Le gouvernement veut lutter contre les pénuries d’eau

Le gouvernement veut lutter contre les pénuries d’eau

Clôturant le second volet des Assises de l’eau, le ministre de la Transition écologique François de Rugy a présenté une série de mesures pour préserver l’approvisionnement en eau et adapter les territoires aux effets du réchauffement climatique.
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François de Rugy ne pensait pas être aussi bien servi par la météo. C’est dans une atmosphère encore caniculaire dans certaines régions, que le ministre de la Transition écologique a présenté le plan d’action du gouvernement pour préserver les ressources en eau du pays, fruit de 7 mois de travaux au sein des Assises de l’eau. Actuellement, 23 départements sont concernés par des restrictions d’eau en métropole. La sécheresse est une réalité. « On y est déjà confrontés. Il faut anticiper le fait que ça devienne plus fréquent, et anticiper les risques de conflits sur les usages de l’eau. Il nous appartient de garantir la sécurité de l’approvisionnement en eau potable », martèle le ministre.

En août 2018, la première séquence des Assises de l’eau s’était conclue sur des décisions visant à réduire les fuites d’eau, renouveler les canalisations et améliorer leur gestion. La seconde partie de ces assises s’inscrit dans la continuité, partant du constat que le changement climatique va créer des tensions sur les ressources en eau disponibles, mais aussi sur les écosystèmes. Selon les projections de l’Agence française pour la biodiversité, les débits moyens des cours d’eau pourraient être réduits de 10 à 40 % d’ici 50 ans, ce qui aurait un impact sur le niveau des nappes phréatiques.

Dans ce contexte, le grand objectif affiché par le gouvernement est d’ « économiser et de mieux partager l’eau ». Le but est de réduire de 10 % la consommation en 5 ans, et d’un quart sur 15 ans. Il faudra la « mobilisation de la totalité des secteurs : secteur industrie, secteur agricole et consommation domestique », a prévenu la secrétaire d’État Emmanuelle Wargon. En 2010, un rapport du Conseil d’État indiquait que près de la moitié de la consommation d’eau était absorbée pour l’irrigation des terres cultivées, 28 % pour les besoins de la production d’énergie et un peu moins d’un quart pour les usages domestiques.

Des tarifs incitatifs pour faire évoluer les consommations

Pour aboutir à des « utilisations raisonnées » de l’eau, « optimiser » sa consommation entre les différents acteurs, le gouvernement veut que soient définis une cinquantaine de « projets de territoire pour la gestion de l’eau » (une centaine d’ici 2027), qui définiront les besoins et identifieront les ressources, mais aussi la délicate question du stockage. Ce point sera « central », selon Ronan Dantec, sénateur écologiste siégeant au groupe RDSE (à majorité radicale). « Les conditions doivent être drastiques et cela doit aller dans le sens d’une renconquête de la biodiversité », espère-t-il.

Définir un cadre directeur « n’a pas été facile », a reconnu François de Rugy, qui veut que la France aille désormais vers « une gestion économe et sobre de l’eau ». Le sujet est en effet source de conflit, entre des usages parfois contradictoires : barrages hydrauliques et cultures agricoles, pour ne citer qu’eux. Les schémas d’aménagement et de gestions joueront également un rôle important.

Derrière ces cartes d’État-major pour gagner la « bataille de l’eau », le gouvernement entend recourir au mécanisme de tarifications incitatives, pour encourager chaque secteur à une consommation raisonnée (et raisonnable). À côté des malus, la tarification sociale devrait être aussi généralisée. Comme nous l’écrivions le 21 juin, ce point devrait être inscrit dans le projet de loi relatif à « l’engagement dans la vie locale et la proximité de l'action publique », qui sera débattu à la rentrée, d’abord au Sénat. Ce texte doit également réaménager la compétence eau et assainissement, qui incombe aux intercommunalités mais qui soulève des tensions dans les collectivités locales.

Outre l’innovation, convoquée pour réduire la consommation de l’agriculture et de l’industrie, le secteur du bâtiment n’est pas non plus exclu du plan de bataille, puisque la future réglementation des bâtiments de neufs devra intégrer en 2022 des mesures d’eau.

Eaux de lessive ou eaux de pluie : le retard considérable de la France

Plus anecdotique : le gouvernement met le doigt sur le manque de valorisation des eaux « non conventionnelles », à savoir la réutilisation des eaux domestiques usées (à l’exception des eaux sanitaires) et surtout, des eaux de pluie. L’exécutif se fixe pour objectif de tripler les volumes de ces eaux réutilisés. Sur ce terrain, la France est à la traîne, puisque seulement 19.000 mètres cubes d’eau sont réutilisés chaque jour en France : c’est 42 fois moins qu’en Italie. La question occupe depuis 15 ans les sénateurs : de nombreuses questions écrites adressées au ministère de l’Environnement ont notamment régulièrement interpellé le gouvernement sur la mise en place d’un crédit d’impôt à la fin des années 2000.

Un autre grand enjeu, mis en avant, est la protection de la qualité de l’eau potable, menacée par les pollutions aux nitrates et pesticides. Plutôt que de protéger uniquement les points de captage, le gouvernement veut donner compétence aux collectivités pour pouvoir préserver toute l’aire d’alimentation du captage. Seule la moitié des 1000 points de captage prioritaires font l’objet d’un plan de protection. Souhaitant accélérer la mise en œuvre de cette ambition, déjà formulée à l’époque du Grenelle de l’Environnement de 2007 et rappelée lors de la Conférence environnementale de 2013, le gouvernement veut doter l’ensemble de ces 1000 points de captage de plans de protection. Concrètement, l’État veut donner par exemple les moyens aux collectivités de préempter des terrains en vente sur ces aires d’alimentation de points de captage.

Préservation des zones humides et des rivières

Dernier point, et non des moindres, à l’heure où des centaines de milliers d’espèces sont menacées d’extinction, le gouvernement souhaite enfin renforcer la préservation des rivières et des milieux humides. L’objectif est de doubler la superficie des zones humides protégées d’ici 2030. L’intérêt est double : les tourbières jouent le rôle de pièce à carbone et limitent les effets des inondations. Cet avantage avait largement été mis en avant dans le rapport parlementaire du sénateur Jérôme Bignon (Les Indépendants) et la députée (LREM) Frédérique Tuffnell, remis en janvier 2019. Ces derniers, dans le cadre de la réforme de la PAC (politique agricole commune), avaient défendu la nécessité de mettre en place des « paiements pour services environnementaux », principalement dans les zones humides.

L’autre volet est de stopper la bétonisation, en restaurant 25 000 kilomètres de cours d’eau et en revitalisant des rivières.

Face à ces défis, les différentes agences de l’eau seront très sollicitées, et les programmes seront scrutés à la loupe au moment de l’examen du projet de loi de finances. Sur la période 2019-2024, leurs moyens d’action pour la préservation des espaces et la lutte contre la pollution des milieux aquatiques atteindre 5,1 milliards d’euros. Le gouvernement prévoit également de muscler davantage les prêts accordés par la Banque des territoires et la Caisse des dépôts et consignations.

Plan du gouvernement pour l'eau : « J'attends des garanties financières », réagit Ronan Dantec
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« J'attends des garanties financières », réagit Ronan Dantec

Le sénateur Ronan Dantec se montre prudent sur l'engagement budgétaire de l'État. « J'attends des garanties financières pour mener ce plan à bien. C’est un catalogue assez important, il va falloir le financer. Quand on parle de 25.000 kilomètres de rivières à améliorer, c’est quand même beaucoup d’argent. Le gouvernement, et ce n’est pas le premier à le faire, a tendance à ponctionner les recettes des agences de l’eau », a-t-il reproché. Comme cela a été souligné lors de la dernière loi de finances, une fraction des redevances finançant ces agences de l'eau alimente le budget général de l'État.

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