Déjà en crise, le système hospitalier s’apprête à encaisser le choc d’une triple épidémie de bronchiolite, de grippe et de covid-19. Malgré les tensions, le ministre de la Santé, François Braun, a démenti à plusieurs reprises tout « tri » des enfants aux urgences. « Pour la bronchiolite, je pense que les urgences pédiatriques ont connu leur hiver le plus difficile. Cela fait plusieurs années que l’on avait cette problématique avec des transferts d’enfants d’une région à une autre. Mais quand on regarde les courbes, on a fait une bronchiolite énorme par rapport aux hivers précédents », assure Mathias Wargon, médecin urgentiste et chef de service à l’hôpital Delafontaine de Saint-Denis. « Les enfants graves ont été soignés, mais pas toujours dans de bonnes conditions. On a fait un peu de bricolage », explique encore ce médecin, invité vendredi de « Bonjour chez vous », la matinale de Public Sénat.
« Bien sûr que l’on fait du tri aux urgences », poursuit Mathias Wargon. « Le ministre de la santé François Braun dit que l’on ne fait pas de tri, il sait bien de quoi l’on parle puisqu’il est lui-même urgentiste. Quand on a énormément de monde, on a une petite tendance à renvoyer des patients. Renvoyer les patients des urgences n’est pas un problème. Beaucoup de gens viennent aux urgences alors qu’ils seraient mieux traités en ville. Le problème c’est où ? », interroge notre invité. « On n’a pas de médecins de ville, pas de réseaux. Nous n’avons pas trouvé de solution avant de nous retrouver dans le mur. Le manque de médecins de ville était déjà un problème quand j’ai commencé mes études, en 1985-1986. On ne l’a pas du tout anticipé », déplore-t-il.
« Je me suis fait insulter par des anciens sénateurs et des sénateurs »
Mathias Wargon se dit également agacé par le manque de directives claires sur le covid-19, alors que les indicateurs de suivi de l’épidémie repartent à la hausse. « Je n’ai rien vu de clair sur la vaccination, même nous, on ne sait pas qui l’on doit vacciner », pointe-t-il. « De toute façon, nous avons des problématiques de vaccination de la population et des soignants depuis au moins 20 ans, le covid n’a fait que les mettre en lumière ».
À ce stade, le port du masque est vivement recommandé par le gouvernement, mais aucune mesure d’obligation, dans les transports en commun ou les lieux publics, n’a encore été prise. « On a décidé de ne plus emmerder les gens avec le port du masque. C’est un manque de courage politique », s’agace Mathias Wargon. « Je me suis fait insulter par des anciens sénateurs et des sénateurs. Une sénatrice LR a voulu me couvrir de goudron et de plumes », rapporte l’urgentiste, avant de citer Sylvie Goy-Chavent, sénatrice LR de l’Ain, mais aussi de dénoncer les prises de position du sénateur LR de la Côte-d’Or Alain Houpert, radiologue de formation, ou encore de l’ancien sénateur UDI de Paris, Yves Pozzo di Borgo. « Ils sont du côté de France Soir, de tous les complotistes, soutiennent les mouvements antivax et anti-masque », assure Mathias Wargon.
« J’ai interpellé Gérard Larcher sur Twitter, je n’ai évidemment eu aucune réponse. Par contre, quand Alain Houpert se fait condamner par le conseil de l’Ordre des médecins, on appelle à la liberté d’expression. Moi, ma liberté d’expression, quand je parle du masque et du vaccin, est largement remise en cause par ces mêmes personnes et tous ceux qui les suivent. »
Également interrogé sur la réintégration des soignants, Mathias Wargon estime qu’il s’agit « d’un gadget dans le débat ». « On sait bien que c’est moins de 1 % des soignants. Je ne crois pas qu’il faille les réintégrer, mais il faut leur proposer quelque chose. D’autant que les populistes s’en servent », ajoute-t-il.