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IVG dans la Constitution : au Sénat, l’issue du vote incertaine

Le Sénat avait surpris, en février dernier, en adoptant une proposition de loi visant à inscrire l’IVG dans la Constitution. Depuis, le gouvernement a présenté un projet de loi constitutionnelle, reprenant à un détail près la formulation du Sénat, afin de le soumettre au vote du Congrès début mars. Seul grain de sable dans les rouages : l’éventualité d’une adoption en termes différents par l’Assemblée nationale et le Sénat. Alors que la Chambre basse commencera l’examen en séance du texte le 24 janvier, au Sénat, personne ne peut prédire quelle sera l’issue du vote.
Mathilde Nutarelli

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Dimanche dernier avait lieu l’annuelle « marche pour la vie », quelques jours avant l’examen en séance à l’Assemblée nationale du projet de loi constitutionnelle pour inscrire l’avortement dans la Constitution. Si son issue, dans la Chambre basse, ne fait que peu de doutes, au Sénat, la situation est toute autre. Et pour cause, Gérard Larcher, son Président, a réaffirmé le 23 janvier, son opposition à titre personnel à cette mesure. Au micro de France Info, il s’est dit opposé à ce que la Constitution ne devienne un « catalogue de droits sociaux et sociétaux ».

Constitutionnalisation de l’IVG : une affaire au long cours

La constitutionnalisation de l’IVG est une série à plusieurs saisons. La dernière avait vu en février 2023 une proposition de loi issue du groupe Insoumis à l’Assemblée nationale adoptée par le Sénat, dans une version largement réécrite par un amendement du sénateur LR Philippe Bas. A l’époque, cette issue était plus qu’improbable. En effet, la majorité sénatoriale, composée des LR et des centristes, se montrait opposée à la constitutionnalisation d’un droit qu’elle ne considérait pas menacé en France. Pourtant, Philippe Bas, ancien collaborateur de Simone Veil, avait apporté la solution qui avait permis à la Chambre haute d’adopter la proposition de loi à 166 voix pour et 152 voix contre : un amendement réécrivant entièrement le texte. Il est ainsi passé de l’introduction à l’article 66-2 de la Constitution de la phrase « La loi garantit l’effectivité et l’égal accès au droit à l’interruption volontaire de grossesse » à l’ajout à l’article 34-17 de la phrase « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse ». Les associations féministes y avaient vu une victoire au rabais, car la nouvelle formulation est moins contraignante, mais une victoire quand même.

Le gouvernement s’est ensuite saisi, après plusieurs mois de réflexion, du texte adopté par le Sénat. Il se dirige ainsi vers une modification de la Constitution par une réunion du Congrès, possible uniquement si un texte présenté par l’exécutif, un projet de loi, est adopté en termes conformes pas les deux Chambres. Une formulation avait été travaillée par le gouvernement en bonne intelligence avec les parlementaires, pour aboutir à une formulation qui se voulait proche de celle du Sénat. Le texte qui en est sorti prévoit d’ajouter, à l’article 34-17 de la Constitution la phrase « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ». Une version marginalement différente de celle de Philippe Bas.

La majorité sénatoriale toujours pas convaincue

Le vote conforme semblait possible. A tel point qu’une date avait déjà été évoquée par Aurore Bergé pour le Congrès, le 5 mars 2024, soit trois jours avant la journée internationale des droits des femmes. En réalité, la situation n’est pas si certaine.

Le texte du projet de loi censé être consensuel ne l’est finalement pas tant que ça. C’est un petit mot, « garantie », qui pèse beaucoup et en gêne certains. « Pour un certain nombre d’entre nous, ‘la liberté garantie’, cela veut dire un droit », justifie Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, lui-même opposé à cette constitutionnalisation, « et ici ça n’est pas du tout le sens de ce qui avait été discuté il y a quelques mois ». « Nous avions fait un pas majeur en votant, à une majorité très faible cette formulation, dernièrement. Aujourd’hui, la donne est reposée avec cette nouvelle proposition, nous l’examinerons », confirme Agnès Canayer, sénatrice rattachée au groupe LR et proche d’Edouard Philippe, rapporteure de la proposition de loi adoptée au Sénat.

Et si ce n’est pas un mot, c’est une méthode, qui déplaît fortement aux sénateurs LR. La date de Congrès déjà annoncée par le gouvernement, alors qu’il ne doit avoir lieu qu’une fois le texte adopté en termes conformes par les deux Chambres, est vécue comme un mépris du Sénat. Le patron des sénateurs LR est catégorique : « Le gouvernement, en plaçant possiblement le Congrès début mars, alors que l’examen du Sénat sera à la fin du mois de février, postule qu’il y aura un alignement docile du Sénat sur l’Assemblée nationale. Ce n’est pas ça le travail. Dès lors qu’il s’agit de la Constitution, les deux Chambres sont à égalité, le Sénat est à égalité en termes de pouvoir, de droits, vis-à-vis de l’Assemblée nationale ».

Des prétextes afin de masquer une opposition à la constitutionnalisation de l’IVG ? Le doute plane quant au vote à venir des LR qui avaient soutenu l’amendement Bas en février 2023. « Voter pour une liberté, mais contre le fait qu’elle soit garantie n’a aucun sens », juge Mélanie Vogel, sénatrice écologiste des Français de l’étranger et elle-même autrice d’une proposition de loi pour inscrire l’IVG dans la Constitution. « On a donc du mal à imaginer des sénateurs ayant voté pour la loi en février dernier justifier de ne pas voter la version proposée par le gouvernement, sauf au nom de tactiques politiciennes de bas étage, totalement inappropriées au vu des enjeux dont on parle », estime-t-elle.

Personne ne peut prédire l’issue du vote

L’affaire semble donc plus compliquée que prévu. D’autant qu’en février dernier, c’est à une très courte majorité que le texte avait été adopté au Sénat. L’une des causes de l’incertitude est que sur ces sujets, les groupes laissent la liberté de vote à leurs membres. Hervé Marseille, président du groupe centriste et opposé à titre personnel à cette constitutionnalisation, est prudent, mais pour lui, « il y a des chances non négligeables que cela passe ». Annick Billon, sénatrice centriste de la Vendée et ancienne présidente de la délégation aux droits des femmes, qui est favorable à une inscription du droit à l’IVG dans la Constitution, elle, ne se prononce pas sur l’issue du vote. « Le président du Sénat et les deux présidents des groupes de la majorité sénatoriale s’y opposent, cela risque de compter pour certains collègues de la majorité », analyse-t-elle. Mais c’était déjà le cas lors de l’adoption de la proposition de loi de février dernier. Annick Billon avait alors publiquement défendu la constitutionnalisation de l’avortement, et assume son désaccord avec Gérard Larcher : « Personnellement, j’estime que le droit à l’IVG n’est pas un droit comme les autres et qu’il ne fait pas partie d’un pack d’autres droits sociaux. C’est un droit fondamental ».

Autre source d’incertitude sur l’issue du scrutin : la composition du Sénat, qui a légèrement changé après les élections sénatoriales de septembre 2023. La majorité sénatoriale en est sortie un peu affaiblie, alors que la gauche a gagné quelques sièges, suffisamment pour semer le doute sur l’issue du vote.

Sur le sujet, chacun au Sénat voit midi à sa porte. Mais l’attente ne sera que de courte durée, le texte doit arriver fin février devant les sénateurs.

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