Lutte contre le terrorisme : « On ne peut pas renoncer à notre Etat de droit, c’est l’un des objectifs des terroristes »

Invité de la matinale de Public Sénat, l’ancien juge antiterroriste, Jean-Louis Bruguière est revenu sur les moyens législatifs permettant d’anticiper les actes terroristes. L’ancien magistrat plaide pour un renforcement des moyens tout en respectant strictement l’Etat de droit.
Henri Clavier

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Après l’attentat du pont Bir-Hakeim faisant un mort et deux blessés, à Paris le 2 décembre, le profil du terroriste qui affirmait être déradicalisé divise. Sorti de prison en 2020, l’homme souffrant de troubles psychiatriques et psychotiques lourds et avait arrêté son traitement en mars 2022. L’auteur des faits affirmait « entendre la voix des djihadistes du Bataclan » le pressant de passer à l’acte lorsqu’il était en prison, il avait également échangé avec le tueur de Samuel Paty. 

 Pour Jean-Louis Bruguière, « il n’y a pas eu de faute ou de faille dans le dispositif tel qu’il existe ». L’ancien magistrat estime également qu’il est « dangereux de faire un lien entre un profil psychiatrique, une pathologie et un passage à l’acte ». L’auteur des faits 

 « On pourrait peut-être faire évoluer le droit sur les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance »

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, la France a fait rentrer dans le droit commun un certain nombre de mesures prévues par l’état d’urgence, notamment les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) ou les perquisitions administratives. Malgré ces dispositifs, prévoir le passage à l’acte terroriste demeure extrêmement compliqué avance Jean-Louis Bruguière. « Le passage à l’acte est quelque chose de très individuel. Le problème de la décision est très fugace, aléatoire. On parle plutôt de potentialité. » L’ancien juge antiterroriste rappelle également que l’individu peut se présenter comme déradicalisé.

 « On pourrait peut-être faire évoluer le droit sur les MICAS », reconnaît Jean-Louis Bruguière. « Pourquoi ne pas imaginer un dispositif avec des mesures plus contraignantes style assignation à domicile, voire rétention administrative », poursuit l’ancien magistrat. Actuellement, les MICAS ne peuvent excéder une durée cumulée de douze mois et chaque renouvellement doit être autorisé par le juge des libertés et de la détention.

 « Al Qaïda avait poussé des Etats, par un certain nombre de provocations, à sortir de l’Etat de droit »

Le renforcement des MICAS et des moyens de police administrative pose alors la question du respect de l’Etat de droit. « On ne peut pas renoncer à notre Etat de droit », appuie Jean-Louis Bruguière. En 2021, le Conseil constitutionnel a censuré une extension des MICAS à 24 mois. Pour ces raisons, Jean-Louis Bruguière estime que le renforcement des mesures prévues pourrait respecter la Constitution « avec une autorisation préalable du  juge des libertés et de la détention et avec un contrôle permanent permettant à l’intéressé de demander la levée de la mesure ».

Un impératif pour le juriste qui considère que compromettre l’Etat de droit est « l’un des objectifs des terroristes ». « Al Qaïda avait poussé des Etats, par un certain nombre de provocations, à sortir de l’Etat de droit », avance l’ancien juge antiterroriste. La France dispose de mesures particulièrement contraignantes par rapport à ses voisins européens. « La loi de 2017 est déjà fortement critiquée », rappelle Jean-Louis Bruguière. « Force est de constater qu’il n’y a pas un pays qui fait des perquisitions administratives », avance l’ancien magistrat.

 

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