Suite à trois recours déposés contre le choc des savoirs, dont un par la sénatrice écologiste Monique de Marco, le rapporteur public du Conseil d’Etat demande d’annuler la mise en place des groupes de niveau au collège, soit le cœur de la réforme portée par Gabriel Attal. S’il faut encore attendre la décision du Conseil d’Etat, son avis pourrait être suivi.
Majorité numérique à 15 ans : « La problématique, c’est le système pour vérifier l’âge »
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Au rang des combats « essentiels » qu’il souhaite mener en Europe, Emmanuel Macron a cité la régulation de l’espace numérique. « La capacité à créer un ordre public démocratique numérique est une question de survie pour nous », a insisté le chef de l’État dans la dernière partie de son discours sur l’Union européenne, ce 25 avril. Cette reprise en main impliquera en particulier une « majorité numérique à 15 ans ».
« Avant 15 ans, il doit y avoir un contrôle parental sur l’accès à cet espace numérique », a-t-il développé, comparant l’espace numérique à une « jungle » pour la jeunesse, qui risque d’être la proie « du cyberharcèlement, de contenus pornographiques, de la pédocriminalité ». Le sujet est loin d’être anodin pour les familles, tant que les plateformes. Près des deux tiers des moins de 13 ans ont un compte sur un réseau social, selon une enquête de 2021.
Une loi votée en France en 2023
Emmanuel Macron n’a pas davantage précisé comment il imagine les modalités cette majorité numérique. Une récente loi, partie de la majorité présidentielle, pourrait cependant nous éclairer sur la position que pourrait défendre la France au niveau européen. Les dispositions en question sont parties d’une proposition du président du groupe Horizons à l’Assemblée nationale, Laurent Marcangeli. Promulguée le 7 juillet 2023, cette loi impose aux réseaux sociaux de refuser l’inscription aux enfants de moins de 15 ans, sauf si un des parents donne son accord. La loi oblige les plateformes à mettre en place un système de contrôle du temps passé en ligne et permet également aux parents de demander la suspension du compte.
« À l’échelle européenne, pour les questions numériques, c’est le bon échelon. Mais le processus sera long », considère Olivia Tambou, maître de conférences à l’Université Paris-Dauphine, spécialiste de droit de l’Union européenne et de droit numérique. Tous les États n’ont pas nécessairement des pratiques différentes.
Concernant le niveau de l’âge, la législation européenne a laissé le choix aux États membres s’agissant du consentement aux données personnelles. L’article 8 du Règlement général sur la protection des données (RGPD) prévoit que « le traitement des données à caractère personnel relatives à un enfant est licite lorsque l’enfant est âgé d’au moins 16 ans », tout en laissant la possibilité de prévoir un âge compris entre 13 et 16 ans.
Des seuils d’âge différents suivant les Etats membres pour l’application du RGPD
Les différents États membres ont adapté chacun de façon différente cet article. En Allemagne ou aux Pays-Bas, cette majorité numérique pour le consentement a été fixée à 16 ans. La France a choisi 15 ans. De nombreux Etats, comme la Belgique ou les pays nordiques ont opté pour 13 ans.
Les difficultés peuvent être d’ordre technique. « La problématique, c’est quel système on peut mettre en place pour vérifier l’âge. C’est complexe, on l’a déjà vu avec l’application du RGPD, les systèmes ne sont pas très performants. Il faudra se mettre d’accord pour que cette vérification ne soit pas intrusive et soit efficace », anticipe Olivia Tambou. Ces derniers mois en marge de l’examen au Parlement français du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, « la Commission européenne a considéré que la France seule ne pouvait pas imposer la vérification de l’âge », rappelle l’enseignante.
Sur le plan politique, la proposition d’Emmanuel Macron devrait également ouvrir un grand nombre de sujets. « La majorité numérique, c’est bien, mais il faut des annonces globales et cohérentes. Le vrai sujet c’est comment on traite cette question à bras-le-corps », demande la sénatrice Catherine Morin-Desailly (Union centriste). L’ancienne présidente de la commission spéciale sur le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, constituée l’an dernier, appelle à procéder à une approche générale.
« Si on laisse les jeunes après 15 ans dans les griffes des plateformes, car on n’aura pas su instaurer une réglementation extrêmement exigeante, on passera à côté de la cible », prévient la sénatrice de la Seine-Maritime. « Il faut regarder comment créer des habitudes de moindre dépendance dès le plus jeune âge, s’occuper de la question de la surexposition. Et par la suite, vérifier que les dispositifs de formation à l’école fonctionnent bien, et se pencher sur la montée en compétences numériques de tous, notamment les parents ».
En application depuis quelques mois, le Règlement sur les services numériques (ou Digital Services Act, le fameux « DSA ») de 2022 pourrait donc être remis sur la table, sur l’impulsion de la France, à l’issue du renouvellement du Parlement européen et de l’installation de la future Commission européenne. « De toute façon, avec le DSA on n’est pas allés assez loin. Il faudra évaluer précisément la mise en application, et mettre en place un plan d’action », demande Catherine Morin-Desailly.
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