« La victimocratie nous tue » déplore Rachel Khan

Une essayiste, une artiste, une penseuse, une conseillère, une sportive ; il est difficile de la définir tant elle échappe aux catégories, aux cases dans lesquelles certains souhaitent la ranger, l’assigner. Libre et indépendante, elle incarne, à travers et par-delà ses particularités, un universalisme français qu’elle juge aujourd’hui en danger, quitte à attiser la haine des extrémismes de tout bord. Cette semaine, Rebecca Fitoussi reçoit Rachel Khan dans l’émission d’entretien Un monde, un regard.
Axel Dubois

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Aux croisements des cultures et des identités, comment trouve-t-on sa place ? Comment évolue-t-on lorsque que l’on a « toujours été l’Autre de quelqu’un » ? Ce brassage culturel Rachel Khan en a fait une force, qu’elle retrouve dans l’universalisme ; n’en déplaise aux adorateurs de l’identité, qu’elle combat avec ardeur dans ses livres, sur les plateaux, mais aussi sur les réseaux sociaux : « Je sens bien qu’il y a une volonté de faire taire l’humanisme, de faire taire l’universalisme, et c’est pour ça que je m’exprime. ». Une ambition qui la heurte à de nombreux contradicteurs.

Surtout pas victime

D’origine afro-yiddish, de confession juive, pratiquant l’Islam et le Christianisme, Rachel Khan est à l’intersection de toutes les identités. Très vite, elle souffre de l’antisémitisme et du racisme, à l’école, dans le milieu du sport, pendant ses études, et dans le cinéma : « En étant l’Autre de tout le monde, on comprend qu’il y a des intolérances dans tous les milieux ».

Reconnaitre cette souffrance ? Une nécessité. Se victimiser ? Jamais. Ce statut, elle le refuse : « Cette victimocratie, elle nous tue ». Pour elle, les revendications décoloniales et intersectionnelles, loin de lutter contre ces discriminations, les essentialisent : « On prend soit votre genre, soit votre race, soit votre religion, pour en faire finalement un trophée, une espèce de bouclier, une forme d’immunité ». Une idéologie qui irait « à l’encontre de ce qu’il s’est passé pour la Révolution française », et qui menacerait même l’Etat de droit et les valeurs républicaines d’égalité et de fraternité. En somme, une idéologie qui menace l’universalisme.

 

La nécessité de défendre l’humanisme et l’universalisme

Engagée dans les milieux anti-racistes – au cinéma notamment avec le collectif « Noire n’est pas mon métier » – Rachel Khan prend peu à peu ses distances avec ce qu’elle considère être une dérive « racialiste » de l’antiracisme qui, tout en s’en défendant, serait motivé par « la haine de l’Autre ». La véritable rupture s’opère lorsqu’elle écrit Racée : « J’ai été traitée de traitre, de banania, et de négresse de maison. ».

Une violence qui trahit, selon elle, un rejet racialiste de l’universalisme qui repose, tout autant que le racisme, sur une volonté d’assigner l’Autre, de le réduire à une identité : « Une identité ça vous réduit ; vous n’êtes jamais qu’une seule identité. ». Qui mieux que Rachel Khan pour affirmer cela ? Cette « additionnée » pour qui « l’universalisme n’est pas un concept, n’est pas de la philosophie. C’est ancré, c’est incarné. ». C’est toute la force de l’universalisme selon elle, capable de dépasser les segmentations, les divisions, pour fonder, ensemble, un projet politique – la République : « Nous ne sommes pas un peuple religieux, nous ne sommes pas un peuple ethnique, racial, nous sommes un peuple politique, qui nous nous retrouvons autour de nos fondamentaux communs : liberté, égalité, fraternité. ».

Retrouvez l’intégralité de l’émission ici.

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