The cauldron seen from the Louvres museum.

Les JO de Paris 2024 c’est fini : que va-t-il rester de la parenthèse olympique ?

Unanimement saluée comme une grande réussite, la parenthèse olympique s’est achevée le 8 septembre, avec la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques. Héritage matériel ou immatériel, retombées financières… Public Sénat a demandé aux sénateurs qui ont travaillé sur cet événement historique leurs premiers éléments de bilan.
Romain David

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« Je suis venu te dire que je m’en vais, et tes larmes n’y pourront rien changer ». La voix d’Amadou et Mariam sur la musique de Serge Gainsbourg, pour un ultime salut à la vasque olympique. Dimanche soir, les quelque 7,7 millions de téléspectateurs qui ont suivi la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques n’auront pas eu la chance de voir l’immense ballon argenté imaginé par Mathieu Lehanneur et EDF s’élever une dernière fois dans le ciel de Paris. La météo, particulièrement capricieuse, a maintenu l’installation clouée au sol dans le Jardin des Tuileries, tandis que la jeune Aurélie Aubert, médaillée d’or de boccia, semblait trembler d’émotion au moment de souffler la flamme olympique, et de refermer définitivement la séquence sportive et festive des six dernières semaines. Une parenthèse qui a mis Paris au centre du monde.

Comme un pied de nez, la pluie qui a bousculé la cérémonie d’ouverture sur la Seine, le 26 juillet – et poussé 3 000 artistes à offrir au monde entier une incroyable leçon d’abnégation et de dépassement -, a abondamment arrosé le concert de clôture imaginé par le metteur en scène Thomas Jolly. Mais là encore, les trombes d’eau déversées sur la capitale et sa région n’ont pas empêché la vingtaine d’artistes électro réunis pour ce dernier tour de piste d’embraser le Stade de France et ses 60 000 spectateurs.

Fin du game ! Ce lundi, l’heure est moins à la gueule de bois qu’au blues. Mais aussi aux premiers éléments de bilan. Hormis une moisson historique de titres pour les deux délégations tricolores – 64 médailles dont 16 en or pour les athlètes olympiques et 75 médailles pour les paralympiques, dont 19 en or -, que restera-t-il de Paris 2024 ?

Un moment de fierté française

« Un moment de communion exceptionnel », répond la sénatrice LR Agnès Canayer, rapporteure du projet de loi relatif à la sécurisation de ces jeux. « Ce qui m’a particulièrement frappée, c’est l’adhésion des Français. Nous sortions d’une séquence électorale très tendue, durant laquelle nous nous sommes déchirés, et pourtant, nous avons montré que la France avait cette capacité à faire nation », explique-t-elle. « Les jeux olympiques ont aussi permis de relativiser la place du politique, malgré la crise et les inquiétudes budgétaires, nous avons été capables d’organiser et de mener à bien un événement planétaire ».

Le sénateur socialiste Jean-Jacques Lozach, corapporteur d’une mission de suivi sur la préparation des jeux, évoque un héritage « individuel et émotif » : « je pense que les Français se sont surpris eux-mêmes ». Même enthousiasme du côté de son collègue Michel Savin (LR), spécialiste des questions sportives : « On peut parler d’une parfaite réussite pour les deux séquences, olympiques et paralympiques, à la fois en termes d’organisation, de gestion des spectateurs et de sécurisation. »

Après des mois d’interrogations sur une éventuelle saturation des services publics, notamment l’engorgement des transports en commun, mais aussi sur les restrictions de circulation dans la capitale, et bien sûr la menace terroriste, Paris n’a jamais semblé aussi joyeuse que durant cette double quinzaine. « Je pense que les inquiétudes étaient nécessaires. Il était normal qu’un événement d’une telle ampleur suscite des interrogations, mais elles ont aussi permis de mobiliser tous les acteurs – et Dieu sait qu’ils étaient nombreux – autour de cette réussite collective », poursuit Agnès Canayer.

Des inquiétudes qui n’ont pas effrayé les visiteurs, puisque la fréquentation touristique internationale a bondi de 13 % dans la capitale sur la période olympique, malgré un mois de juillet au ralenti. Les recettes générées par les visiteurs étrangers sont en hausse de 8 % par rapport à 2023, selon les chiffres présentés par Olivia Grégoire, ministre déléguée démissionnaire chargée des Entreprises, du Tourisme et de la Consommation. Dans une étude publiée en mai, le Centre de droit et d’économie du sport table sur un impact économique global de 9 milliards d’euros, étalé entre 2018 et 2032.

Un héritage matériel concentré sur la Seine-Saint-Denis

Point fort du dossier de candidature de Paris 2024 : le réemploi des sites utilisés pendant les jeux, alors que la reconversion des complexes olympiques a souvent été un angle mort des précédentes olympiades. Le village olympique de Saint-Denis et le village média de Dugny devraient respectivement accueillir 2 800 et 1 500 logements d’ici 2025, mais aussi des écoles et des crèches. Le centre aquatique olympique de Saint Denis, en face du Stade de France, ainsi que la salle polyvalente et les gymnases de l’Adidas Arena Porte de la Chapelle, viendront s’ajouter aux équipements sportifs du département, l’un des moins dotés de l’Hexagone. Notons également la rénovation du stade nautique Maurice Thorez de Montreuil et du centre aquatique Annette-Kellermann à La Courneuve, qui ont servi aux entraînements olympiques de waterpolo.

« Nous avions des inquiétudes sur l’avenir du Paris Défense Aréna, qui a accueilli les épreuves de natation. La piscine a été démontée et il semble qu’un acheteur se soit déjà manifesté », pointe le sénateur centriste Claude Kern, second rapporteur de la mission de suivi sur la préparation des jeux. Les élus attendent la rentrée parlementaire pour reprendre leurs travaux avec « la phase bilan ». Leur rapport ne devrait pas être rendu public avant la fin d’année.

« C’est à la Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de France métropolitaine, que va principalement bénéficier l’héritage matériel des jeux. Mais il ne sera utile que si nous sommes capables d’assumer l’engouement généré autour de la pratique sportive », souligne Michel Savin.

Un héritage sportif à accompagner

Nul doute que les exploits de Teddy Riner, Léon Marchand ou Cassandre Beaugrand suscitent des aspirations chez les plus jeunes. « Il n’y aurait rien de pire que de voir des vocations frustrées par des refus d’inscription dans les clubs, faute de personnels et, surtout, d’équipements », poursuit Michel Savin, qui milite pour « un vrai plan Marshall » sur la rénovation et la construction de piscines. « On observe déjà un appel d’air sur le nombre de licenciés. Il faut se donner les moyens de les accueillir », abonde le sénateur Jean-Jacques Lozach, qui appelle à l’ouverture « d’assises du bénévolat sportif ». « En la matière, nous tournons en rond. Les propositions manquent d’imagination », estime l’élu. « Je pense également que nous dévons rester vigilent sur le handisport. Les efforts très importants qui ont été fournis ces trois dernières années en termes d’intégration et d’accompagnement doivent être pérennisés pour rentrer dans les habitudes de fonctionnement des fédérations. »

Mais le futur budget, qui s’annonce comme l’un des plus frugaux de la Cinquième République, pourrait rapidement doucher ces ambitions. Les 60 millions d’euros affiliés au sport dans la loi de finance 2024 comptaient 51 millions de crédits exceptionnels débloqués dans le cadre des jeux et qui n’ont, a priori, plus de raison d’être reconduits en 2025.

« Le programme de financement des jeux, soit 1,3 milliard sur huit ans, doit s’éteindre en 2026. Mais au-delà de cette enveloppe, les lettres plafonds envoyées par le Premier ministre sortant Gabriel Attal prévoient une baisse de 11 % pour le budget des sports en 2025, ce qui n’est pas vraiment de bon augure. C’est la baisse la plus importante derrière celle de l’aide publique au développement », explique Jean-Jacques Lozach, qui est également rapporteur pour avis des crédits consacrés au sport. « Il faudra voir quels sont les secteurs frappés par la baisse, et ce qu’il reste à l’arrivée des moyens alloués à l’objectif  ‘France, nation sportive’ affiché par le chef de l’Etat », avertit également Claude Kern.

L’accessibilité des transports parisiens à nouveau au cœur des préoccupations

En termes de développement du réseau de transports, Paris 2024 a servi d’accélérateur au prolongement des lignes 11 et 14, du RER E et du Tram 3B, même si le dossier de candidature se montrait bien plus ambitieux avec l’extension de la ligne 12 et l’ouverture du Grand Paris Express. Sur les 400 kilomètres de pistes cyclables mises en place pour faciliter l’acheminement des spectateurs vers les sites olympiques, 367 km seront pérennisés.

Les jeux paralympiques auront permis de relancer le débat sur l’accessibilité du métro parisien. À ce jour, seules 29 stations sont accessibles aux fauteuils roulants. Mais sur ce dossier, la région Île-de-France, en charge du réseau de transports, la Ville de Paris et le gouvernement se renvoient la balle. Selon Valérie Pécresse, la présidente du conseil régional, un tel chantier pourrait atteindre les 20 milliards d’euros, échelonnés sur 20 ans. Une facture qu’elle souhaite partager avec la mairie et l’Etat. Début septembre, « un pacte pour un métro accessible aux personnes à mobilité réduite » a été signé entre la région, la ville de Paris et APF France handicap. Mais à ce stade l’engagement reste symbolique, sans mesures contraignantes. « L’accessibilité du métro ne doit pas rester un rêve, les discussions doivent s’engager », enjoint le sénateur Claude Kern.

Un héritage institutionnel, notamment sur le pan sécuritaire

Seul point noir de ces jeux : l’attaque massive du réseau SNCF, qui a semé la pagaille sur une partie des lignes à grande vitesse à quelques heures de la cérémonie d’ouverture, affectant 800 000 voyageurs. « Nos inquiétudes étaient beaucoup plus focalisées sur la RATP que sur la SNCF », reconnaît Agnès Canayer, également corapporteure d’une mission d’information sur la sécurisation de l’évènement.

Néanmoins, le déroulé sans anicroche de la parade sur la Seine, et au-delà des différentes compétitions, marque aussi la réussite sécuritaire de ces jeux. « [C’est] un soulagement et une forme de pied de nez aux commentateurs qui mettaient en doute notre capacité à sécuriser un tel événement, mais aussi aux terroristes auxquels on dit, ‘on vit et vous ne nous atteignez pas’ », a confié Laurent Nuñez au journal Le Monde. Il aura fallu mobiliser pour cet événement 45 000 policiers et gendarmes, mais aussi 2 500 membres des forces de sécurité de pays étrangers.

L’utilisation de la vidéosurveillance augmentée, permise « à titre expérimental » jusqu’en mars 2025, aura suscité de nombreuses polémiques. Sur ce point, Agnès Canayer attend avec impatience « le débriefing ». « J’espère que nous allons créer un précédent, prouver que la vidéosurveillance augmentée, encadrée comme elle l’a été par le Parlement, est un bel outil à la main des forces de l’ordre, qui permet de libérer de la ressource humaine pour se concentrer sur le terrain », explique-t-elle.

La sénatrice salue également la collaboration inédite entre différentes unités d’élite, notamment le GIGN, le RAID et la BRI. « On parle beaucoup d’héritage sportif, mais il y aura aussi un héritage institutionnel. J’espère que de telles pratiques pourront être reproduites à l’avenir sur d’autres grands évènements ».

Les vestiges des jeux

Quelle trace physique la capitale va-t-elle conserver de sa période olympique ? On songe aux anneaux installés sur la Tour Eiffel, aux « Agitos » du logo paralympique sur l’Arc-de-Triomphe, ou encore à la vasque, que beaucoup veulent voir rester dans le Jardin des Tuileries. Plusieurs pétitions circulent déjà en ce sens, dont l’une a dépassé les 14 000 signatures. Mais le maintien du ballon olympique pose de nombreuses difficultés techniques et patrimoniales : installé dans un site classé, il n’a pas été conçu pour affronter les frimas de l’hiver. Par ailleurs, son entretien nécessitera un budget spécifique.

La maire de Paris Anne Hidalgo, qui n’a pas la main sur ce dossier, a déjà annoncé vouloir conserver les anneaux olympiques sur la tour Eiffel, qui seront remplacés à terme par une structure plus légère pour le monument. Toutefois, les descendants de Gustave Eiffel ont manifesté leur opposition à ce projet. De son côté, Valérie Pécresse a indiqué sur ses réseaux sociaux qu’elle était prête à accueillir les « Agitos » sur la façade du Conseil régional d’Île-de-France, à Saint-Ouen.

« La tour Eiffel, c’est vraiment le symbole de la France, il paraîtrait décalé, à terme, d’y laisser les anneaux olympiques. Néanmoins, il faut trouver un moyen d’inscrire l’histoire de ces jeux dans l’espace public parisien », estime Agnès Canayer qui évoque l’hypothèse d’un lieu dédié. Michel Savin rappelle qu’Albertville « dispose de son propre musée olympique ». « Il est certain que nous devons garder une trace matérielle de cet épisode, mais je ne sais pas sous quelle forme. En tout cas, il serait dommage de se passer de cette magnifique vasque olympique, qui a eu énormément de succès », conclut Claude Kern.

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