Cette fois-ci, c’est la bonne. Après de multiples reports, le gouvernement s’apprête à dévoiler sa nouvelle stratégie de lutte contre la pauvreté, phénomène qui touche 15 % de la population, soit 9,2 millions de personnes, selon les critères de l’Insee. Initialement prévue au mois de janvier, la présentation du « Pacte des solidarités » se tiendra le lundi 18 septembre. Dans un contexte de forte inflation, notamment sur les prix alimentaires qui pèsent fortement sur les budgets contraints des plus modestes, le plan est attendu au tournant par les acteurs associatifs.
Pour rappel, ce pacte doit s’articuler autour de quatre axes : la réduction des inégalités au niveau de la petite enfance, la réinsertion par l’emploi, la lutte contre le non-recours aux prestations sociales ou encore l’accompagnement dans la transition écologique. Les propositions découleront en partie des échanges tenus fin 2022, avec les différentes parties prenantes, qu’il s’agisse des associations caritatives, des représentants d’élus, ou encore des agences de l’État.
Depuis la concertation hivernale, certains acteurs engagés dans les travaux redoutent que la copie finale ne tire pas les conséquences de certains faits majeurs récents. On pense aux émeutes urbaines, à partir de la fin juin. Ou encore aux récentes alertes émises par les Restos du Cœur, la Croix Rouge ou encore le Secours populaire. Ces associations clés dans l’aide alimentaire doivent venir en aide à toujours plus de bénéficiaires quand, parallèlement, le nombre de dons diminue. Récemment, à l’occasion d’une plénière du Conseil national de la refondation (CNR), l’Élysée a chargé la Première ministre de travailler à la « revitalisation du monde associatif ».
« Les signaux, depuis quelque temps, ne sont pas rassurants », s’inquiète le président de la Fédération des acteurs de la solidarité
L’annonce est jugée tardive, après plusieurs mois de flottement qui n’inspirent pas le collectif Alerte à l’optimisme. « Le sentiment est que le plan est préparé depuis le mois de mars et ne va pas bouger d’une ligne », redoute Noam Leandri, qui fédère 34 associations et fédérations de solidarité. À l’heure où Bercy annonce 16 milliards d’euros d’économies dans le prochain projet de loi de finances, le président du réseau aborde la réunion de lundi avec méfiance. « Ma crainte, c’est qu’il y ait une poursuite de la stratégie de 2018 sans argent supplémentaire. Et cela n’a pas de sens, si c’est à budget constant, s’il n’y a pas de mesures de réduction structurelles de la pauvreté. »
Jusqu’au dernier moment, les associations de solidarité maintiennent la pression sur l’exécutif. Elles étaient d’ailleurs reçues ce 15 septembre par la nouvelle ministre des Solidarités et des Familles, Aurore Bergé. « Nous attendons que le gouvernement prenne la mesure de la fragilité des personnes et de celles des associations qui les accompagnent », prévient également Pascal Brice, à la tête de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), qui regroupe près de 900 associations et organismes engagés venant en aide aux plus démunis. « La baisse du chômage est une très bonne chose mais ça ne suffira pas. Il faut qu’on s’engage dans un combat collectif pour faire reculer la pauvreté et la précarité dans le pays. Les signaux, depuis quelque temps, ne sont pas rassurants », ajoute-t-il.
Début septembre, le gouvernement a annoncé la mobilisation de 15 millions d’euros pour venir en aide aux Restos du cœur. À ce stade, en dépit les mesures en faveur du pouvoir d’achat mises en place depuis un an, le compte n’y est pas, avertissent les associations de solidarité. La semaine dernière, le Secours populaire indiquait dans son baromètre que 35 % des Français ne pouvaient plus consommer trois repas par jour.
Les associations plaident notamment pour des mesures d’urgence, comme la revalorisation des minima sociaux à hauteur de l’inflation. Le gouvernement a revalorisé les allocations familiales et le RSA à hauteur de 1,8 % en avril 2023 et de 4 % en juillet 2022. La hausse des prix à la consommation a été de 5,2 % en 2022 et devrait atteindre 5 % cette année. Elles réclament aussi la réouverture de places d’hébergement et la relance de l’offre en logements sociaux. Sur le front de l’insertion, les acteurs associatifs espèrent enfin une inflexion de la part du gouvernement sur le projet de loi plein emploi. Examiné avant l’été par le Sénat, il doit désormais être débattu à l’Assemblée nationale. Ils dénoncent les contraintes nouvelles qui vont peser sur les allocataires du RSA.
Des échanges qualifiés de « constructifs » par les départements, autres acteurs de la solidarité
La journée de lundi sera également l’occasion pour les élus locaux de juger de l’engagement de l’État. Parties prenantes avec l’État dans les politiques sociales, les départements abordent le rendez-vous avec confiance. L’Association des départements de France (ADF) semble avoir obtenu des garanties dans le financement de certains programmes. Elles réclamaient un engagement à hauteur de 50 % pour la participation de l’État. « Ce qui était important, c’est qu’on ait des engagements financiers dans la durée. Cela a été a priori entendu. Les actions menées qui ont fait leurs preuves devraient pouvoir continuer à être financées », salue Frédéric Bierry (LR), président de la Collectivité européenne d’Alsace.
Pour le président de la commission solidarité, santé et travail à l’ADF, le résultat des discussions en amont avec le gouvernement est « plutôt constructif et positif ». « On demandait que les moyens soient étoffés, ils le sont. On demandait qu’on travaille ensemble, c’est le cas. Au regard des engagements pris, c’est rassurant. » Frédéric Bierry note toutefois que les moyens alloués au futur déploiement de France Travail, et donc à l’accompagnement vers l’emploi, ne soient pas suffisants.
Autre point d’inquiétude, et non des moindres : les départements sont actuellement pénalisés par un effet ciseaux au niveau budgétaire. Les dépenses de solidarité augmentent. Et les recettes empruntent le chemin inverse. Avec la baisse des ventes immobilières, les droits de mutation à titre onéreux – cette taxe prélevée sur les transactions immobilières – sont en recul pour les départements.