Suite à trois recours déposés contre le choc des savoirs, dont un par la sénatrice écologiste Monique de Marco, le rapporteur public du Conseil d’Etat demande d’annuler la mise en place des groupes de niveau au collège, soit le cœur de la réforme portée par Gabriel Attal. S’il faut encore attendre la décision du Conseil d’Etat, son avis pourrait être suivi.
Comparution immédiate, excuse de minorité, courtes peines… sur la « sécurité du quotidien », Michel Barnier reprend la copie des Républicains
Par Romain David
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Il compte en faire l’un de ses chantiers prioritaires. « La sécurité du quotidien » fait partie des axes de réforme détaillés par le Premier ministre Michel Barnier, ce mardi 1er octobre, dans son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale. Le locataire de Matignon a énuméré une suite de mesures, pour la plupart issues du programme des Républicains, et ciblant pour la plupart les jeunes délinquants.
Le chef du gouvernement veut également renforcer la présence des forces de l’ordre sur le territoire national, notamment « par la création de nouvelles brigades de gendarmerie ». Il a cité l’exemple de la parenthèse olympique et paralympique, qui a vu baisser la délinquance de manière significative, au prix d’un dispositif sécuritaire hors norme. « C’est bien la preuve que la seule présence des forces de l’ordre a un effet sur la délinquance, mais la question des moyens devra être détaillée », observe la sénatrice LR Jacqueline Eustache-Brinio. « C’est aussi une question de déploiement et d’affectation. Il y a des tâches purement administratives qui ne nécessitent pas forcément de mobiliser des policiers assermentés », pointe Christophe-André Frassa, le vice-président (LR) de la commission des lois du Sénat.
« Sur ce genre de mesures, nous sommes prêts à signer 1 000 fois ! », assure le sénateur communiste Ian Brossat. « Que l’on rétablisse une police de proximité, qui connaisse le terrain. Mais nous aurons la vérité des prix au moment des discussions budgétaires », avertit l’élu parisien.
Un tour de vis sur la justice des mineurs
Michel Barnier a longuement insisté sur la délinquance des mineurs, reprenant à son compte différentes mesures du pacte législatif présenté par la droite après les législatives. Le chef du gouvernement a ainsi évoqué la création d’une procédure de comparution immédiate « pour les mineurs délinquants de plus de 16 ans, déjà connus de la justice et poursuivis pour des actes graves d’atteinte à l’intégrité physique des personnes ». Il souhaite aussi travailler sur une « atténuation de l’excuse de minorité ».
Ces chantiers avaient déjà été ouverts par son prédécesseur, Gabriel Attal, en réaction aux émeutes urbaines de juillet 2023, mais sans aboutir. « Michel Barnier s’inscrit dans la continuité du gouvernement précédent en voulant raccourcir les délais de jugements et créer une procédure de comparution immédiate. Le code de justice des mineurs permet déjà de déferrer un jeune de 16 ans via la procédure de l’audience unique. Mais elle est surtout réservée aux mineurs non accompagnés qu’on a besoin de juger immédiatement sinon on ne les revoit plus », relève la sénatrice centriste Dominique Vérien.
Actuellement, le code de la justice pénale des mineurs prévoit une procédure en deux temps, avec un premier jugement sur la culpabilité du jeune, puis un second, dans un délai d’un an, sur le prononcé de la sanction. Entre les deux, des mesures éducatives ou de sûreté, allant jusqu’à la détention provisoire, peuvent être émises. La procédure d’« audience unique », proche de la comparution immédiate, permet déjà de déferrer un jeune de plus de 16 ans le jour même, avec à la clef des dispositions de sûreté immédiates, en attendant l’audience de jugement.
Michel Barnier a aussi évoqué « des peines de prison courtes et immédiatement exécutées pour certains délits », avec la création d’établissements spécifiquement dédiés à ces courtes peines. Il s’agit là aussi de deux propositions que l’on retrouve dans le programme de sa famille politique.
« Michel Barnier reprend les vieux refrains de la droite sénatoriale »
« La délinquance des mineurs est devenue un problème de fond, elle ne concerne pas que la banlieue parisienne mais toute la France. La violence des jeunes s’est considérablement accentuée depuis quinze ans. Ils s’autorisent tout parce qu’ils ne risquent rien », tempête Jacqueline Eustache-Brinio. « Rétablir une lisibilité de la peine, c’est leur reposer des limites ». Dominique Vérien se dit également favorable à l’application de courtes peines pour les mineurs, « à condition qu’elles aient lieu dans des centres éducatifs fermés et non des prisons où ils vont rencontrer leurs futurs patrons ».
« Sur certains sujets, comme l’excuse de minorité, on brandit l’obstacle constitutionnel. Mais tant que nous n’aurons pas un texte de loi, évalué, avec avis du Conseil d’Etat, la Constitution restera un chiffon rouge que l’on agite, précisément pour ne rien faire », estime Christophe-André Frassa.
« Michel Barnier reprend les vieux refrains de la droite sénatoriale », soupire Ian Brossat. « Il y a d’ailleurs une forme de contradiction à se placer, au début de sa prise de parole, sous le patronat de Charles de Gaulle, pour ensuite vouloir détricoter les principes de l’ordonnance du 2 février 1945 sur la justice pénale des mineurs. »
Narcotrafic
« La lutte contre le trafic de drogue, la criminalité organisée et l’économie souterraine qui gangrènent beaucoup de territoires, urbains ou ruraux, sera une priorité », a martelé Michel Barnier. Reste à savoir si le locataire de Matignon reprendra le plan de lutte qui avait été présenté en avril par l’ancien garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, lui-même inspiré par les travaux de la commission d’enquête parlementaire du Sénat sur le narcotrafic.
Parmi les mesures qui avaient été présentées à l’époque : l’installation d’un parquet spécialisé dans la criminalité organisée et la création d’un « statut de repenti » moins restrictif que celui mis en place en 2014. Au Sénat, à gauche comme à droite, on appelle le Premier ministre à reprendre ces pistes de travail.
« Je dirais que le Premier ministre a posé un certain nombre d’éléments, de manière pragmatique, avec sérénité et de vérité », résume Jacqueline Eustache-Brinio. « Il y a des éléments encourageants dans sa déclaration. On attend désormais de les voir se transformer en projet de loi », conclut Christophe-André Frassa.
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