Anniversaire de mai 68 : neuf institutions, des manifestations, et une question

Anniversaire de mai 68 : neuf institutions, des manifestations, et une question

Peut-on fêter l'anniversaire de mai 68 ? Peut-on institutionnaliser le souvenir d'une contestation qui paralysa le pays pendant plus d'un mois ? Cinquante ans après neuf institutions culturelles parisiennes lancent les festivités sur fond d'interrogations.
Public Sénat

Par Pierre Bonte-Joseph

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Comment se souvenir de mai 68 cinquante ans après, comment évoquer l’importance de ce moment qui a bousculé la France d’après guerre : celle du général de Gaulle, celle d’André Malraux, celle des pères et de l’ordre établi, sans plonger dans un moment de nostalgie, et de commémoration ?

Affiche de mai 68 2

C’est le défi lancé par neuf institutions parisiennes, comme la Cinémathèque française, ou les Archives nationales en passant par l’université de Nanterre. Neuf institutions parisiennes réunies sous une même bannière, un logo coloré composé de neuf virgules qui associées forment un tout un « 68 » coloré.

Nanterre, l'université où tout a commencé

Et c’est l’université de Nanterre, d’où la contestation est partie en 1968, qui ouvre le bal des commémorations même si le mot est soigneusement évité. Nanterre va ainsi organiser le 22 mars – date considérée comme le point de départ des événements — un printemps des utopies et des libertés censées créer les conditions d’une nouvelle « étincelle » contestataire. A l’automne les journées du patrimoine donneront à revisiter les lieux de la révolte sur le campus, car même à Nanterre son président Jean-François Balaudé le reconnaît volontiers « la mémoire de mai 68 s’est éloignée du lieu, cet événement n’est plus partagé par les étudiants qui sont sur le campus (...) même on garde une fibre d’engagement, une fibre militante ». 

Le centre Pompidou, lui aura à cœur de réinterpréter l’imagerie militante et révolutionnaire foisonnante de cette période. Une nouvelle lecture des slogans ou des images qui s’affichaient dans les rues et sur les murs sera offerte aux visiteurs. Un atelier populaire sera d’ailleurs réinstallé et permettra au public d'imaginer les slogans d’aujourd’hui...Autre moment fort de cette année des rencontres tous les midis du 28 avril au 20 mai animées par un historien chaque jour différent pour interroger un des aspects de l’histoire de mai 68 : les grandes grèves ouvrières, le festival de cannes annulé...

La Cinémathèque française elle aussi sera de la partie avec la diffusion de "ciné tracts" de l’époque petit films courts militants ou encore la réédition ou fac-similé de la quinzaine des réalisateurs de l'époque. On l'a oublié mais cette sélection parallèle à la compétition officielle est directement née de la contestation qui avait vu le festival de Cannes de 1968 annulé. 

Frédéric Bonneau, son président, rappelant au passage que le point de départ de la contestation de mai 68 fut la décision de renvoi du directeur de la cinémathèque française de l'époque Henri Langlois par André Malraux. 

Enfin notons aussi l'idée pour le moins originale des Archives nationales qui va proposer une histoire de mai 68 vue du côté du pouvoir, en s'appuyant sur les archives du gouvernement ou de la Présidence de la République enfin accessibles aux chercheurs.
 

logo mai 68

Mai 68 un anniversaire très institutionnel

Mais ces neuf institutions, si elles prennent soin d'éviter le piège de la commémoration en proposant des moments de réflexion collective, n'échapperont pas à la question : une institution fut-elle culturelle peut-elle organiser le souvenir de la contestation ? 

Enfin, le programme officiel des manifestations, ne fait pas mention des discordes actuelles sur l'héritage de mouvement, un débat qui aurait été bienvenu et fidèle à l'esprit de contestation de mai 68. 

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