Droit à l’avortement menacé : « Les Etats-Unis sont ramenés au Moyen-Âge », alerte Nicole Bacharan

Droit à l’avortement menacé : « Les Etats-Unis sont ramenés au Moyen-Âge », alerte Nicole Bacharan

La Cour suprême des Etats-Unis est sur le point d’annuler un arrêt de 1973 qui reconnaissait le droit à l’avortement dans la Constitution. Pour l’historienne et politologue spécialiste des Etats-Unis, Nicole Bacharan, « plus de la moitié des Etats vont prendre des règles très restrictives » Interview.
Simon Barbarit

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Le site d’information Politico a révélé un projet de décision de la Cour Suprême qui annule l’arrêt Roe v. Wade de 1973. Cet arrêt de la Cour Suprême inscrit le droit à l’avortement dans la Constitution américaine. Comment ce revirement est-il possible ?

Rappelons d’abord que la Cour suprême est la gardienne de la Constitution. C’est-à-dire qu’elle est amenée à dire le sens de ce texte qui date de 1789. Elle décide si une loi ou une décision de justice est conforme à la Constitution. Dans son arrêt Roe v. Wade de 1973, la Cour Suprême a jugé le droit à l’avortement comme étant garanti par la Constitution car il relève de la vie privée, une liberté protégée par le texte fondateur.

Dans quel contexte, cet arrêt avait été rendu ?

C’était les années 70. L’ambiance était tout autre. La religion était moins présente dans la sphère publique. Les Etats-Unis étaient en pleine vague féministe. Mais ce n’est pas une décision qui a été acquise facilement. Il a fallu des années de militantisme. Depuis, les cercles conservateurs n’ont cessé de militer pour renverser cette décision.

>> Lire notre article Droit à l’avortement. Emmanuel Macron souhaite l’intégrer à la Charte des droits fondamentaux de l’UE

Et visiblement, ils y sont parvenus

Pendant longtemps, cette tâche a semblé impossible et puis les Etats conservateurs ont trouvé plusieurs stratégies pour remettre en cause petit à petit le droit à l’avortement. Ils ont grignoté les délais pour avoir recours à l’IVG. Au Texas, depuis quelques mois, une loi limite le droit à l’avortement aux six premières semaines. Cette loi est toujours en vigueur, la Cour suprême a estimé qu’elle ne troublait pas l’ordre public. D’autres Etats compliquent la tâche des cliniques qui pratiquent l’avortement, en leur imposant, par exemple, un accès direct à un hôpital au nom de la protection de la vie de la mère. Beaucoup de cliniques ont fermé à cause de ces réglementations.

La décision que s’apprête à prendre la Cour Suprême était donc attendue

Elle était redoutée et je ne vois pas ce qui pourrait l’empêcher. Sous son mandat, Donald Trump a nommé à la Cour Suprême trois juges anti avortement. Ils sont désormais six juges conservateurs pour trois libéraux. Je trouve ça tellement choquant. Les Etats-Unis sont ramenés au Moyen âge.

>> Lire notre article Droit à l’avortement. Malgré l’opposition du Sénat, le texte sur l’allongement des délais d’IVG définitivement adopté par le Parlement

Selon Politico, la Cour Suprême devrait rendre sa décision le 30 juin. Que va-t-il alors se passer à cette date ?

Avec cette décision, le droit à l’avortement n’est plus garanti par la Constitution. Ce sera laissé à la libre appréciation des Etats. Sans aller jusqu’à l’interdiction de l’avortement, parce que c’est quand même compliqué de ne pas prendre en compte la santé de la mère, le viol et l’inceste, plus de la moitié des Etats vont prendre des règles très restrictives. Cela va concerner tout le Sud des Etats-Unis, toute l’ancienne confédération. Ça va remonter jusqu’à certains Etats des rocheuses et l’Indiana, un Etat de grande tradition raciste. En Indiana, ils pourraient aller jusqu’à l’interdiction. Dernièrement un projet de législation a interdit l’avortement même lorsque la santé de la mère est menacée.

Dans la même thématique

Illustration: justice tibunal,administration penitenciaire.
6min

Société

Qu’est-ce que le « contrôle coercitif », cette notion au cœur des débats sur la proposition de loi contre les violences sexuelles ?

L’intégration dans le Code pénal de cette notion, développée dans les années 1970 pour décrire certains aspects des violences conjugales, a nourri de vifs débats au Sénat jeudi 3 avril. Les élus ont renoncé à la faire entrer strico-sensu dans la loi, mais ils s’en sont inspirés pour revoir la définition pénale du harcèlement sur conjoint.

Le

European Union defence : ‘rearming Europe’ project
6min

Société

Kit de survie : « Quand une population est préparée, elle n’est pas en mode panique », salue le sénateur Olivier Cadic

Pour que les populations soient préparées en cas de crise, la Commission européenne conseille aux citoyens d’avoir un « sac de résilience » avec tout ce qu’il faut pour tenir, en cas de catastrophe naturelle… ou de guerre. « Le but n’est pas de faire peur aux gens », soutient le sénateur LR Cédric Perrin, mais « d’anticiper les situations ». La France prépare un livret de survie, sur le modèle suédois.

Le

Droit à l’avortement menacé : « Les Etats-Unis sont ramenés au Moyen-Âge », alerte Nicole Bacharan
4min

Société

« Sur le handicap, le regard de la société a progressé plus vite que celui des institutions » se réjouit Eglantine Eméyé

Mannequin, animatrice de télévision et comédienne. Elle a médiatisé le combat de son second fils Samy, atteint d’autisme sévère, pour alerter sur le manque de prise en charge des enfants handicapés, mais aussi la solitude des mères et des parents. Malgré la disparition de son fils en 2023, elle a décidé de poursuivre le combat. Cette semaine, Rebecca Fitoussi reçoit Eglantine Eméyé dans « Un monde, un regard » sur Public Sénat.

Le