PARIS :  Manifestation pour defendre le droit a l IVG

La campagne d’affichage sauvage anti-IVG à Paris ravive les attentes sur la constitutionnalisation de l’IVG

Dans la nuit du 24 au 25 mai, Paris a vu fleurir sur les pare-boue des Vélib’ une campagne non-autorisée de l’association anti-IVG « Les Survivants ». Elle a suscité une vague d’indignation générale, de la part de membres du gouvernement, d’élus et d’associations. Elle permet également de remettre sur le devant de la scène le sujet de la constitutionnalisation de l’IVG, promis par Emmanuel Macron le 8 mars dernier, mais qui n’a depuis pas bougé d’un iota et qui avait été un peu éclipsé par d’autres sujets.
Mathilde Nutarelli

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Les parisiens se sont réveillés ce jeudi matin pour trouver, collés sur les pare-boue des Vélib’, des autocollants ouvertement anti-IVG : « Et si vous l’aviez laissé vivre ? ». Revendiquée par l’association anti-avortement « les Survivants », l’action non-autorisée, a suscité une levée de boucliers massive ce 25 mai. Une action peu surprenante de la part de ce collectif, qui utilise le buzz, bon ou mauvais, comme stratégie. Alors que depuis le 8 mars, jour où Emmanuel Macron avait annoncé reprendre la proposition de constitutionnaliser l’IVG dans un projet de loi « dans les prochains mois », rien n’a bougé, cette campagne relance la question : où en est la constitutionnalisation de l’IVG ?

Une campagne sauvage qui suscite une levée de boucliers

Une opération d’ampleur déployée dans la nuit du 24 au 25 mai, des stickers qui font très « pro », avec une police qui rappelle celle utilisée habituellement par Vélib’. Le Syndicat Autolib’ Vélib’ Métropole estime qu’un tiers du parc, soit environ 6 000 vélos, est concerné par le collage sauvage. « Cette campagne d’affichage sauvage […] n’a pas été autorisée », précise-t-il par voie de communiqué. Il incite les usagers à arracher eux-mêmes les stickers, des opérations visant à nettoyer les pare-boue ou à les recouvrir avec d’autres autocollants, ont déjà été mises en place par des citoyens.

A la découverte des vélos dégradés, les réactions ne se sont pas fait attendre, notamment sur le réseau social Twitter. Ainsi, Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, a dénoncé sur Twitter une campagne « inacceptable ». François Braun, ministre de la Santé, a tweeté : « Nous inscrirons ce droit fondamental dans la Constitution, comme l’a rappelé Emmanuel Macron ».

Plusieurs élus ont également condamné les autocollants. En tête Anne Hidalgo, maire de Paris, et son adjoint écologiste aux transports David Belliard. Au Sénat, Laurence Rossignol, sénatrice socialiste de l’Oise et ancienne ministre des Droits des femmes, ou encore Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice de Paris rattachée au groupe communiste, ont manifesté leur ferme désaccord. Le Haut-Conseil pour l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que le Planning familial ont également étrillé les stickers sur le réseau social à l’oiseau bleu.

Velib’ Métropole a indiqué qu’il engagerait « toute action nécessaire auprès de la justice », aux côtés de la Ville de Paris.

« L’histoire que l’on se raconte parfois, que la France serait moins touchée que certains pays par ce lobbying, est fausse »

Cette campagne anti-IVG intervient après que le sujet du droit à l’avortement a brutalement été remis dans le débat public par la révocation de l’arrêt Roe V. Wade aux Etats-Unis, fragilisant le droit à l’avortement dans le pays. Pour Mélanie Vogel, sénatrice écologiste des Français de l’étranger et auteure, à la fin de l’année 2022, d’une proposition de loi pour constitutionnaliser l’IVG, cette campagne est « la preuve qu’on n’aura jamais définitivement gagné contre les anti-choix. C’est un mouvement qui existe dans tous les pays européens et dont le lobbying s’intensifie et se structure. L’histoire que l’on se raconte parfois, que la France serait moins touchée que certains pays par ce lobbying, est fausse ».

Constitutionnalisation de l’IVG : « Il faut vraiment le faire maintenant »

Le sujet avait rythmé le début de l’année 2023, avec l’adoption par l’Assemblée nationale puis par le Sénat, en février, d’une proposition de loi visant à inscrire l’IVG dans la Constitution, puis l’annonce par Emmanuel Macon le 8 mars qu’il intégrerait cette dimension dans son prochain projet de loi Constitutionnel. Mais depuis plusieurs mois, la constitutionnalisation de l’IVG ne fait plus parler d’elle. Cette campagne illégale, à rebours de son ambition, relance donc l’attention autour de cette question.

Avant la découverte de la campagne anti-IVG, la députée socialiste Fatiha Keloua Hachi avait bien interrogé, lors des questions au gouvernement du 23 mai, la Première ministre sur l’avenir de la promesse présidentielle. C’était alors Éric Dupond-Moretti, le ministre de la Justice, qui lui avait répondu : « Ne soyez pas impatiente, ça arrive ».

La réponse n’avait pas satisfait, et la question est posée à nouveau ce matin, notamment par Mélanie Vogel et Laurence Rossignol. Dans un communiqué de presse, publié cet après-midi, cette dernière alerte : « Face à la montée de l’extrême droite et la virulence des anti-choix, le Président de la République doit cesser de procrastiner et présenter un projet de loi constitutionnel au plus vite ».

D’autant que, au vu de cette campagne anti-IVG, le sentiment d’urgence monte. « On est dans un moment charnière où il existe une majorité au Parlement pour mieux protéger le droit à l’IVG, mais on ne sait pas pour combien de temps », s’inquiète Mélanie Vogel. « On a un danger qui par nature est toujours là et qui est en train d’augmenter, et une opinion publique largement favorable. Il faut vraiment le faire maintenant. Si le gouvernement ne fait rien cela sera vécu comme une grande trahison », estime-t-elle.

L’association « Les Survivants » aura-t-elle réussi le tour de force d’accélérer le calendrier du projet de loi constitutionnel, en espérant au contraire lutter contre ?

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