Manger du chocolat éthique, est-ce possible ?

Manger du chocolat éthique, est-ce possible ?

60 % du chocolat que nous consommons provient de la Côte d’Ivoire. Un pays où la production cacaoyère est synonyme de planteurs peu ou pas payés, de travail des enfants et de déforestation. Si le commerce équitable constitue une solution alternative, il ne concerne qu’un faible pourcentage de la production mondiale de cacao. Ces dérives sont-elles inévitables ?
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Par Mariétou Bâ

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Artisan chocolatier depuis bientôt vingt ans, Christophe Bertrand pratique le « bean-to-bar ». Il contrôle la production de la majorité des fèves de cacao qu’il importe, les fait fermenter, et les transforme lui-même. Il est très attaché au Cameroun, un pays qui n’est pas concerné selon lui par les conséquences dramatiques de la culture du cacao. « Je suis au Cameroun très souvent, j’ai monté une petite coopérative de production là-bas pour aider un village qui vendait son cacao à 1 euro le kilo il y a trois ans, et aujourd’hui on est à 2,50 euros, donc on a très nettement amélioré les conditions de vie des gens », explique t-il. Le chocolatier affirme payer les planteurs 1650 francs CFA le kilo, 2,5 fois plus que le prix habituel.

Rémunérer les producteurs en bas de l’échelle est une des conditions nécessaires au commerce équitable. Cette logique est une alternative à celles du commerce mondial.

Un commerce équitable insuffisant et peu accessible

« […] même si la certification est fiable, ce qui n’est souvent pas le cas,  [… ] le commerce équitable représente une petite partie du marché qui est vendue aux clients qui veulent payer plus pour le cacao », Julia Fern, conseillère politique et spécialiste des questions liées au climat et au développement pour l’ONG Fern.

Mais la logique du commerce équitable ne concerne qu’une petite partie de la production mondiale de cacao. Selon Les Echos, « les produits étiquetés FAIRTRADE ne représentent cependant aujourd’hui qu’une infime proportion – généralement moins d’1 % – des ventes mondiales en cacao, thé, café, etc ».

C’est ce que confirme d’ailleurs Julia Christian, spécialiste des questions liées au climat et au développement pour Fern, une ONG qui lutte contre la déforestation et la pauvreté. « Je pense que le problème avec la certification c’est que vous arrivez à certifier une très très petite partie de la production, et même si la certification est fiable, ce qui n’est souvent pas le cas,   [… ] c’est une petite partie du marché qui est vendue aux clients qui veulent payer plus pour le cacao ».

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La filière cacaoyère, un marché nébuleux

Un autre enjeu de la culture cacaoyère concerne le manque de traçabilité des fèves. Les sacs de cacao sont très rarement étiquetés, il est impossible de connaître leur provenance, les dates de récoltes, ou le profil des planteurs.

 « La traçabilité est une arnaque », François Ruf, chercheur économiste au CIRAD.

Des systèmes de traçabilité sont possibles avec les nouvelles technologies, explique Cédric Rabany, codirecteur d’une ONG de développement de filières agricoles, mais « cela a un coût supplémentaire, et en général, ce coût est payé par les producteurs ». Pourtant, « déjà, des entreprises tracent leurs chaînes d’approvisionnement pour la sécurité alimentaire », assure Julia Christian.

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Pour d’autres, plus pessimistes, ce problème est sans issue. « La traçabilité est une arnaque, pour dire les choses comme elles le sont. Ils [les agents de multinationales] remontent jusqu’aux coopératives […] mais ils savent très bien que 800 000 tonnes sur 2 millions viennent des forêts classées {ndlr : en Côte d'Ivoire] », explique François Ruf, chercheur économiste au CIRAD. Pour l'économiste, le problème est général, même si la Côte d'Ivoire est régulièrement pointée du doigt, les dérives liées à la culture du cacao sont les mêmes dans tous les pays producteurs à plus ou moins grande échelle.

Une production généralisée de cacao équitable sera-t-elle possible un jour ? Pas avant que tous les acteurs de la filière cacaoyère la régulent et la rendent plus transparente.

 

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