L’indemnité des sapeurs-pompiers volontaires revalorisée sur fond de crise des vocations

L’indemnité des sapeurs-pompiers volontaires revalorisée sur fond de crise des vocations

L’indemnisation des sapeurs-pompiers volontaires va être revue à la hausse au mois d’octobre, alors que les Services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) espèrent recruter au moins 50 000 nouveaux volontaires d’ici cinq ans. Interrogé par Public Sénat, le sénateur centriste Pascal Martin, ancien colonel des sapeurs-pompiers, évoque les raisons de la baisse des aspirations malgré l’action du législateur ces dernières années.
Romain David

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En marge du 128e congrès annuel des sapeurs-pompiers, qui se tient à Nancy depuis mercredi jusqu’à samedi, trois arrêtés publiés jeudi au Journal officiel font évoluer la législation relative aux sapeurs-pompiers. Un premier texte fait passer à partir d’octobre le montant de l’indemnité horaire des sapeurs-pompiers volontaires de 8,08 à 8,36 euros de l’heure, de 9,79 à 10,13 euros pour les sous-officiers et de 12,15 à 12,58 euros pour les officiers, soit une hausse moyenne de 3,5 %.

Autre revalorisation enregistrée au Journal officiel, celle de la prestation de fidélisation et de reconnaissance à la retraite, une rente accordée aux volontaires depuis 2005 et dont le montant est déterminé par le nombre d’années de service. Par exemple, pour 20 ans de volontariat, les bénéficiaires toucheront 512 euros en 2022, et 1 024 euros l’année prochaine. La loi Matras du 25 novembre 2021, dont l’un des objectifs était de développer l’engagement chez les sapeurs-pompiers, a fait passer le seuil d’accès à cette indemnité de 20 à 15 ans.

Enfin, la dernière modification entrée en vigueur jeudi concerne les actes de soins que peuvent prodiguer les pompiers. Un arrêté achève d’élargir leurs compétences en la matière - après un premier texte publié en avril -, les autorisant à administrer certains médicaments ou à procéder à certains examens médicaux, comme un électrocardiogramme, mais sous l’aval d’un médecin régulateur du Samu.

Des sollicitations toujours plus nombreuses

Ces différents ajustements interviennent alors que la profession traverse une importante crise des vocations, qu’elle doit concilier avec l’augmentation de ses missions. Cet été notamment, les feux de forêt qui ont dévoré plus de 60 000 hectares dans l’Hexagone ont maintenu les soldats du feu sur le qui-vive. « Nous devons arrêter de parler de ‘saison des feux’ car je peux vous dire que nous intervenons sur des départs de feux depuis le mois de janvier. Autrement dit, malgré une intensité particulière sur certains créneaux, la saison des feux, c’est du 1er janvier au 31 décembre, car la sécheresse est chronique ! », avait expliqué en juin dernier, lors d’une audition au Sénat, Grégory Allione, le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) et directeur départemental du Service départemental d’incendie et de secours (Sdis) des Bouches-du-Rhône. « Les risques liés au changement climatique, qu’il s’agisse des feux de forêt ou des inondations, touchent l’ensemble du territoire métropolitain. Surtout, il faut garder à l’esprit que ce n’est pas parce qu’un feu de forêt éclate que les interventions classiques sont suspendues », abonde auprès de Public Sénat le sénateur centriste Pascal Martin, ancien colonel des sapeurs-pompiers.

Un contexte économique complexe

Aujourd’hui, les pompiers font état d’une « rupture de capacité ». Fin 2020, la France comptait 251 900 sapeurs-pompiers dont 197 100 volontaires, soit près de 80 % des effectifs, selon un décompte des services départementaux d’incendie et de secours. L’enjeu pour le secteur : recruter au moins 50 000 volontaires à l’horizon 2027. « Ce sont deux sapeurs-pompiers volontaires à recruter chaque année par centre de secours, ce n’est pas inaccessible », estime Pascal Martin pour qui la revalorisation de 30 centimes du salaire de base des volontaires était « un minimum ».

Il apparaît difficile toutefois d’aller plus loin sans une intervention de l’Etat, dans la mesure où le financement des Sdis est supporté par les départements et les communes, qui subissent déjà, en cette période d’inflation et de crise énergétique, une importante augmentation de leurs dépenses. « Il faudrait faire jouer la solidarité nationale, à travers une aide aux investissements qui serait accompagnée par l’Etat », explique le sénateur Martin qui estime toutefois que la crise du volontariat ne doit pas être réduite à une question de rémunération. « On ne devient pas pompier pour devenir riche. Les gens qui s’engagent dans cette belle corporation le font parce qu’ils veulent se rendre utiles. »

Recentrer l’engagement sur ses missions premières et favoriser la disponibilité

Or le désintérêt croissant pourrait être aussi  lié à une perte de sens, dans la mesure où les pompiers ont souvent tendance à servir de variable d’ajustement face aux carences des autres services de secours. « La sécurité civile est au fil des années devenue le palliatif universel au recul des différents services publics. Ce phénomène se caractérise par une explosion du secours d’urgence aux personnes et un recul des missions traditionnelles des sapeurs-pompiers telles que la lutte contre les incendies et les feux de forêt », constatait en décembre 2019 un rapport d’information de la commission sénatoriale des lois. La Chambre haute avait recommandé la mise en place de plateformes communes d’appel d’urgence assurant la coordination entre services de santé et sapeurs-pompiers.

Autre enjeu pour les sapeurs-pompiers volontaires : concilier engagement et vie professionnelle. En août dernier, la mission sénatoriale relative à la prévention et à la lutte contre l’intensification et l’extension du risque d’incendie évoquait dans ses préconisations l’instauration d’une réduction des cotisations patronales pour les entreprises, « en contrepartie de la disponibilité de leurs employés et agents exerçant en tant que sapeurs-pompiers volontaires ». « Dans le domaine de l’attractivité, il va falloir faire preuve d’originalité : réductions de trimestres, facilités pour les étudiants... ce sont autant de pistes à poser sur la table », relève Pascal Martin.

Lutter contre les violences

Autre point pouvant affecter le recrutement des volontaires : l’augmentation des agressions contre les sapeurs-pompiers pendant les interventions. « Les différents gardes des Sceaux ont sensibilisé les Parquets à ce problème. Les Sdis portent systématiquement plainte », assure le sénateur Pascal Martin. En mars 2019, le Sénat a adopté une proposition de loi portée par Patrick Kanner, le président du groupe socialiste, permettant aux pompiers de porter plainte de façon anonyme afin de limiter le risque de représailles. Le texte attend désormais d’être examiné par l’Assemblée nationale.

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