Pour le sénateur LR Michel Savin, vice-président de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport, les constats avaient déjà été faits lors de précédents débats au Parlement. De même, alors que le salaire d’Amélie Oudéa-Castéra dans ses précédentes fonctions de patronne de la Fédération française de Tennis est épinglé, les députés se rangent aux recommandations du sénateur Jean-Jacques Lozach, qui avait préconisé en 2020 une grille de rémunération au sein des fédérations sportives. Entretien
5 mois d’auditions, 193 personnes entendues : le travail de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale était-il urgent et nécessaire ?
Si l’objectif était de flécher les dysfonctionnements qui sont sortis dans la presse, cela n’était pas nécessaire. Il s’agit de choses qui avaient déjà été évoquées au Sénat lors des débats autour de la loi « démocratiser le sport en France » adoptée en 2022. L’objectif d’une commission d’enquête est de déboucher sur des mesures concrètes. La démarche des députés et leur présentation des choses ressemblent plutôt à une démarche politique, voire politicienne.
Il serait en revanche nécessaire de faire un travail de contrôle de la loi de mars 2022. C’est tout le sens du pouvoir parlementaire. Certains éléments de cette loi n’ont que trop peu été mis en application. Il serait intéressant de voir comment les fédérations sportives organisent la mise en place des nouvelles directives, comment se déploie le programme Sport-Santé ou la facilitation de l’accès aux équipements sportifs scolaires.
Le rapport de 260 pages pointe du doigt les dérives du mouvement sportif en matière de violences sexuelles et sexistes, de discriminations et de probité. Ce constat est-il une surprise pour vous ?
Nous avons évoqué toutes ces choses lors des débats sur la loi de mars 2022. Je ne pense pas que les choses aient fondamentalement changé en quelques mois. Nous en avions longuement discuté et fait des propositions. Il n’y a donc pas grand-chose de neuf. Nous étions au fait des problèmes d’agression sexuelle, ainsi que des attaques contre la laïcité, que le rapport des députés ne mentionne presque pas.
Le ministère des Sports est accusé d’être défaillant et d’être resté passif face aux dérives. La Fédération française de football (FFF) n’a par exemple fait l’objet d’aucune enquête de l’inspection générale entre 1995 et 2022. Comment l’expliquez-vous ?
Il faut rester vigilants et faire en sorte que les fédérations soient mieux contrôlées, notamment au moment des discussions sur la distribution des subventions. Le ministère doit pouvoir mieux contrôler, mais je fais confiance aux présidents de ces fédérations pour qu’ils mettent eux-mêmes en place des procédures de contrôle. Je ne souhaite pas les accabler. En dehors des fédérations très médiatisées qui font la Une des journaux, beaucoup de présidents sont des bénévoles, qui travaillent sur leur temps libre et font cela par pure passion. Il faut les accompagner et les aider.
L’actuelle ministre Amélie Oudéa-Castéra est visée dans le rapport pour la période où elle dirigeait le tennis français (entre mars 2021 et mai 2022). Son salaire (500 000 euros annuels brut) est pointé du doigt, alors que l’inspection générale avait appelé en février 2022 à « reconsidérer le niveau de rémunération » des cadres de la Fédération. Y-a-t-il eu abus ?
Cela relève de la responsabilité de la FFT. Une décision a été prise au niveau de la fédération, et nous n’en avions pas pris connaissance avant qu’Amélie Oudéa-Castéra ne devienne ministre. Ce niveau de rémunération peut choquer et interpeller. Mais il y a certains postes qui au niveau d’une fédération nécessitent des compétences particulières et un investissement à plein temps. Le juste salaire doit être déterminé au niveau de chaque fédération. Je ne suis pas contre le fait que des responsables soient bien payés, encore faut-il que la rémunération soit en accord avec le budget de la fédération et des compétences du salarié. En l’espèce, sur quelle base la FFT s’est appuyée pour fixer une telle rémunération ? Je ne le sais pas.
Le rapport appelle à un « choc de contrôle, de démocratie et de transparence », et préconise la mise en place d’une « autorité administrative indépendante » d’éthique et de contrôle. Y êtes-vous favorable ?
Aucune nouvelle mesure ne doit être prise en l’état. Il ne faut pas empiler des normes sur des normes. Faisons déjà appliquer les lois qui ont été votées. S’il y a des dysfonctionnements, notre rôle de parlementaire est de les corriger, mais pas en ajoutant encore des règlementations. Une autorité administrative indépendante ne servirait à rien. La transparence et l’éthique sont des éléments essentiels, mais je compte sur les présidents de fédérations pour agir sur ces sujets.
Les polémiques autour d’Amélie Oudéa-Castéra se succèdent depuis une dizaine de jours. Peut-elle rester à son poste ?
Je veux bien croire que la ministre a beaucoup d’énergie. Elle est en charge de l’Education nationale, de la Jeunesse, des Sports, des Jeux olympiques et des Jeux Paralympiques. Comment va-t-elle faire pour gérer tous ces dossiers en même temps ? Elle ne peut pas être à 100 % sur l’Education, à 100 % sur la Jeunesse, à 100 % sur les Sports et à 100 % sur les JO ! Je ne veux pas que le sport soit une variable d’ajustement, alors que l’on sait que le gros sujet aujourd’hui est l’éducation. Tout cela est très contradictoire, à l’image de ce gouvernement.