Une proposition loin de faire consensus. Le ministre de la Justice Gérald Darmanin a annoncé lundi 28 avril vouloir « modifier la loi » afin de faire « contribuer » les détenus à leurs frais d’incarcération. « Jusqu’à 2003, les détenus participaient aux frais d’incarcération », a replacé le garde des Sceaux, lors d’un entretien accordé au 20H de TF1. « Comme il y a un forfait hospitalier, il y avait un forfait de présence dans la prison. Je vais rétablir ces frais d’incarcération. » Selon lui, les détenus pourraient ainsi permettre de participer à une partie du financement du fonctionnement des prisons, estimé à « près de 4 milliards d’euros par an ».
Invité de Public Sénat ce mardi, le sénateur socialiste de Saône-et-Loire Jérôme Durain dénonce fermement cette proposition. « S’il s’agit d’être sur le podium des idées à la noix, là, je crois qu’on est pas mal », a-t-il ironisé, comparant le projet à celui d’envoyer les personnes placées sur obligation de quitter le territoire français (OQTF) dans l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, comme évoqué par le député LR Laurent Wauquiez. Avec cette suggestion, « on est dans la démagogie la plus caricaturale », poursuit l’élu. « Il y a quelque chose de vicié dans le débat public, une forme de surenchère sécuritaire qui tourne parfois au ridicule. Malheureusement, la proposition du garde des Sceaux s’inscrit dans ce cadre-là. »
Financer les prisons, « c’est le travail de la nation »
Selon Jérôme Durain, faire payer aux détenus une partie de leurs frais d’incarcération reviendrait à un aveu d’échec pour les autorités. « L’État régalien, c’est quoi ? C’est d’abord assurer la sécurité des populations. Un État qui n’est même plus en capacité de garantir qu’on peut emprisonner ceux qui ont été délinquants ou criminels, il ne fait pas son boulot. On ne va pas aller faire les poches des détenus pour financer leur incarcération. C’est le travail de la nation, ça », argumente-t-il. Gérald Darmanin a précisé qu’il allait soutenir une proposition de loi intégrant cette idée, qui sera bientôt examinée à l’Assemblée nationale.
Co-rapporteur avec le sénateur (LR) du Rhône Etienne Blanc de la proposition de loi sur le narcotrafic, Jérôme Durain imagine plutôt la création d’éventuelles nouvelles « peines complémentaires, des amendes, des saisies, des confiscations de biens ». « D’ailleurs, on le propose » dans le texte législatif sur le trafic de drogue, rappelle-t-il. Celui-ci a été facilement adopté lundi au Sénat. Il devrait en être de même ce mardi à l’Assemblée nationale. Seuls les députés LFI sont opposés à cette proposition sénatoriale. Gérald Darmanin et le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, lui ont en revanche tous deux apporté leur soutien. Le texte sera adopté définitivement par le Parlement cet après-midi.