Paris : Empty streets before the Olympic Games

Cérémonie d’ouverture JO 2024 : « C’est un symbole de puissance, l’image que l’on souhaite renvoyer au monde »

Cent ans après, les Jeux Olympiques reviennent à Paris. La cérémonie d’ouverture qui se tient ce vendredi 26 juillet s’annonce historique par son affluence comme par son cadre. Une ambition à la hauteur des enjeux liés au défilé d’ouverture. Depuis 1980 et les JO de Moscou, les cérémonies sont également l’occasion pour les pays hôtes de se présenter au monde.
Henri Clavier

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Pluie, nuages ou ciel dégagé ? La question de la météo n’aura jamais autant agité les organisateurs d’une cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques. Il faut dire que Paris ne fait rien comme les autres et, pour la première fois, la cérémonie d’ouverture se déroule en ville. Au programme, un défilé de péniches le long de la Seine accompagné d’un spectacle artistique qui se veut grandiose. Avec plus de 3 milliards de téléspectateurs durant la quinzaine olympique, aucun événement n’offre à un pays une telle exposition. Instant marquant des Jeux Olympiques par excellence, la cérémonie d’ouverture permet au pays hôte de se raconter. Par conséquent, les messages transmis, les choix effectués pour la cérémonie ou la façon de mettre en scène une histoire nationale revêtent une importante symbolique politique.

Une cérémonie d’ouverture historique

Plus de 300 000 spectateurs sont attendus pour la cérémonie d’ouverture sur les quais de seine, une affluence record pour un tel événement, habituellement confiné dans des stades olympiques à peine sortis de terre. Véritable moment d’autopromotion, chaque détail est pesé, mais la course au grandiose peut faire prendre certains risques aux organisateurs. « Dans les esprits, Londres 2012 reste un modèle, on est dans la surenchère, donc on essaye toujours d’en faire plus, de dépasser les précédentes cérémonies. Organiser les JO est un symbole de puissance, la question à se poser pour une cérémonie d’ouverture, c’est celle de l’image que l’on souhaite renvoyer au monde. Là l’enjeu c’est de montrer Paris, le centre de la capitale, il y a une dimension quasiment touristique et de glorification d’un patrimoine architectural monumental », explique Fabien Archambault, maître de conférences en histoire du sport et spécialiste de l’olympisme.

Lire aussi : « Jeux Olympiques 2024, le défi de l’acceptabilité »

Depuis un demi-siècle, les cérémonies d’ouverture sont l’occasion pour le pays hôte de se raconter devant le monde entier en adoptant une perspective historique, proche de celle du roman national. Les éléments présents comptent autant que les omissions. La cérémonie d’ouverture des jeux de Rio en 2016 choisit de ne pas représenter les peuples autochtones présents avant l’arrivée des Européens contrairement à la cérémonie de Sydney en 2000. Logiquement donc, c’est un historien, Patrick Boucheron qui a été chargé d’écrire le déroulé de la cérémonie. « Il devrait y avoir une narration à la façon d’une fresque historique, il y aura un récit de ce qui fait la France. La dernière grande cérémonie où le pays s’est raconté, c’était pour la célébration du bicentenaire de la révolution française. Pour la France, il va falloir jouer avec les clichés qui correspondent à une représentation mondiale de la France et en même temps proposer quelque chose d’innovant », souligne Fabien Archambault. Surtout, attention aux faux pas, la cérémonie d’ouverture de la coupe du monde de rugby 2023 avait suscité un tollé en proposant une image d’Épinal de la France et de ses villages. « Le risque de ce genre de cérémonie, c’est qu’elles ne soient pas prises au sérieux, pas comprises et alors on risque de basculer dans le ridicule, le kitsch ou le grandiloquent », reconnaît Fabien Archambault. Dans une conférence de presse donnée ce 26 juillet, Patrick Boucheron affirme vouloir raconter « une histoire au présent, diverse ».

Moscou 1980, première véritable cérémonie d’ouverture

Instrument d’unité nationale comme de propagande, les cérémonies d’ouverture sont marquées par la récupération politique. L’invention même de ces chorégraphies et spectacles artistiques s’inscrit dans un contexte historique bien précis, celui de la guerre froide. « En ce qui concerne le programme culturel et la performance artistique, c’est à partir des JO de Moscou en 1980 que l’on réalise une scénographie, un spectacle et une mise en scène dont l’objectif est de présenter l’histoire du pays hôte », souligne Fabien Archambault. Dans un contexte de tensions, les Etats-Unis décident de boycotter les jeux soviétiques en condamnant l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS débutée en 1979. Alors que les athlètes communistes dominent les dernières olympiades, l’URSS profite pleinement de l’organisation de l’événement et charge notamment Iossif Tomanov, metteur en scène du Bolchoï de l’organisation d’une cérémonie devant exalter les valeurs bolcheviques. « La cérémonie reprenait l’histoire de l’URSS en la présentant comme un pays multiculturel, présentant les danses traditionnelles de chacune des fédérations composant l’URSS, la narration correspondait à un idéal internationaliste que voulait montrer le pouvoir soviétique. Avec cette cérémonie, l’URSS veut aussi se présenter comme une nation pacifiste », informe Fabien Archambault. Loin d’être un hasard, le titre du film des JO de 1980 reprend une vieille antienne coubertine : « Ô sport, tu es la paix ». Avant 1980, sans réaliser de spectacle d’ouverture, le régime nazi avait, en créant le relais de la flamme olympique depuis la Grèce, voulu utiliser les valeurs olympiques pour démontrer une continuité entre l’antiquité grecque et les Aryens.

Affirmation mondiale et soft power

Démonstration exacerbée de la puissance nationale ou représentation flegmatique et amusante, les défilés dépendent largement de ceux qui les organisent. « Pour la Chine, en 2008 c’était vraiment l’affirmation du pays en tant que puissance mondiale donc ils avaient récupéré le dispositif rhétorique et scénographique utilisé à Moscou et voulaient impressionner. La cérémonie de Londres 2012 n’a pas cherché à insister sur la puissance mondiale du Royaume-Uni, mais insiste plutôt sur l’image du pays dans la culture de masse », détaille Fabien Archambault. En effet, alors que la Chine misait sur un impressionnant spectacle synchronisé, le Royaume-Uni mettait en scène ses icônes imaginant un échange entre la reine d’Angleterre et James Bond.

« L’idée du CIO est d’affirmer son pouvoir sur les Jeux »

Au-delà des pays hôtes, le Comité International Olympique (CIO) joue un rôle majeur dans l’organisation des cérémonies et balise leur déroulement. Dès le début du XXè siècle, le CIO structure l’événement, les athlètes défilent à partir de 1908, et une parade avec les drapeaux apparaît à partir de 1920. Un monopole fermement défendu par l’organisation. « L’idée du CIO est d’affirmer son pouvoir sur les Jeux, ça se voit sur la déclaration d’ouverture officielle des JO où le chef d’État du pays hôte n’a pas le droit d’en dire plus que ce qui est prévu par le CIO. En 1984, Ronald Reagan voulait faire un discours, mais le CIO l’en a empêché », relève Fabien Archambault. En effet, si le CIO abandonne cette posture, difficile ensuite de justifier son monopole sur l’organisation de la compétition. « Le CIO cherche toujours à se légitimer, et Thomas Bach (président du CIO) a beaucoup apprécié l’idée d’un défilé en extérieur permettant de transmettre l’image de Jeux populaires », analyse Fabien Archambault.

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