Suite à trois recours déposés contre le choc des savoirs, dont un par la sénatrice écologiste Monique de Marco, le rapporteur public du Conseil d’Etat demande d’annuler la mise en place des groupes de niveau au collège, soit le cœur de la réforme portée par Gabriel Attal. S’il faut encore attendre la décision du Conseil d’Etat, son avis pourrait être suivi.
Le nouveau comité interministériel de la laïcité divise au Sénat
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L’assassinat en octobre de Samuel Paty avait relancé le débat sur la laïcité et placé l’Observatoire de la laïcité sous le feu des projecteurs. Après de nombreux débats, sa dissolution a été décidée par l’exécutif. C’est ce jeudi matin que Jean Castex a lancé le tout nouveau comité interministériel de la laïcité, créé par décret le 5 juin pour remplacer le décrié Observatoire.
Un Observatoire au cœur des controverses
L’Observatoire de la laïcité était une instance consultative, créée en 2013, chargée de conseiller le gouvernement et de faire de la pédagogie sur le terrain sur les principes de la laïcité. Il était composé de parlementaires, de hauts fonctionnaires et d’universitaires.
Cette instance, présidée par l’ancien ministre socialiste Jean-Louis Bianco, avait fait l’objet de critiques, notamment de complaisance avec l’islamisme, avant l’annonce de sa dissolution. Ainsi, pour la sénatrice centriste de l’Yonne Dominique Vérien, cet Observatoire ne « rendait pas le service attendu ». Elle se réjouit qu’il « renaisse sous une autre forme ». La sénatrice LR du Val d’Oise Jacqueline Eustache-Brinio va également dans ce sens et « applaudit de mille mains » la dissolution de cet observatoire « qui n’en était pas un » et qui ne « servait pas les causes de la République ».
Les membres de l’Observatoire s’étaient défendus des accusations qui leur étaient faites, soutenus par plusieurs personnalités politiques et parlementaires. La sénatrice socialiste de la Gironde Laurence Harribey, par exemple, regrette la suppression de cette instance. « Il aurait été important de la garder et de recentrer ses missions », explique-t-elle. Si elle reconnaît son désaccord avec certaines prises de position de l’Observatoire, Laurence Harribey explique que la lutte contre le terrorisme n’était pas dans ses missions, qu’on lui a reproché une « posture sociétale » alors que c’était sa feuille de route.
Un comité interministériel pour « garantir et promouvoir le principe de laïcité »
Voulu en remplacement de l’Observatoire, le nouveau comité est sous l’autorité du Premier ministre et se compose de plus d’une dizaine de ministres, dont le ministre de l’Intérieur, de l’Education nationale ou encore de la Ville. D’autres membres du gouvernement peuvent être invités devant le comité, à la demande de Jean Castex.
Cette instance a pour missions de « donner une dimension plus opérationnelle à l’action publique en matière de laïcité », « garantir à la fois le respect et la promotion du principe de laïcité par l’ensemble des administrations publiques ».
Sa feuille de route, présentée ce 15 juillet, comporte 17 mesures, parmi lesquelles la formation des agents des trois fonctions publiques à la laïcité d’ici à 2025, la création de « référents laïcité » dans les administrations, ainsi que la création d’un « déféré laïcité », qui permettra aux préfets de saisir le juge administratif lorsqu’une collectivité locale mène des actions qu’ils estiment contraires aux principes de laïcité. Le comité devra également « concrétiser les mesures votées dans le projet de loi confortant les principes républicains », qui sera examiné en deuxième lecture en séance au Sénat à la fin du mois de juillet.
Un nouveau comité qui fait débat
Cette nouvelle instance ne fait pas consensus parmi les sénateurs. Dominique Vérien, d’un côté, salue cette création. « Cela montre que le gouvernement veut s’emparer de ce qu’est la laïcité », se réjouit-elle. Ce n’est pas le cas de la socialiste Laurence Harribey, qui déplore de son côté une « confusion des genres ». Elle ne remet pas en cause le comité mais elle aurait aimé que coexistent l’Observatoire et le comité interministériel : le premier pour avoir un lieu de réflexion, le deuxième pour coordonner l’action gouvernementale. La sénatrice craint que ce comité ne dérive en « outil répressif de contrôle et d’interdiction » et en « récupération politicienne », sans le « regard des historiens et des sociologues ».
Jacqueline Eustache-Brinio, très inquiète de la situation, espère que ce comité ne « deviendra pas un grand machin pour faire des bilans ». Elle s’interroge quant à son efficacité et demande un « discours et des exigences très claires » sur le sujet de la laïcité, « nous vivons des moments compliqués, on ne peut pas continuer comme ça », explique-t-elle, « je suis dubitative et j’attends ».
Le plus critique est peut-être le sénateur communiste des Hauts-de-Seine Pierre Ouzoulias. Pour lui, il n’y a « pas grand-chose à attendre » des actions du gouvernement en faveur de la laïcité. « Il y a les discours, très durs, du gouvernement, et il y a les faits », explique-t-il. Pour le sénateur, l’exécutif ne met pas ses décisions en conformité avec le respect des principes de la loi de 1905. Il dit donc « attendre de voir les actes » de ce nouveau comité, qui n’a « rien à voir avec l’Observatoire » et ne peut donc le remplacer. Le sénateur déplore enfin l’absence d’une instance qui puisse être saisie par tout citoyen lorsqu’il constate une atteinte à la laïcité « Qui va faire le lien entre les usagers du service public et le gouvernement ? » questionne-t-il.
La composition du comité fait également débat. Pour Dominique Vérien, le fait qu’il ne soit composé que par des membres du gouvernement est une « bonne nouvelle » : « cela montre que les ministres se saisissent du sujet ». Elle est rassurée par l’annonce par Marlène Schiappa, la ministre déléguée à la Citoyenneté, de la possibilité de convoquer un collège d’experts, qui débattront quand il y aura des sujets au sein de ce comité. Tout cela est donc « plutôt positif » pour la centriste. A l’inverse, la composition du comité « pose un problème » à Jacqueline Eustache-Brinio. Elle aurait aimé qu’il y ait « des universitaires, pourquoi pas, mais aussi des parlementaires ». « Le gouvernement pense qu’il va régler tout tout seul », déplore-t-elle.