A deux jours de la Journée mondiale de l’avortement et au lendemain de la victoire aux législatives en Italie, du parti post-fasciste, anti avortement, Fratelli d’Italia, le calendrier était opportun pour organiser une table ronde sur l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution.
Pour mémoire, la sénatrice écologiste, Mélanie Vogel a déposé une proposition de loi cosignée par 120 sénateurs de six groupes politiques différents (socialistes, communistes, écologistes, RDSE et RDPI). Ce qui autorise la sénatrice à penser que le texte, examiné en séance publique, le 19 octobre « sera voté ».
Lire notre article. IVG dans la Constitution : « Il faut sécuriser le droit à l’avortement »
« Ce n’est pas une lubie. C’est une question de citoyenneté »
En juin dernier, la décision de la Cour suprême des États-Unis de révoquer le droit à l’avortement de la Constitution a perturbé l’agenda parlementaire français. En l’espace de quelques jours, pas moins de quatre propositions de loi avaient été déposées au Parlement. Au Sénat, les communistes, socialistes et écologistes avaient finalement convenu d’un texte commun. La « niche » parlementaire du groupe écologiste arrivant en premier dans le calendrier, un texte unitaire a été décidé entre les groupes favorables à la constitutionnalisation de l’avortement. « Ma démarche est de porter un texte consensuel », a indiqué la sénatrice.
Presque 50 ans après la loi Veil, pourquoi inscrire ce droit qui ne souffre d’aucune condition en droit français et est remboursé par la Sécurité Sociale, dans le texte fondateur de la Ve République ? « Ce n’est pas une lubie. C’est une question de citoyenneté. Si les femmes ne se voient pas reconnaître la maîtrise de leurs capacités procréatrices, elles sont privées de leur autonomie personnelle de faire des choix sur leur propre vie, sur leur propre corps. Elles sont renvoyées au foyer. Cela en fait des citoyens de seconde zone qui ne peuvent plus travailler. C’est une question d’égalité entre les femmes et les hommes, une question d’égalité de genres », expose Diane Roman, professeure de droit public à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Lire notre article. Droit à l’avortement dans la Constitution : « Une avancée pour les droits des femmes » ou « un coup politique » ?
« Je ne vois pas ce que la contraception et l’avortement ont à voir avec le juge judiciaire »
Quant à la forme de l’inscription de ce droit dans la Constitution, elle fait débat : le rajouter dans le Préambule de 1946, la solution des sénateurs socialistes, l’intégrer à l’article 34 qui définit le domaine de la loi, la solution des sénateurs communistes, ou bien, et c’est la solution privilégiée par cette nouvelle proposition de loi constitutionnelle de Mélanie Vogel, créer un nouvel article 66-2. L’article 66 englobe des dispositions relatives aux libertés individuelles. La rédaction de ce texte s’aligne sur deux propositions de loi déposées à l’Assemblée nationale.
Cette dernière n’est pourtant pas du goût du goût de Diane Roman. « Je suis un peu étonnée […] C’est la partie de la Constitution qui fixe l’indépendance de la justice […] Je ne vois pas ce que la contraception et l’avortement ont à voir avec le juge judiciaire […] Ça me paraît mal rangé », a-t-elle observé privilégiant une « solution plus simple », l’inscrire à l’article 1er de la Constitution « là où sont reconnus les droits fondamentaux ».
« Dans ce type de référendums, ce sont surtout les contres qui seront mobilisés »
« Je suis d’accord » a reconnu Mélanie Vogel expliquant qu’elle avait repris la rédaction des textes déposés par la majorité présidentielle et la Nupes à l’Assemblée nationale « afin de ne pas avoir d’argument contraire ». « Mais ce texte est tout à fait amendable », ajoute-t-elle.
Il l’est d’autant plus que ce texte n’a pas vocation à aller au bout de son parcours législatif. En effet, une révision constitutionnelle initiée par une proposition de loi (le Parlement) ne peut être approuvée que par un référendum, après un vote en termes identiques des deux chambres du Parlement. « Il ne faut pas qu’il y ait un référendum sur l’avortement. Les études d’opinion montrent qu’il y a une majorité dans la population favorable à ce droit. Et dans ce type de référendums, ce sont surtout les contres qui seront mobilisés. On a déposé ce texte car le gouvernement a dit qu’il attendait des initiatives parlementaires. Si le gouvernement avait dit qu’il allait déposer un projet de loi jamais je n’aurais déposé une proposition de loi », assure la sénatrice qui souhaite que l’éxecutif reprenne la main pour que la révision passe par un vote de la majorité des 3/5e des suffrages exprimés de l’Assemblée nationale et du Sénat réunis en Congrès.