« J’ai presque 60 ans de banditisme », relate Milou, ancien membre de la French Connection devant les sénateurs

Ce lundi, la commission d’enquête sur le narcotrafic auditionnait Emile Diaz, dit « Milou », un ancien membre de la French Connection, une organisation criminelle à la tête du trafic d’héroïne qui a eu lieu entre Marseille et les Etats-Unis des années 1950 jusqu’aux années 1980. Les sénateurs ont pu l’interroger sur l’état actuel du trafic de drogue ainsi que sur les potentielles solutions pour y remédier.
Camille Gasnier

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Ce n’est pas tous les jours que le Sénat auditionne un ancien acteur du trafic de drogue. Le dénommé « Milou » se présente tout de suite : « j’ai presque 60 ans de banditisme. J’ai commencé à 8 ans. ».

« La French Connection, c’était des navigateurs, pas des grands bandits. »

Au cœur du Palais du Luxembourg, Emile Diaz, qui se présente comme « le dernier de la French Connection », raconte les origines de cette organisation criminelle et de l’héroïne « made in Marseille ». Sans nommer les noms de Paul Carbone, François Spirito, Dominique Albertini ou Joseph Cesari, les initiateurs et premiers chimistes de ce trafic, il rapporte que « La French Connection, c’était des anciens navigateurs qui ont commencé à trafiquer au Vietnam qui ont vendu de la drogue aux ViêtCongs avec l’accord tacite du gouvernement français. Lorsqu’ils sont rentrés en France, ils se sont mis aux cigarettes. Après les cigarettes, comme cela rapportait moins, ils ont décidé de se mettre à l’opium, à la morphine base, puis à l’héroïne […]. De cela en est sorti la meilleure marchandise du monde : l’héroïne à 98 %. ».

 

Un avenir incertain et une nouvelle génération plus dangereuse que celle d’avant

L’ancien trafiquant affirme devant la commission d’enquête du Sénat être inquiet face à l’avenir qui attend notre société : « J’ai accepté de venir ici, car je m’aperçois que l’avenir est sombre. » Un avenir incertain que « Milou » a évoqué de nombreuses fois durant son intervention.

Il souligne tout d’abord que la nouvelle génération de délinquants est plus beaucoup plus dangereuse que celle qu’il a connue. Une jeunesse qui, selon lui, semble adhérer de plus en plus tôt à la délinquance : « Aujourd’hui, les jeunes rentrent directement dans le banditisme. ». Il fait d’ailleurs à maintes reprises des comparaisons avec sa génération : « Nous avions des codes, nous étions 10 000, eux, ils sont 100 000. Les vieux nous éduquaient et nous disaient ce qu’il fallait faire et ne pas faire. Il y avait une espèce de graduation […] A 16 ans, ils tuent des gens, nous à 16 ans, on calculait comment voler dans les supermarchés. ».

Mais l’ancien membre de la French Connection considère qu’il y a une solution pour remédier à cela : l’éducation. Il signale l’importance de la lecture et de l’intégration en prison : « Les jeunes, il faut les obliger à lire en prison. Si on les oblige à lire, ils seront moins violents, moins fous. ».

Des sommes colossales en circulation : « J’ai vu des gens dépenser 30 000 euros en une nuit. »

Le rapporteur de la commission Etienne Blanc a ensuite mis en avant le bénéfice colossal qui émane du trafic de drogue en France. Le sénateur LR a, en effet, affirmé qu’« En France, on estime entre 4 à 6 milliards d’euros le produit du trafic de drogues. », en considérant qu’il s’agit bien « d’une masse considérable. ». A cela, Emile Diaz répond : « J’ai vu des gens dépenser 30 000 euros en une nuit. Le liquide, c’est facile à véhiculer. ». Le rapporteur de la commission s’étonne de la facilité avec laquelle « Milou » évoque cette circulation d’argent liquide. L’ancien bandit s’amuse devant les sénateurs : « Vous vous avez votre vision carrée des choses […] si on a un bon comptable, on lui donne l’argent et lui, il se débrouille. ».

Il tempère néanmoins ses propos. Selon lui, peu de ces trafiquants navigateurs se sont enrichis avec le trafic d’héroïne : « Seuls 5 à 8 % se sont enrichis […] les autres ont flambé et ont perdu leur commerce dans les casinos. ». Il rajoute : « Il y en avait un que j’ai connu qui allait au Martinez à Cannes qui payait en liquide à l’année. ».

Questionné sur les sommes en circulation et sur le blanchiment pouvant en découler, l’ancien trafiquant a mis l’accent sur le lien entre consommateur et trafiquant de drogue : « S’il n’y avait pas de consommateurs, il n’y aurait pas de trafiquants. ». Des consommateurs dont Emile Diaz fait le portrait : « Des couples de bobos. », ce que la sénatrice socialiste Marie-Arlette Carlotti réfute : « Ce ne sont pas que les bobos qui prennent de la cocaïne, ça s’est démocratisé. »

Un lien entre la puissance publique et trafic de drogue : « Sans la corruption, il n’y a pas de trafic. »

Un autre fondement du trafic de drogue : la corruption. Interrogé par le président de la commission d’enquête Jérôme Durain sur le rapport entre la puissance publique et le trafic de drogue et plus spécifiquement sur le délit de corruption, Emile Diaz répond : « Sans la corruption, il n’y a pas de trafic, le trafic est basé sur la corruption. ». Il précise même qu’elle se situe à tous les niveaux, aussi bien au sein de l’administration pénitentiaire qu’au sein des douanes.

Néanmoins, bien qu’interpellé sur l’existence d’actions criminelles exécutées sous la menace, sur la criminalité forcée, Emile Diaz affirme que cela n’existe pas : « Moi, je ne connais pas ce que vous dites. Ce sont des films. ».

La nécessaire coordination des douanes au niveau européen

Sur la police, Emile Diaz est clair. Il affirme que la police s’est « fonctionnarisée. ». De sa dernière rencontre avec des policiers il retient une chose : « La dernière fois qu’ils m’ont interpellé, je me suis dit : d’où ils sortent, du Club Méditerranée ? ».

Néanmoins, l’ancien bandit finit son intervention sur une préconisation pour lutter contre le narcotrafic. Il affirme qu’il est indispensable d’augmenter le nombre de douaniers et de renforcer la coordination douanière en Europe : « S’il n’y a pas de coordination en Europe, attendez-vous à des lendemains difficiles. ».

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