« Nous sommes traités comme des poules d’élevages, le système économique nous exploite, nous pressure » le cri de révolte de ce paysan sicilien

« Nous sommes traités comme des poules d’élevages, le système économique nous exploite, nous pressure » le cri de révolte de ce paysan sicilien

Qu’ont en commun, un agriculteur sicilien, un architecte suisse, ou un menuisier autrichien ? Tous avec leurs outils, dans leurs pratiques, ont décidé de ne pas se résigner à voir le monde être abîmé par les hommes qui le peuplent. Tous à leur manière et sans se l’être dit, partagent le sens « du bien commun ». Dans son film nul homme n’est une île, Dominique Marchais tire le fil invisible qui nous relie. Autant de refus de désespérer qui s’additionnent pour dessiner une fresque pleine d’espoir.
Pierre Bonte-Joseph

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« Nous sommes traités comme des poules d'élevage »

Les branches ploient sous le poids des oranges. Au loin on devine l’autoroute, et le bruit du trafic sur l’asphalte se mêle au souffle du vent dans les arbres. Antonio Grimaldi est agriculteur, militant un brin philosophe aussi. La marche folle du monde, les excès du commerce, la dégradation du vivant, il a décidé de lutter contre en commençant par accueillir des poules pondeuses, abîmées par les conditions d’exploitations industrielles, épuisées par les cadences de pontes, et promises à une mort prochaine.

Un mois après leur arrivée sur la ferme, elles récupèrent un beau plumage, se liment les ergots sur la terre sèche de Sicile, et savourent une retraite bien méritée. Antonio fait partie d’une coopérative. 25 familles, 150 salariés, fédérés par un idéal : ralentir le processus de destruction du vivant qu’ils voient à l’œuvre aux portes de leurs exploitations, ces hangars de zones commerciales qui viennent lécher leurs fermes comme les flammes d’un incendie qu’on ne maîtrise plus. Pour lui « Nous sommes traités comme des poules d’élevages, le système économique nous exploite, nous pressure ».

« Tout est pareil tout est ennuyeux »

Plus loin dans le film on fait la rencontre d’un architecte Suisse bien décidé à lutter contre l’uniformisation du monde qui grignote chaque jour un peu plus les villes et les villages. Lors d’une promenade de découverte dans les rues d’un village du canton des Grisons, Giom A Canivada exhorte ses étudiants à s’inspirer du beau, à avoir de l’ambition pour leurs projets, à refuser à l’ennui.

« On mange les mêmes plats, on habite les mêmes maisons » lâche-t-il jamais résigné, avant de nous faire découvrir l’une de ses réalisations : une salle municipale construite avec les contraintes et les ressources locales. Faute de poutres d’assez grande taille, il a décidé d’assembler les planches ensemble, « comme un bricoleur » qui fait avec ce qu’il a sous la main. À l’intérieur la beauté de l’ensemble force l’admiration, de l’extérieur le bâtiment ne ressemble à aucun autre.

Penser le monde d'après

Bien qu’ils ne se connaissent pas Chiara, Giom, Giovanni défendent, dans un même esprit de lutte, le « bien commun ». Chacun dans leur domaine, ils se plantent devant l’évidence de règles admises pour les refuser et proposer un autre chemin. Sans violence mais avec la détermination de ceux qui croient à la justesse de leur combat. Le film de Dominique Marchais, aride, sans emphase, évite le lyrisme du catalogue de bonnes pratiques, mais révèle le mouvement de fond à l’œuvre partout en Europe.

Comme dans ce coin reculé de l’Autriche où Markus FaiBt, menuisier et forestier, fabrique de beaux meubles, sobres et solides, et qui, pour montrer qu’il n’y a pas de fatalité à l’exode rural, continue d’y produire ses objets et de former des jeunes apprentis. Pour lui il n’y a pas de fatalité à voir se poursuivre la saignée à l’œuvre depuis quarante ans qui vide les campagnes autrichiennes de ses forces vives. Pas de fatalité non plus à agrandir la fabrique de meubles pour vendre au-delà des frontières du canton, malgré le succès.

Tourné avant la crise du Covid-19, le film de Dominique Marchais, choral et réjouissant, s’intéresse plus à la détermination des hommes à changer le monde qu’à faire l’inventaire des échecs dont il est responsable. Preuve s’il en fallait que le monde d’après si souvent invoqué pendant la crise sanitaire est bel et bien en marche.

 

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