours plaisir à venir vous voir ». Et visiblement, le plaisir est partagé en témoignent les applaudissements qui ont ponctué l’audition de l’animateur à qui le président de la République a confié une mission sur la préservation du patrimoine en 2017.
Ce mercredi, Stéphane Berne est venu alerter les élus de l’état du patrimoine religieux. La France compte 70 000 édifices religieux. 40 000 sont la propriété des communes, auxquelles incombe leur entretien.
A noter que seuls 15 000 édifices sont protégés au titre des Monuments historiques. Un dispositif qui donne droit à des subventions et des avantages fiscaux
« Je constate comme vous une déchristianisation du pays »
Au moment où sont examinés les sites en péril qui seront financés par le Loto du Patrimoine en 2022, Stéphane Berne s’est dit « choqué par le nombre de petites églises de nos campagnes en état de déréliction avancé ». « Je constate comme vous une déchristianisation du pays qui fait que les églises ne sont plus fréquentées et quand elles ne sont plus fréquentées, elles ne sont plus entretenues ».
L’animateur note aussi que les « petites communes » ne privilégient pas vraiment le patrimoine religieux lorsqu’il s’agit de patrimoine. « On ne se fait pas réélire maire en disant je veux sauver l’église du village », mais plutôt en construisant « un stade », veut-il croire.
« Nous partageons l’essentiel de votre constat », convient le sénateur communiste, Pierre Ouzoulias, rapporteur d’une mission d’information sur l’état du patrimoine religieux dont le rapport sera présenté dans quelques jours. Ce qui n’empêche pas l’élu des Hauts-de-Seine de corriger le spécialiste des têtes couronnées. « Vous avez parlé de déchristianisation. Je préfère parler de baisse de certaines pratiques religieuses […] Il peut y avoir des formes d’expression religieuse qui ne passent pas nécessairement par le culte dans un édifice ».
« On pense qu’il y a entre 2 000 et 3 000 édifices où l’exercice du culte est extrêmement sporadique voire inexistant »
Pierre Ouzoulias regrette que le ministère de la Culture ait abandonné le travail d’inventaire des édifices sacralisés et désacralisées. « On pense qu’il y a entre 2 000 et 3 000 édifices où l’exercice du culte est extrêmement sporadique voire inexistant. La question, c’est qu’est-ce qu’on va en faire pour justifier auprès des gens qui payent leurs impôts, pour que ces édifices qui sont des biens communaux, puissent continuer à être entretenus ? »
Le président du groupe LR du Sénat, Bruno Retailleau approuve : « Il faut trouver des utilités nouvelles, autres que cultuelles quand le culte est célébré […] Evidement qu’on ne va pas transformer les églises en boîte de nuit. Mais il peut y avoir dans les communes un objet culturel qui peut permettre à ce patrimoine de retrouver une raison d’être », explique-t-il.
Sans vraiment se conformer au classique jeu des questions-réponses, Stéphane Bern lance quelques réflexions. « Il ne faut pas opposer les pierres aux hommes […] les pierres révèlent les hommes et les hommes réveillent les pierres […] Qu’on soit religieux ou qu’on ne le soit pas, ce patrimoine c’est notre histoire et on n’a pas le droit de l’abandonner. Aujourd’hui, il y a 45 000 emplois qui sont liés à ces métiers d’art et qu’on est en train de perdre pour certains », rappelle-t-il.
Il propose de faire « un inventaire complet du patrimoine, bâti, religieux, industriel, ouvrier… » et la mise en place « d’une police du patrimoine » « pour qu’on arrête de faire n’importe quoi, de bâtir sans se préoccuper de ce qui s’était passé avant ».
Il en profite pour faire passer un message aux sénateurs sur « la pérennité du Loto du patrimoine ». « J’espère qu’elle est assurée. J’ai tout à l’heure un rendez-vous. La Haute autorité de régulation des jeux trouve que c’est scandaleux qu’on ruine les gens avec 15 euros de ticket. Je vais aller défendre mon bout de gras […] ça a été décidé par le président de la République, voté par le Parlement et je suis encore obligé de le faire alors qu’on a récolté en 5 ans près de 200 millions d’euros pour le patrimoine », s’agace-t-il.
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