Suite à trois recours déposés contre le choc des savoirs, dont un par la sénatrice écologiste Monique de Marco, le rapporteur public du Conseil d’Etat demande d’annuler la mise en place des groupes de niveau au collège, soit le cœur de la réforme portée par Gabriel Attal. S’il faut encore attendre la décision du Conseil d’Etat, son avis pourrait être suivi.
Couvre-feu pour les mineurs : quel pouvoir pour les maires ?
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Ce 22 avril, les mineurs de Pointe-à-Pitre ont passé leur première nuit sous couvre-feu, annoncé par le ministre de l’Intérieur lors d’une visite en Guadeloupe. Pour une durée d’un mois renouvelable, les jeunes de moins de 18 ans résidant dans plusieurs quartiers de la ville n’auront plus le droit de quitter leur domicile entre 20 heures et 5 heures du matin.
Une mesure prise pour « protéger les mineurs des risques qu’ils encourent face à la recrudescence de la violence, mais aussi d’être mêlés à des actes de délinquance », a assuré le préfet de Guadeloupe. Lors d’un déplacement à Viry-Châtillon, ville endeuillée par la mort du jeune Shemseddine agressé devant son collège, Gabriel Attal a lui-même appelé à un « sursaut d’autorité » contre « l’addiction d’une partie de nos adolescents à la violence ».
Un pouvoir de police partagé avec le préfet
Un contexte et des discours qui ont incité plusieurs maires à instaurer une mesure similaire sur leur territoire. Depuis le 22 avril et jusqu’au 30 septembre, les jeunes de moins de 13 ans de trois quartiers de Béziers ne pourront pas circuler entre 23 heures et 6 heures du matin. Un arrêté similaire pris par le maire Robert Ménard en 2014 avait fait l’objet d’une annulation par le Conseil d’État quatre ans plus tard, suite à un recours de la Ligue des droits de l’Homme. Car, si les édiles disposent des pouvoirs de police générale, ils ne peuvent toutefois pas l’exercer comme ils l’entendent.
Selon le code général des collectivités territoriales, le maire est en effet chargé « de la police municipale, de la police rurale et des l’exécution des actes de l’État qui y sont relatifs ». L’élu a ainsi le devoir de faire respecter l’ordre public et est notamment en charge de la sécurité, de la salubrité et de la tranquillité publique sur sa commune.
Ce pouvoir doit toutefois être exercé « sous le contrôle administratif du représentant de l’État dans le département », précise la loi. L’instauration d’une mesure de couvre-feu doit donc se faire en concertation avec le préfet, qui dispose également d’un pouvoir de police et est chargé de contrôler la légalité des arrêtés pris par le maire.
Une qui doit être justifiée, adaptée et proportionnée
La décision d’instaurer un couvre-feu doit également correspondre aux réalités rencontrées par le maire sur son territoire. C’est ce qu’a rappelé le Conseil d’État, dans sa décision d’annulation du premier couvre-feu prononcé par Robert Ménard en 2014 : « La légalité de mesures restreignant à cette fin la liberté de circulation des mineurs est subordonnée à la condition qu’elles soient justifiées par l’existence de risques particuliers de troubles à l’ordre public (…), adaptées à l’objectif pris en compte et proportionnées ».
L’arrêté municipal ne peut donc pas interdire les déplacements de façon générale et absolue, mais doit préciser les circonstances qui justifient la prise d’une telle mesure, la manière dont celle-ci s’appliquera et la date à laquelle elle prendra fin. À Béziers, aucun recours n’a encore été formulé pour faire annuler le nouvel arrêté. Les associations, à l’image de la Ligue des droits de l’Homme en première ligne sur le sujet, ont deux mois pour entamer des démarches.
Un dispositif vraiment efficace ?
En place depuis 20 ans dans sa commune, le maire Les Républicains de Cagnes-sur-Mer vente l’efficacité du couvre-feu, qu’il instaure chaque année pour les moins de 13 ans entre avril et octobre. L’édile assure que depuis l’entrée en vigueur du dispositif, aucun mineur n’a été arrêté en infraction sur son territoire.
Pour autant, l’efficacité concrète des mesures de couvre-feu pour faire baisser la délinquance reste à prouver. Selon la « première photographie de la délinquance et insécurité en 2023 », publiée par le ministère de l’Intérieur, les moins de 13 ans n’ont représenté que 2 % des mis en cause dans les atteintes aux personnes en France, contre 36 % pour les 30 à 44 ans, et 1 % des mis en cause pour vols avec violence, contre 44 % pour les 18 à 29 ans.
La mise en place d’un couvre-feu peut enfin se heurter au manque de moyens des municipalités, alertait le président de l’Association des maires de France David Lisnard, au micro de RTL ce 23 avril. « Les maires qui prennent ces mesures estiment qu’ils ont les moyens de faire respecter leur décision. Mais le problème de la délinquance des mineurs nécessitera une mobilisation beaucoup plus forte de la part de l’État, au-delà des postures et des effets d’annonce », a dénoncé le maire Les Républicains de Cannes.