Suite à trois recours déposés contre le choc des savoirs, dont un par la sénatrice écologiste Monique de Marco, le rapporteur public du Conseil d’Etat demande d’annuler la mise en place des groupes de niveau au collège, soit le cœur de la réforme portée par Gabriel Attal. S’il faut encore attendre la décision du Conseil d’Etat, son avis pourrait être suivi.
Légalisation du cannabis : « La moins mauvaise des solutions », pour le sénateur Devinaz, auteur d’une proposition de loi
Par Simon Barbarit
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La légalisation du cannabis c’est un peu l’Arlésienne du Sénat. Un débat qui revient épisodiquement au Palais du Luxembourg avec le même dénouement : un rejet massif de toute proposition en ce sens.
Il y a quelques jours, c’est le sénateur socialiste du Rhône, Gilbert-Luc Devinaz qui a déposé une proposition de loi « autorisant la légalisation de la consommation récréative de cannabis et encadrant sa production et sa vente ». Le texte est cosigné par une partie des sénateurs socialistes et par des écologistes. Il fait suite à une tribune publiée dans le journal Le Monde, le 10 août 2022, portée par trente et un sénateurs socialistes. Le texte appelait alors à lancer un processus de concertation sur la légalisation du cannabis avant le dépôt d’une proposition de loi.
« Je suis dans mon rôle de sénateur en apportant au Parlement ce débat issu des territoires »
« On a mis un peu de temps à déposer la proposition de loi », reconnaît Gilbert-Luc Devinaz qui explique s’être emparé du sujet après un débat « apaisé » sur ce sujet à Villeurbanne en 2020 à l’époque où il était encore conseiller municipal. « Je suis dans mon rôle de sénateur en apportant au Parlement ce débat issu des territoires. Des territoires qui ne voient que les inconvénients de la consommation de cannabis, c’est-à-dire les points de deal et l’insécurité. La légalisation est la moins mauvaise des solutions », estime-t-il.
Le sénateur a bien conscience que le débat est miné politiquement en France et que sa proposition de loi est à contrecourant des politiques publiques actuelles. « La drogue, c’est de la merde, on ne va pas légaliser cette merde », martelait le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin en 2020. Il y a quelques jours, le patron de LR, Éric Ciotti préconisait de « placarder le nom de ceux qui sont arrêtés en possession de stupéfiants » sur le site du ministère de l’Intérieur et d’augmenter l’amende forfaitaire pour usage de stupéfiants de 200 euros actuellement, à 1000 euros.
« Il y a une répulsion en France vis-à-vis du cannabis »
Cette semaine, comme s’y était engagé le ministre de la Santé, François Braun, les produits à base d’hexahydrocannabinol (HHC) dont la structure chimique est proche de celle du THC (la substance psychotrope du cannabis), ont été classés sur la liste des stupéfiants par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), après plusieurs semaines de commercialisation en vente libre.
« Il y a une répulsion en France vis-à-vis du cannabis. Elle remonte à mai 68, lorsque la classe politique a été ébranlée par ses propres enfants qui en fumaient. On a associé cette révolte au cannabis depuis », regrette Gilbert-Luc Devinaz.
Au sein de sa propre famille politique, le débat divise également. Interrogée par publicsenat.fr, au mois d’août dernier, Catherine Conconne, sénatrice de Martinique, s’opposait radicalement à la dépénalisation ainsi qu’à la légalisation. « Le cannabis est une drogue néfaste pour la santé. Trouvons les moyens de proposer aux personnes mal dans leur peau autre chose qu’un psychotrope avec des conséquences qui sont avérées », appuyait-elle.
En 2015, sous le quinquennat de François Hollande, la proposition de loi de la sénatrice écologiste Esther Benbassa visant à légaliser le cannabis avait été rejetée unanimement par le groupe socialiste de l’époque. Ce qui faisait dire à Esther Benbassa l’année dernière au moment de la parution de la tribune : « C’est vrai que les socialistes réfléchissent à ce genre de loi quand ils sont dans l’opposition, mais c’est bien qu’ils aient changé d’avis. »
Sortir du procès en laxisme
Dans les motifs, de la proposition de loi de Gilbert-Luc Devinaz, composée de six articles, rappelle que 18 millions de Français ont déjà consommé du cannabis malgré son interdiction. « Dans ce contexte, nous devons sortir du procès en laxisme fait régulièrement aux tenants d’une évolution du cadre légal ».
Sur le modèle de la légalisation du cannabis pratiquée au Canada, le texte prévoit la création « d’une Agence nationale de contrôle et de gestion du cannabis ». Un établissement public placé sous la tutelle des ministères de la Santé et de l’Agriculture auquel serait confié le monopole de la production et de la distribution des produits du cannabis. Cette agence délivrerait des licences pour la production, la distribution, la vente au détail, le contrôle de la qualité des produits du cannabis et la prévention liée à leurs usages.
L’entrée en vigueur de la proposition de loi est fixée au 1er janvier 2030. D’ici là, le cannabis serait dépénalisé. Dans « cette période transitoire », il serait produit par des exploitants agricoles et par des « cannabis social clubs », des associations de loi de 1901 agréées par l’Agence de nationale de contrôle et de gestion du cannabis » en attendant la vente dans des magasins spécialisés. Ces « cannabis social clubs » pourront se voir retirer l’agrément s’ils ne remplissent pas certaines obligations de sensibilisation et de prévention sur les dangers sanitaires et sociaux. La vente de cannabis serait interdite aux mineurs. Sa publicité serait aussi prohibée en dehors des débits de vente et de consommation.
Les auteurs de la proposition de loi évaluent les recettes de la légalisation, financées par la taxation des produits, à 5 milliards d’euros, mobilisés pour la prévention la réinsertion « des petites mains du trafic » et le développement économique.
« Aucune politique répressive n’est parvenue à faire baisser la consommation »
« Nous avons besoin d’une approche pragmatique et légaliste sur ce sujet et pas d’une surenchère de la droite qui campe sur des positions morales. Aucune politique répressive n’est parvenue à faire baisser la consommation. Et c’est quand même très compliqué de faire de la prévention quand le produit est interdit et énormément consommé », soutient le sénateur écologiste, Thomas Dossus, signataire de la proposition de loi et auteur d’un amendement en faveur de la légalisation du cannabis rejeté lors du dernier projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
Le groupe écologiste du Sénat était à l’initiative cette année d’une proposition de résolution largement adoptée, en faveur du développement de la filière chanvre et d’une meilleure réglementation du CBD. La France est d’ailleurs le troisième producteur mondial et le premier producteur européen de chanvre avec seulement 22 000 hectares répartis sur de nombreux territoires.
Pas de date à ce stade pour l’examen de la proposition de loi de Jean-Luc Devinaz qui devra attendre les élections sénatoriales avant d’être inscrite à l’ordre du jour de la session ordinaire 2023-2024 dans la niche parlementaire socialiste ou écologiste.