Suite à trois recours déposés contre le choc des savoirs, dont un par la sénatrice écologiste Monique de Marco, le rapporteur public du Conseil d’Etat demande d’annuler la mise en place des groupes de niveau au collège, soit le cœur de la réforme portée par Gabriel Attal. S’il faut encore attendre la décision du Conseil d’Etat, son avis pourrait être suivi.
Lutte contre le narcotrafic : les sénateurs « tendent la main au gouvernement » avec une proposition de loi
Par Simon Barbarit
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« C’est un travail d’intérêt public », insiste Jérôme Durain, sénateur socialiste qui a présidé la commission d’enquête sur le narcotrafic et qui vient de déposer avec le rapporteur, Etienne Blanc (LR), une proposition de loi reprenant une large partie des 35 recommandations qu’ils avaient formulées en mai dernier.
« Ce qui nous importe, c’est avant tout de faire aboutir une politique nouvelle »
« On reprend les axes majeurs de notre rapport : la restructuration des acteurs de la lutte contre le narcotrafic, la lutte contre le blanchiment ou encore la clarification du statut d’indicateur et de repenti. Force est de constater que dans le contexte actuel, un certain nombre de propositions émises par le garde des Sceaux n’ont pas été mises en œuvre », note le sénateur.
Il est vrai que le ministre de la Justice et son cabinet avaient suivi de près les travaux du Sénat. Éric Dupond-Moretti avait même formulé plusieurs pistes pour lutter contre le « haut du spectre » du narcotrafic quelques jours avant la présentation du rapport du Sénat. « Il a dû monter une petite cellule au sein de son ministère pour suivre nos auditions et il a tenté de prendre les devants. Ce qui nous importe, c’est avant tout de faire aboutir une politique nouvelle. Le ministre nous avait reçus après la publication de notre rapport. Il avait trouvé qu’on avait fait un excellent boulot. Je ne l’avais senti rétif sur aucun point », rapporte Etienne Blanc.
Parmi les points forts de la proposition de loi, on retrouve à l’article 1, le renforcement de l’Office antistupéfiants (Ofast) structurée en une véritable « DEA à la française » (l’agence américaine de lutte contre la drogue, ndlr). L’office serait placé « sous la double tutelle des ministères de l’intérieur et de l’économie et des finances » avec « une compétence exclusive sur les crimes liés au narcotrafic, ainsi qu’un pouvoir d’évocation sur l’ensemble des enquêtes ».
L’Ofast serait aussi placé en surplomb d’un futur parquet national antistupéfiants (Pnast) (article 2) que la commission d’enquête estimait indispensable. Il serait l’équivalent judiciaire de l’Ofast rénové. Le nouveau parquet aurait pour compétence la lutte contre le narcotrafic du « haut du spectre ». Pour ce faire, il disposerait d’un monopole sur la gestion des « repentis » et des futurs informateurs « civils » que la commission souhaite aussi voir créés.
Refonte du statut de repenti
S’inspirant de la législation italienne « anti-mafia », les sénateurs souhaitent réformer le statut des repentis qu’ils jugent insuffisamment exploité en France. Les élus ont pris conscience, lors de leurs travaux, qu’un « informateur n’est pas celui qui est innocent de toute infraction ». C’est pourquoi, ils proposent d’étendre le statut de repenti à ceux qui ont commis des crimes de sang. Ils veulent aussi renforcer son attractivité avec « la perspective d’une réduction de peine en échange des informations transmises à l’autorité judiciaire ». Toutefois, le repenti aura aussi des devoirs fixés dans une convention « et dont le non-respect sera sanctionné par l’interruption des mesures de protection mises en place par la justice ».
Autre série de mesures jugées comme primordiales par les élus, la confiscation et les saisis des avoirs des trafiquants. « La seule fois où j’ai vu pleurer un trafiquant, ce n’est pas quand on lui a annoncé la décision de justice mais quand on a annoncé qu’on saisissait sa maison », avait confié un policier auditionné par la commission d’enquête.
La proposition de loi instaure une procédure d’injonction pour richesse inexpliquée en amont de la procédure judiciaire pour obliger les personnes suspectées de trafic de stupéfiants ou de complicité à s’expliquer sur tout écart manifeste entre leurs revenus et leur train de vie. La procédure de gel judiciaire des avoirs des narcotrafiquants (article 5) est envisagée comme un « mécanisme d’urgence en cas de risque de dissolution ou de transfert des avoirs d’un narcotrafiquant à l’international ».
Lutte contre la corruption
Enfin, l’un des points sensibles des travaux de la commission d’enquête avait porté sur la corruption. « Sans la corruption, qu’elle soit publique ou privée, les trafics ne prospèrent pas. Cela peut toucher des personnels des ports ou aéroports, des policiers, des gendarmes, des douaniers… Aucune profession n’est épargnée, dès lors que vous avez des trafiquants qui offrent des sommes très conséquentes. », avait alerté Stéphanie Cherbonnier, cheffe de l’Office anti-stupéfiants, devant les sénateurs.
La proposition de loi prévoit « la mise en place de points de contact unique de signalement de faits de cette nature ou de comportements suspects dans les administrations les plus exposées ou les services publics sensibles que sont les services portuaires et aéroportuaires », et étend « la conduite d’enquêtes administratives régulières (ou « criblages ») dans ces services, publics comme privés, pour mieux protéger les agents des services et administrations les plus exposés ».
Avant la dissolution, Éric Dupond-Moretti avait annoncé la présentation d’un projet de loi de lutte contre le narcotrafic en octobre. Le calendrier parlementaire est depuis bouleversé et les sénateurs ont souhaité prendre les devants. La proposition de loi est étoffée, trop pour pouvoir être examinée dans une niche parlementaire, d’autant que les propositions de loi sont soumises à l’article 40 de la Constitution qui rend irrecevable un texte créant ou aggravant une charge publique. C’est pourquoi Jérôme Durain aimerait la voir reprise dans un projet de loi.
« Notre travail a reçu énormément d’échos et a été accueilli positivement par l’ensemble des groupes politiques. Il y aura un travail d’amendement. Le texte à une visée répressive et certains voudront aller plus loin. D’autres voudront aborder la question de la légalisation et de la prévention. Cette initiative parlementaire est une main tendue au gouvernement », expose l’élu.
Etienne Blanc complète. « Dans la situation actuelle, il faut être pragmatique. Deux options sont possibles. Soit le gouvernement s’en empare et nous mènerons un travail consensuel. Sinon, nous choisirons un ou deux articles pour les reprendre dans notre niche parlementaire ».
A noter que dans le « pacte législatif » présenté lundi par les deux présidents de groupe parlementaire LR, Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau, figure une loi pour lutter contre le narcotrafic.
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