C’est devenu un marronnier. Cette année, c’est à Grenoble qu’une nouvelle polémique sur le burkini voit le jour. Le conseil municipal s’apprête à délibérer sur une modification du règlement intérieur des piscines municipales, notamment son article 12 qui exige des usagers une « tenue décente » et « une attitude correcte ».
Pour l’heure, le texte requiert que les baigneurs soient vêtus d’un maillot de bain recouvrant « au minimum la partie située entre le haut des cuisses et la ceinture et au maximum la partie située au-dessus des genoux et au-dessus des coudes ». Promesse de 2018, le maire EELV Éric Piolle veut mettre fin aux « injonctions sur le corps des femmes » et ôter la mention de ces précisions vestimentaires. « Je comprends que ça puisse choquer, quand on a eu les débats sur le droit de vote des femmes. Ça choquait aussi. On disait qu’elles étaient sous l’emprise de leur mari et des curés », a comparé Éric Piolle sur BFM TV.
Ce scrutin divise même au sein de sa majorité composée d’élus écologistes, communistes, de La France insoumise (LFI) et de Génération.s. « Il y a 70 % qui sont pour le changement et 30 % qui sont contre », relativise l’élu. Il provoque surtout une levée de boucliers dans l’opposition et l’affaire prend une tournure nationale comme à chaque fois qu’il est question du burkini.
Le préfet de l’Isère a annoncé qu’il demanderait au tribunal administratif d’annuler l’autorisation du burkini à la piscine si le conseil municipal de Grenoble modifiait en ce sens la réglementation des piscines lors du vote prévu lundi soir. Si la délibération est adoptée, la préfecture saisira le tribunal « par le biais d’un déféré laïcité en vue d’en obtenir la suspension, en complément du référé d’annulation » qui sera lui examiné plus tard. Cette disposition a été introduite par la loi séparatisme votée en août 2021 et concerne les actes qui portent « gravement atteinte au principe de laïcité et de neutralité du service public ».
Les arrêtés anti-burkinis suspendus par le Conseil d’Etat
Ce n’est pas la première fois que « les arrêtés burkini » sont contestés devant les tribunaux administratifs.
A l’été 2016, une série d’arrêtés municipaux visant à interdire le burkini avaient été suspendus par une ordonnance du Conseil d’Etat. La plus haute juridiction administrative avait jugé qu’ils portaient « une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle ».
Un an plus tard, la cour administrative d’appel de Marseille, n’avait pas jugé l’arrêté « anti-burkini du maire de Sisco (Haute-Corse), jusqu’au 30 septembre « disproportionné » ou « inadapté ». Suite à une rixe faisant plusieurs blessés, La juridiction avait « estimé que la décision du maire était adaptée aux risques avérés de troubles à l’ordre public ». La ligue des droits de l’Homme avait vu sa demande d’annulation de cet arrêté rejetée par le Conseil d’Etat. Toutefois, rappelons ici, qu’un règlement portant atteinte à une liberté individuelle pour un motif d’ordre public ne peut être que limité et temporaire.
Michel Savin : « Le rôle du politique, c’est de poser des limites au communautarisme »
« C’est bien pour ça que j’ai proposé de mettre l’interdiction dans la loi », rappelle Michel Savin. En effet, par deux fois, le sénateur LR de l’Isère a tenté d’inscrire l’interdiction durant le dernier quinquennat. En 2021, lors de l’examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République, le Sénat avait adopté un amendement de Michel Savin. « Le règlement d’utilisation d’une piscine ou baignade artificielle publique à usage collectif garantit le respect des principes de neutralité des services publics et de laïcité », prévoyait le nouvel article que souhaitait introduire sénateur de l’Isère.
» Lire notre article. Séparatisme : le Sénat vote un amendement facilitant l’interdiction du burkini dans les piscines publiques
« Je le dis depuis des mois. Alors que des milliers de femmes veulent se libérer de ce type de carcans, le maire de Grenoble capitule devant les revendications d’une poignée de manifestants de l’islam radical. Le rôle du politique, c’est de poser des limites au communautarisme », rappelle Michel Savin.
Le sénateur dénonce également « l’hypocrisie » des élus de la majorité présidentielle « qui s’indignent dans la presse alors qu’ils se sont opposés à mon amendement ».
« De l’autre côté de l’hémicycle, le président du groupe écologiste du Sénat, Guillaume Gontard, élu de l’Isère lui aussi, estime au contraire que le règlement proposé par Éric Piolle « cadre très bien avec la loi de 1905 ». « Il permet à chacun de mettre le maillot de bain qu’il souhaite. Aristide Briand expliquait, il y a un siècle, qu’un vêtement religieux perdait sa connotation politique à partir du moment où il est autorisé. C’est ce que veut faire Éric Piolle. Un règlement similaire est appliqué dans les piscines de Rennes depuis 4 ans et il n’y a pas de problème », rappelle-t-il.
Gérald Darmanin opposé à l’interdiction du Burkini dans la loi
Dans l’hémicycle du Sénat, Gérald Darmanin s’était effectivement opposé à l’amendement, rappelant le principe de libre administration des collectivités territoriales, mais aussi l’esprit de la loi de 1905. « Nous ne pouvons pas priver par principe l’expression d’une opinion religieuse. La neutralité ne s’impose pas aux usagers du service public », a-t-il expliqué. Mais l’ancien maire de Tourcoing s’est surtout demandé jusqu’où pouvait aller cette logique. « Allons-nous interdire demain le port de signes religieux dans un autobus, qui est un espace public ? » a-t-il demandé.
En février dernier, un amendement à la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France, déposé, là encore, par Michel Savin avait une nouvelle fois crispé les relations entre le gouvernement et la droite sénatoriale. L’amendement visait à interdire le port de signes religieux ostensibles dans les compétitions sportives. La ministre des Sports, Roxana Maracineanu avait fustigé « l’obsession des élus ». Une rodomontade qui n’avait pas été du goût de la majorité sénatoriale provoquant plusieurs rappels au règlement.
» Lire notre article. Démocratisation du sport : la majorité sénatoriale « outrée » par les propos de Roxana Maracineanu, rejette le texte