Suite à trois recours déposés contre le choc des savoirs, dont un par la sénatrice écologiste Monique de Marco, le rapporteur public du Conseil d’Etat demande d’annuler la mise en place des groupes de niveau au collège, soit le cœur de la réforme portée par Gabriel Attal. S’il faut encore attendre la décision du Conseil d’Etat, son avis pourrait être suivi.
Homicide routier, suspension automatique du permis, perte de points… Les annonces d’Élisabeth Borne sur la sécurité routière
Par Romain David
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Le calendrier a été judicieusement choisi : au début de la période estivale, à quinze jours du grand chassé-croisé entre juillettistes et aoûtiens. La Première ministre Élisabeth Borne a annoncé ce lundi 17 juillet, à l’issue d’un comité interministériel dédié à la sécurité routière, la création d’un délit d’« homicide routier ». Cette disposition, point d’orgue d’une série de mesures pour mieux lutter contre la mortalité sur les routes, était dans les tuyaux depuis plusieurs mois. Elle était réclamée de longue date par les associations de familles de victimes. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, l’avait évoquée une première fois dans un entretien accordé au Journal du Dimanche en février, réagissant à l’affaire Pierre Palmade. Trois mois plus tard, le débat avait été relancé par la mort de trois policiers à Villeneuve-d’Ascq, percutés par un chauffard qui avait consommé de l’alcool et de la drogue.
« Nous allons créer une qualification spécifique d’homicide routier. Tout conducteur qui tue une personne sur la route, et serait poursuivi aujourd’hui pour homicide involontaire, sera poursuivi demain pour homicide routier. Cette dénomination s’appliquera que le conducteur ait consommé ou non de l’alcool ou des stupéfiants », a expliqué la cheffe du gouvernement lors d’un point presse. Les sanctions administratives pour conduite sous stupéfiants seront renforcées, avec un retrait de huit points contre six points aujourd’hui et une suspension automatique du permis de conduire. Parmi les autres mesures présentées : la création d’un stage obligatoire en cas de conduite sous stupéfiants, l’amélioration de l’éducation routière des plus jeunes au collège, et la mise en place d’un accompagnement dédié pour les familles de victimes dans chaque département. Certains dispositifs avaient déjà été annoncés, comme le lancement d’un permis dématérialisé en complément du permis physique ; la suppression, à partir du 1er avril 2024 de la vignette assurance verte, ou encore la fin du retrait de points pour les excès de vitesse de moins de 5km/h.
Le poids des mots
D’un point de vue législatif, l’homicide routier ressort surtout d’un changement sémantique. Si les sanctions administratives pour conduite sous stupéfiants sont revues à la hausse, la nouvelle qualification ne s’accompagnera pas de la mise en place d’un régime de sanctions pénales particulier ou d’une augmentation du quantum des peines déjà prévues pour les cas d’homicides involontaires.
L’article L. 221‑6‑1 du Code pénal prévoit 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende « lorsque la maladresse, l’imprudence, l’inattention, la négligence ou le manquement à une obligation législative ou réglementaire de prudence ou de sécurité […] est commis par le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur ». L’automobiliste responsable de l’accident tombe sous le coup de circonstances aggravantes s’il a consommé des stupéfiants, ou s’il présente un taux d’alcool supérieur aux limites autorisées. Dès lors, les peines peuvent être portées à sept ans de prison et 100 000 euros d’amendes, voire dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende, si plusieurs circonstances aggravantes viennent s’additionner.
La qualification d’homicide routier vise d’abord à rendre plus supportable pour les victimes et les familles les situations où le conducteur a sciemment pris le volant après avoir consommé des produits susceptibles d’altérer son jugement et ses réflexes. « Il n’y a rien d’involontaire à consommer des stupéfiants et de l’alcool, les gens qui sont victimes de cela sont dans un désarroi total lorsqu’on leur annonce que le conducteur sera jugé pour homicide involontaire », a défendu le garde des Sceau, Éric Dupond-Moretti, ce lundi. À travers ce qualificatif, la loi prend donc en compte le caractère inacceptable d’un tel délit. Ce que d’aucuns, toutefois, ont pu considérer comme un brouillage dangereux entre « infraction volontaire » et « infraction involontaire », deux notions qui structurent le droit pénal français.
« En supprimant le qualificatif ‘involontaire’, on élargit la notion, tant et si bien qu’elle pourrait être appliquée à de nombreux autres cas de figure », nous faisait remarquer il y a quelques mois le sénateur PS Jean-Louis Fichet, qui a longuement travaillé sur les questions de sécurité routière à la Chambre haute. Mais pour sa collègue LR Alexandra Borchio-Fontimp, co-auteure d’une proposition de loi « pour une meilleure prévention des violences routières », qui porte la notion d’homicide routier, la frontière reste claire : « En droit, chaque mot à un sens. Volontaire, involontaire, routier… ces mots ne veulent pas dire la même chose. Il s’agit de reconnaître que l’acte n’est pas purement accidentel. De par son comportement, le conducteur ne peut ignorer qu’il transforme son véhicule en machine à tuer », observe-t-elle.
Le risque de la coquille vide
Auprès de Public Sénat Julien Thibault, président de l’association Victimes & Citoyens, alerte sur le risque du simple effet d’annonce. « On a le sentiment d’une annonce creuse qui manque d’audace. Cette mesure ne changera rien en matière de sécurité routière et de politique pénale s’il n’y a pas d’autres dispositifs d’accompagnement. La reconnaissance de l’homicide routier doit être un tremplin à une réflexion plus large sur les conduites addictives », pointe-t-il.
Si Julien Thibault estime que le renforcement des sanctions administratives va globalement dans le bon sens, il alerte sur les limites de la suspension du permis de conduire, « au regard du nombre de conducteurs qui prennent le volant sans permis ». Par ailleurs, ce tour de vis ne s’applique qu’à la consommation de stupéfiants. « Un combat se lance contre la drogue au volant, mais il ne faudrait pas oublier que l’on a plus d’accidents causés par l’alcool aujourd’hui », relève-t-il.
« On ne pourra pas se consoler d’une simple mesure sémantique », avait averti la sénatrice Alexandra Borchio-Fontimp auprès de Public Sénat quelques heures avant la conférence de presse d’Elisabeth Borne. « Il y a deux sujets, celui de l’applicabilité des peines et de l’indemnisation des victimes. Les peines prévues par la loi sont déjà conséquentes, mais elles ne sont que très rarement appliquées », observe-t-elle. Le texte qu’elle a cosigné avec le sénateur LR Laurent Somon propose notamment de limiter le recours aux aménagements de peine pour les conducteurs condamnés à de la prison ferme. « En ce qui concerne les indemnisations, le processus est souvent long et complexe. C’est une double peine pour les familles. Nous avons besoin de simplification dans ce domaine », ajoute-t-elle.
Élisabeth Borne a expliqué vouloir agir rapidement, mais si le gouvernement choisit de passer par un projet de loi pour modifier le Code pénal, l’homicide routier pourrait ne pas voir le jour « avant 2024 », la rentrée parlementaire étant généralement encombrée par les textes budgétaires de l’automne, note Alexandra Borchio-Fontimp. En revanche, l’exécutif pourrait gagner un peu de temps en s’appuyant sur certaines initiatives parlementaires. Outre le texte du Sénat, une proposition de loi a été déposée auprès du bureau de l’Assemblée nationale par la majorité présidentielle mi-juin, ce texte, néanmoins, prévoit d’alourdir l’échelle des peines.
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