Il y a un mois, lors d’une table ronde organisée au Sénat par la mission sur la prévention et la lutte contre le risque incendie, Christian Pinaudeau, ancien secrétaire général du Syndicat des sylviculteurs du Sud-Ouest rappelait aux élus : qu’à l’exception de la forêt de Gascogne (Nouvelle-Aquitaine), il n’y a pas de politique de prévention systématique » sur le territoire. Une politique de prévention, qui rappelait-il, portait ses fruits « dans le Sud-Ouest, où il y a 2 500 départs de feu par an pour 2000 hectares de brûlés ». « En PACA, ce sont 650 départs de feux par an pour beaucoup plus d’hectares brûlés », comparait-il.
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« Les forêts entretenues sont les plus résilientes »
Quelques semaines plus tard il est démenti par deux incendies, le premier dans la forêt de la Teste-de-Buch, sur le bassin d’Arcachon, et un autre dans les terres, autour de Landiras. 14 000 hectares ont été détruits en une semaine. 8.000 personnes sont en cours d’« évacuation préventive » dans le bassin d’Arcachon.
Au Sénat, la mission d’information sur « le contrôle relatif à la prévention et à la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie » rendra ses préconisations dans quelques semaines. Sans déflorer le suspense, Anne-Catherine Loisier rapporteur centriste de la mission et gestionnaire de forêts de formation, confie auprès de publicsenat.fr. « Il y aura bien sûr un volet anticipation dans nos recommandations. Les forêts entretenues sont les plus résilientes. Renforcer la gestion et la surveillance à l’échelle de chaque massif forestier, c’est le meilleur moyen de protéger la forêt et les habitations ».
En quoi consiste la gestion forestière ?
Les forêts publiques sont soumises aux règles du régime forestier. C’est l’ONF (L’Office national des forêts) qui assure la gestion des forêts communales en partenariat avec les élus des communes concernées. Pour les forêts privées, en dessous de 25 hectares, les propriétaires doivent respecter le code de bonnes pratiques sylvicoles (CBPS). Au-dessus de 25 hectares, forêts sont soumises aux plans simples de gestion (PSG). Ces plans réglementent notamment la coupe de bois, et les travaux à effectuer pour une gestion durable.
Une sénatrice écologiste mise en cause
« Il faudrait engager la responsabilité de ceux qui déclarent qu’il faut laisser faire la nature en forêt », avait dénoncé Christian Pinaudeau devant les sénateurs le mois dernier.
La responsabilité de la sénatrice écologiste de Gironde, Monique de Marco n’a pas été engagée, mais elle a été au cœur d’une polémique sur les réseaux sociaux, ce week-end. Il y a un an presque jour pour jour, l’élu du Sud-Ouest avait interpellé le gouvernement sur la mise en place d’un plan de gestion d’un propriétaire privé de la forêt de la Teste-de-Buch. Ce plan facilitait la coupe de bois. Or, comme le rappelait la sénatrice, la forêt de la Teste-de-Buch est régie par une vieille convention du XVème siècle dénommée « baillettes et transactions » qui « permet la conservation des habitats de la faune faisant de cette forêt usagère un écosystème riche ».
Le gouvernement avait alors suspendu le plan de gestion et engagé une mission d’inspection. Il n’en fallait pas plus pour lier l’incendie de la Teste-de-Buch au manque d’entretien de la forêt et donc à la responsabilité de la sénatrice. « Je ne comprends pas très bien pourquoi on me tombe dessus. La députée de la majorité, Sophie Panonacle, avait fait la même demande », souligne l’élue contactée par publicsenat.fr. Elle rappelle également que l’incendie de la Teste-de-Buch est d’origine humaine, causé par un véhicule qui empruntait un chemin forestier. Enfin, Monique de Marco insiste sur les conclusions de la mission d’inspection remises au mois de mai qu’elle estime « compatible avec l’évolution naturelle de la forêt usagère permettant la préservation de sa biodiversité exceptionnelle ».
Le rapport jugeait, toutefois, urgent « l’abattage des arbres gênant la circulation des véhicules d’incendie et de secours ». Or ces travaux effectués au titre de la « Défense de la forêt française contre les incendies » (DFCI), initialement prévus fin 2021, n’avaient pas eu lieu en raison du recours de l’Association de défense des droits d’usage et de la forêt usagère (Addufu).
Pour comprendre les différentes raisons de ces « mégafeux » qui sévissent en Gironde depuis 7 jours, on peut encore une fois se référer à la table ronde organisée par la mission d’information le 15 juin dernier.
OLD et « état hydrique des végétaux »
« Les obligations légales de débroussaillements (OLD) sont insuffisamment mises en œuvre. Ce sont des facteurs clés pour réduire les sollicitations thermiques aux voisinages des bâtiments », expliquait François Pimont, ingénieur de recherche à l’Inrae. Les OLD sont imposés, selon des zones définies par les préfets, aux propriétaires d’habitations proches des bois et forêts.
Enfin, François Pimont avait mis l’accent sur « l’état hydrique des végétaux ». « Finalement, c’est ça le facteur déterminant […] c’est ce qui va déterminer la virulence des feux ». Et l’accent avait d’ailleurs été mis ce jour-là sur la zone Sud Est où était évaluée à 80 % l’augmentation des surfaces brûlées d’ici 2050 ».
Colonel de sapeur-pompier de formation, le rapporteur (centriste) de la mission, Pascal Martin confirme la comparaison entre les deux zones du sud de la France : « La géographie du Sud-Ouest est plus facile d’accès. C’est plus plat. Il n’y a quasiment qu’une seule espèce, le pin et il y a de nombreuses pistes DFCI pour accéder aux forêts ».
Mais « avec le manque d’eau et les fortes chaleurs qui s’enchaînent depuis des années, c’est un effet cumulatif qui a affaibli les arbres et qui produit les feux que connaît actuellement la Gironde », constate Anne-Catherine Loisier.