Suite à trois recours déposés contre le choc des savoirs, dont un par la sénatrice écologiste Monique de Marco, le rapporteur public du Conseil d’Etat demande d’annuler la mise en place des groupes de niveau au collège, soit le cœur de la réforme portée par Gabriel Attal. S’il faut encore attendre la décision du Conseil d’Etat, son avis pourrait être suivi.
Violences sexuelles dans le cinéma : que faut-il retenir de l’audition de Judith Godrèche au Sénat?
Violences sexuelles dans le cinéma : que faut-il retenir de l’audition de Judith Godrèche au Sénat?
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L’actrice et réalisatrice Judith Godrèche a porté plainte contre le réalisateur Benoît Jacquot pour viols avec violences sur mineur de moins de 15 ans, puis pour viol sur mineur à l’encontre du cinéaste Jacques Doillon. Son témoignage a déclenché la prise de parole d’autres actrices. Son intervention au César a également été très remarqué.
C’est dans ce contexte de libération de la parole dans le milieu du cinéma que la délégation aux droits des femmes du Sénat a décidé d’auditionner Judith Godrèche. L’actrice est entendue jeudi 29 février, à 9 heures.
Une audition à suivre via ce live et la vidéo ci-dessus.
Judith Godrèche évoque une jeune actrice de théâtre « abusée par quelqu’un de connu »
Judith Godrèche a longuement expliqué les difficultés pour les actrices, acteurs et techniciens, victimes de violences sexuelles et sexistes, de prendre la parole. « C’est un petit milieu, ils ont peur de ne plus jamais travailler ». Elle évoque alors le cas d’une jeune actrice « qui vient de finir ses études de théâtre et qui a été abusée par quelqu’un de connu. Quand je parle avec elle, il y a la peur de parler, du pouvoir de cette personne. Il y a cette phrase qui revient souvent : mais il est tellement aimé ».
Judith Godrèche lui a lors dit « tout le monde le sait en ce qui concerne cette personne. Et, elle me dit, je ne vais pas être connue pour ça […] comme une victime ».
Elle évoque aussi les difficultés financières pour les jeunes victimes de répondre en justice lorsque l’auteur présumé les attaque en diffamation après un dépôt de plainte. « Est-ce qu’il est possible de faire des lois, pour avoir accès à un fond qui aide les victimes ». « Ce que font la plupart des abuseurs, c’est qu’ils attaquent les victimes en diffamation. Je suis en contact avec beaucoup de victimes qui n’ont pas les moyens d’avoir des avocats ».
« Il est possible que je suscite moi-même l’invitation » à l’Elysée
Le sénateur PS, Hussein Bourgi a demandé à Judith Godrèche si elle avait été reçue à l’Elysée depuis sa prise de parole. « C’est important que votre parole ne s’éteigne pas ». L’actrice a indiqué « que Rachida Dati » lui avait « fait signe avant les César ». « Je ne ai lui pas répondu avant les César. On s’est vues après ». L’actrice indique avoir demandé à la ministre le retrait de Dominique Boutonnat de la présidence du CNC. « Ce à quoi, elle m’a répondu la présomption d’innocence. Elle m’a, en effet, parlé (d’une invitation) du président de la République, et je lui ai demandé s’il voulait me recevoir pour faire une photo ou pour vraiment discuter […] pour faire évoluer les choses. Pour l’instant, je n’ai été contactée ni pour la photo, ni pour la discussion. Il est possible que je suscite moi -même l’invitation parce que je n’ai pas grand-chose à perdre ».
Film « CE2 », de Jacques Doillon « voulait que ce soit une petite fille harcelée dans la vie pour lui faire revivre à l’écran, ce qu’elle a vécu dans la vie »
Judith Godrèche est revenue sur le film « CE2 » de Jacques Doillon dont la date de sortie a été repoussée, après les accusations de viol de l’actrice. « Il met en scène une petite fille qui a été harcelée à l’école dans son histoire. Je sais qu’il voulait que ce soit une petite fille qui dans la vie a été harcelée pour lui faire revivre à l’écran, ce qu’elle a vécu dans la vie. Pour que cette souffrance ait l’air vraie […] En tant que maman j’aurais dit à ma fille, ça va être très compliqué pour toi. Maintenant, je ne suis pas là pour juger les mamans qui sont impressionnées par le monde su cinéma.
Violences sexuelles : « Le cinéma n’a pas les moyens de faire changer les choses tout seul »
Judith Godrèche estime que le cinéma français manque « d’un représentant de la confiance », pour permettre une libération de la parole et une écoute des victimes. « Le cinéma n’a pas les moyens, quelle que soit l’importance de ses producteurs et de ses syndicats, de faire changer les choses tout seul », estime-t-elle. « Il n’est pas possible aujourd’hui de s’adresser au CNC [Centre national du cinéma] », explique la réalisatrice qui demandait quelques minutes plus tôt le départ de son président Dominique Boutonnat, mis en examen pour agression sexuelle. « Mon militantisme est politique » ajoute-t-elle.
« Au dîner des César, je me suis retrouvée tout au fond du fond du Fouquet’s »
Après son discours remarqué au César, Judith Godrèche révèle qu’elle s’est retrouvée « tout au fond du fond du Fouquet’s », lors du diner qui a suivi.
« 200 techniciennes ont reçu une photo du sexe d’un réalisateur français », révèle Judith Godrèche
Pour illustrer le fait que les victimes ne savent pas à qui s’adresser lorsqu’elles sont victimes de violences sexuelles ou sexistes sur un tournage, Judith Godrèche explique que ce ne sont pas uniquement les actrices et acteurs qui sont concernés. « En une journée, j’ai reçu 200 témoignages de techniciennes qui ont toutes reçu une photo du sexe d’un réalisateur français. C’était sur des tournages différents, elles n’ont pas travaillé sur le même film […] qu est-ce qu’elles ont fait ? La plupart du temps, rien. Parce qu’elles ne savent pas à qui s’adresser […] Il y a des techniciennes à qui un réalisateur a dit : tu veux me sucer la bite ? Elles sont allées voir le producteur qui leur a dit de ne pas faire d’histoires ».
« Le système du prédateur est tellement bien huilé, la présence des parents ne peut rien y faire »
Où sont les parents lorsque les enfants se font agresser ? Que peuvent-ils faire ? À la question posée par le sénateur centriste Jean-Michel Arnaud, Judith Godrèche répond en décrivant le système d’emprise qui se referme très vite sur les jeunes actrices.
« Quels que soient les parents, qu’ils soient permissifs ou non, ça n’aurait rien changé au moment où je me suis retrouvée sous l’emprise de réalisateurs », explique-t-elle en demandant la mise en place d’un véritable « système de protection de l’enfant ».
Judith Godrèche demande aux sénateurs de mettre en place une commission d’enquête sur les violences sexuelles dans le cinéma
L’actrice a demandé à la délégation aux droits des femmes de constituer « une commission d’enquête sur les violences sexuelles et sexistes dans le milieu du cinéma ». Même si Judith Godrèche reconnaît que ce n’est pas du pouvoir des sénateurs, mais elle a demandé le retrait de Dominique Boutonnat de la présidence du CNC, mis en examen pour agression sexuelle. « Une institution dans laquelle se rendent les producteurs en rigolant car ils vont faire une formation contre les violences sexuelles dans une institution où le président est accusé de violences sexuelles ».
L’actrice demande, enfin, la présence d’un référent neutre qui n’est pas payé par la production sur les tournages « pour qu’un enfant ne soit jamais laissé seul sur les tournages ». Elle demande également la présence « d’un coach intimité et un coach de jeu » pour accompagner les enfants sur les tournages. « Ça fait peur quand on est une jeune actrice ou un jeune acteur de se retrouver dans une scène où on vous crie dessus ».
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